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Les appels à une désescalade restent lettre morte. À la proposition avancée par Paris et Washington pour un cessez-le-feu temporaire de 21 jours qui ouvrirait la voie à des négociations pour un apaisement durable de la situation à la frontière libano-israélienne, le Hezbollah et l’État hébreu se sont opposés. La réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) tenue mercredi, à l’initiative de la France, n’aura donc pas abouti.

Alors que le texte avancé par la coalition internationale s’articule notamment autour des modalités de mise en œuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, la question qui se pose est la suivante: un retour à la formule adoptée en 2006 pour mettre fin à la guerre des 33 jours serait-il adéquat dans le contexte actuel?

Saluée, en son temps, comme une victoire diplomatique, la 1701 n’aura pas réellement mis fin au conflit latent depuis des années. Dix-huit ans plus tard, le Liban se retrouve aux abords d’une nouvelle guerre, avec un Hezbollah aux capacités militaires renforcées.

À ce sujet, Ici Beyrouth (IB) a pu apprendre, d’après ce que le fondateur du cabinet Celtic Intelligence, Jean Sebastien Guillaume, le lui a confié, que la formation pro-iranienne, que la formation pro-iranienne détient un vaste stock d’armes (jusqu’à 150.000 roquettes et missiles) qu’elle dissimule surtout dans les maisons que ciblent incessamment les Israéliens, depuis que leurs efforts militaires se sont concentrés sur le front nord.

"Réputé pour posséder l’arsenal non gouvernemental le plus important au monde, en particulier en ce qui concerne ses capacités en roquettes et missiles, le Hezbollah a mené un total de 3.178 attaques contre Israël depuis le début des hostilités, le 8 octobre 2023, dont 173 ont été entreprises entre le 16 et le 25 septembre 2024", explique M. Guillaume. "Ces frappes incluent l’utilisation croissante de roquettes à moyenne portée, de drones et de missiles plus sophistiqués, visant à la fois des infrastructures militaires, technologiques et civiles israéliennes", poursuit-il, avant d’ajouter: "Bien que le Hezbollah ait démontré ses capacités militaires à travers ces attaques, il n’a pas encore utilisé ses armes les plus sophistiquées, comme les missiles à guidage de précision." Ces équipements sont probablement, toujours selon lui, "réservés pour un conflit régional majeur". Une assertion confirmée par des sources sécuritaires basées au Liban-Sud: "Une escalade vers l’utilisation de ces armes transformerait un conflit limité en une guerre régionale majeure." De quoi s’interroger sur la possibilité pour les parties prenantes qui appellent à l’application de la 1701 de procéder au désarmement du Hezbollah. La résolution prône, rappelons-le et entre autres points, "le désarmement de toutes les milices au Liban" et "l’exclusion de toute vente ou fourniture d’armes et de matériels connexes au Liban, sauf celles autorisées par le gouvernement libanais".

La 1701 est-elle tombée en désuétude?

Adoptée le 11 août 2006, la résolution 1701 a constitué un moment décisif dans la tentative de mettre fin à la guerre de juillet entre le Hezbollah et Israël. Le conflit avait éclaté après la capture de deux soldats israéliens par le Hezbollah lors d’une attaque transfrontalière. Israël avait réagi par une campagne militaire intense contre le Hezbollah au Liban. Le conflit avait provoqué des centaines de morts et des destructions massives au Liban. Préoccupée par l’escalade de la violence et la déstabilisation de la région, la communauté internationale s’était rapidement mobilisée pour négocier un cessez-le-feu.

Si le cheminement vers la résolution 1701 a été marqué par des négociations complexes et difficiles, il n’en demeure pas moins qu’elle ait réussi à maintenir, 18 ans durant, une sorte de répit, malgré les violations constantes de la résolution de part et d’autre de la frontière.

À l’époque, plusieurs éléments ont permis de façonner les pourparlers. D’abord, les priorités et les préoccupations d’Israël qui voulait mettre fin aux tirs de roquettes du Hezbollah et obtenir la libération des soldats capturés. L’État hébreu souhaitait également la présence d’une force internationale solide dans le sud du Liban pour empêcher le Hezbollah de reconstituer ses capacités militaires à proximité de la frontière israélienne. Ce qui s’est avéré être un échec. De son côté, le Hezbollah, refusant de se désarmer, cherchait à prouver qu’il était capable de résister aux Israéliens. Soutenu par la Ligue arabe, le gouvernement libanais dirigé par Fouad Siniora, avait alors appelé à un cessez-le-feu immédiat et à la souveraineté totale du Liban sur son territoire. À l’international, la France, appuyée par d’autres membres européens du Conseil de sécurité, était préoccupée par la protection de la souveraineté libanaise et par la prévention d’une plus grande déstabilisation régionale. Les États-Unis, quant à eux, soutenaient fermement Israël tout en reconnaissant qu’un conflit prolongé n’était pas dans l’intérêt de leur allié.

Aujourd’hui, le contexte est bien différent. "La résolution 1701 n’est plus d’actualité", signale M. Guillaume. D’abord et surtout, parce que "le Hezbollah est toujours armé et puissant, malgré la demande de désarmement", explique-t-il. "Ensuite, parce que l’État libanais est trop faible, politiquement et militairement, pour faire respecter les clauses de la 1701. Enfin, parce que la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), même renforcée d’un mandat d’un an, n’a pas les moyens d’imposer le calme complet sur le terrain", ajoute-t-il. Tant d’éléments qui empêchent donc l’application réelle de la résolution, qui est restée tout de même assez fragile, 18 ans durant.

Un "deal" inespéré

Au Liban, et en l’absence d’un président de la République (le poste étant vacant depuis octobre 2022), ce sont le président du Parlement, Nabih Berry, et le Premier ministre du gouvernement intérimaire, Najib Mikati, qui sont aux premières lignes de l’offensive diplomatique libanaise pour un cessez-le-feu. "M. Mikati joue le rôle d’un comparse dans le contexte présent. C’est surtout M. Berry qui, en plus d’avoir ses propres calculs politiques pour le jour d’après, mène la danse actuellement", explique Fadi Assaf, cofondateur de Middle East Strategic Perspectives.

Côté israélien, l’État hébreu est toujours déterminé à éliminer tout ce qui pourrait constituer une menace à sa sécurité. Il entend donc poursuivre ses actions militaires, devant mener au démantèlement de l’appareil militaire du Hezbollah. Au lendemain de l’adoption de la résolution, il avait maintenu des forces en alerte près de la frontière. Aujourd’hui, la donne a changé. M. Assaf s’interroge: "Le gouvernement de Netanyahou, qui a sacrifié les otages pour préserver sa liberté d’action contre le Hamas, accepterait-il, maintenant que son action menée contre le Hezbollah est soutenue par une bonne partie des Israéliens, de renoncer à l’objectif de détruire l’appareil militaire du parti pro-iranien, et ce, pour permettre le retour chez eux des déplacés du nord d’Israël?" Cela paraît, selon lui, pour le moins incertain. "Pour Netanyahou, les arrangements espérés, partant d’un cessez-le-feu avec le Hezbollah dans le contexte actuel, resteront bien en deçà des espérances: concrètement, ces arrangements ouvriraient la voie à une réédition du scénario post-2006 et qui a finalement permis que les événements d’octobre 2023 se produisent", indique M. Assaf.

À l’heure actuelle, plusieurs questions se posent quant à la pertinence d’un retour à la formule de 2006. Il faut dire que la situation au Liban et au Moyen-Orient a évolué de manière significative depuis l’adoption de la résolution 1701: guerre civile en Syrie, influence croissante de l’Iran dans la région, fragmentation interne du Liban, renforcement militaire du Hezbollah qui est devenu non seulement une force politique dominante au Liban, mais aussi un acteur régional clé, soutenu par l’Iran et impliqué dans divers conflits. Son arsenal militaire qui s’est considérablement renforcé depuis 2006 rend désormais difficile toute tentative de répliquer le modèle de désarmement proposé par la résolution 1701, qui fut, à l’époque, un compromis nécessaire, mais dont la mise en œuvre n’a été que partielle.