Dans les rangs de l’opposition, on est formel : la visite du président Michel Aoun à Dar el-Fatwa, samedi, s’inscrit dans un cadre purement électoral. Son but est d’essayer d’atténuer la colère et le sentiment de frustration provoqués au sein de la communauté sunnite par le désengagement politique du chef du Courant du futur, Saad Hariri.

Celui-ci, bien que attendu, provoque un déséquilibre substantiel au niveau de l’équilibre des forces politiques dans la perspective des législatives de mai 2022. Un déséquilibre qui a troublé de nombreuses formations politiques locales et certaines capitales arabes hostiles au repli politique de la communauté sunnite. Son effet premier a été une levée de boucliers sunnite locale contre le président Michel Aoun et son gendre, le chef du CPL, Gebrane Bassil qui tient le camp présidentiel et le Hezbollah pour responsable du choix fait par son leader.

Le chef de l’Etat dont le camp pourrait bénéficier d’un apport de voix sunnites, même minime, dans certaines circonscriptions, aurait essayé de contenir le mécontentement sunnite à travers sa visite à Dar el-Fatwa. Son objectif était double : assurer le mufti, cheikh Abdel Latif Deriane, de son attachement à la personne de Saad Hariri, en rappelant dans ce contexte l’épisode de la séquestration de ce dernier en Arabie saoudite (2017) ainsi que le rôle qu’il avait assumé afin de garantir son retour à Beyrouth et prévenir contre un boycottage sunnite des élections. Le deuxième conseil se justifiait par le fait que le chef de l’Etat aurait appris que la communauté sunnite entendait boycotter les législatives, ce que cheikh Deriane a catégoriquement démenti.

La dimension politico-électorale de la démarche présidentielle n’a pas échappé à des pôles de l’opposition, qui ont relevé l’absence de figures sunnites à Dar el-Fatwa où Michel Aoun était accueilli pour la première fois depuis son élection à la tête de l’Etat en 2016. En d’autres temps, le président aurait été accompagné ou tout au moins accueilli par le Premier ministre, aux côtés des députés et des notables de la communauté, fait ainsi remarquer une personnalité de l’opposition.