C’est une figure majeure du cinéma iranien, emprisonnée depuis l’été : Jafar Panahi sort mercredi sur les écrans français " Aucun Ours ", mise en abyme de sa propre situation et pied de nez à la censure.

 

L’artiste de 62 ans, primé dans les plus grands festivals, Lion d’or à Venise en 2000 pour " Le cercle ", prix du scénario à Cannes en 2018 avec " Trois Visages ", trois ans après l’Ours d’Or à Berlin pour " Taxi Téhéran ", avait été empêché par son incarcération de venir défendre son film lors de la dernière Mostra de Venise. Le festival lui a décerné un prix spécial du jury.

Dans " Aucun Ours ", Panahi est omniprésent à l’écran, dans un jeu de miroirs à plusieurs intrigues reflétant la complexité de sa situation : celle d’un créateur enfermé dans son propre pays.

Le film le montre dirigeant depuis un village d’Iran des acteurs, réfugiés en Turquie de l’autre côté de la frontière, via une application de visioconférence.

À l’enjeu du film en train de se tourner, dans un pays où le voile n’est pas obligatoire contrairement à l’Iran, va s’ajouter celui des relations du cinéaste avec les villageois chez qui il a trouvé refuge. Ainsi que des allers-retours troublants jusqu’à la frontière, avec cette question obsédante en pointillées : partir, est-ce trahir ?

Le film a pris une nouvelle dimension depuis que l’artiste dissident a été placé sous les verrous, en juillet. Il avait été condamné en 2010 pour " propagande contre le régime " à six ans de prison et 20 ans d’interdiction de réaliser ou d’écrire des films, de voyager ou même de s’exprimer dans les médias, mais pouvait jusqu’alors cependant continuer à travailler et vivre en Iran – une situation illustrée par " Aucun ours ".

Plusieurs personnalités du cinéma iranien ont été inquiétées avant même l’actuelle vague de contestation du régime. Jafar Panahi croupit dans la prison d’Evine, où est également emprisonné un autre cinéaste réputé, Mohammad Rasoulof.

Tous deux avaient dénoncé dans une lettre à la Mostra de Venise le sort fait aux artistes : " l’histoire du cinéma iranien témoigne de la présence constante et active de réalisateurs indépendants qui ont lutté contre la censure et pour garantir la survie de cet art (…) Nous créons des œuvres qui ne sont pas des commandes, c’est pourquoi ceux qui sont au pouvoir nous voient comme des criminels ".

AFP