Surprise au Liban: le puissant mouvement armé du Hezbollah pro-iranien et ses alliés ont perdu la majorité au Parlement, selon les résultats mardi des élections législatives, un scrutin marqué aussi par une percée des candidats issus de la contestation populaire de 2019. Les élections ont eu lieu dimanche dans un pays miné par la pire crise socio-économique de son histoire imputée par une grande partie de la population, des organisations internationales et pays étrangers à la corruption et l’inertie de la classe dirigeante, inchangée depuis des décennies. Les résultats, annoncés par le ministre de l’Intérieur Bassam Mawlawi, montrent que le mouvement chiite et ses alliés politiques n’ont pas obtenu les 65 sièges nécessaires pour conserver une majorité dans l’assemblée. Le bloc dirigé par le Hezbollah avait le soutien d’environ 70 des 128 députés dans le Parlement sortant.
– Vers un changement ? –
Ce parti et ses alliés –la formation chiite Amal et le parti chrétien du Courant Patriotique Libre du président Michel Aoun– ont sensiblement gardé le même nombre de sièges que dans l’assemblée sortante. Mais un certain nombre de députés qui ne leur étaient pas affiliés directement mais les soutenaient n’ont pas été réélus. Dans le même temps, les candidats issus de la contestation populaire de 2019, qui réclamait le départ de la classe politique et une refonte totale du système politique basé sur un partage communautaire du pouvoir, ont obtenu au moins 13 sièges au Parlement. D’après des observateurs, ces nouveaux élus pourraient se positionner en faiseurs de roi pour la formation du nouveau gouvernement. Fait inédit, deux candidats issus de ce même mouvement ont réussi à décrocher au Liban-Sud des sièges qui étaient détenus par les alliés du Hezbollah depuis trois décennies. Les Forces Libanaises, parti chrétien fermement opposé au Hezbollah, a annoncé de son côté avoir obtenu au moins 18 sièges, contre 15 sièges en 2018. Sami Nader, analyste au Levant Institute for Strategic Affairs, doute cependant que le revers du bloc du Hezbollah change la donne alors que la classe politique reste quasiment inchangée depuis trois décennies. " Le Hezbollah et l’axe iranien ont encaissé un coup mais cela ouvrira-t-il pour autant la voie au changement au Liban ? J’ai des doutes ", a-t-il déclaré à l’AFP. Par ailleurs, la formation d’un gouvernement, l’élection du président du Parlement et l’élection présidentielle, prévue en novembre, sont autant de questions épineuses qui pourraient conduire à des crises et blocages prolongés.
– Appel à des réformes –
" L’absence d’une majorité décisionnelle –pour le moment, à voir si des alliances vont se forger– peut bloquer encore davantage les prises de décision ", a indiqué à l’AFP Alex Issa, docteur en Sciences politiques et Relations internationales. Alors que le pays est plongé dans une très grave crise économique, aucune mesure de redressement n’a été entreprise par la classe dirigeante accusée de laisser couler le pays. Depuis 2019, la monnaie nationale a perdu plus de 90% de sa valeur, les épargnants subissent des restrictions bancaires étouffantes et près de 80% de la population vit désormais en dessous du seuil de pauvreté selon l’ONU. Et en 2020, l’Etat a fait défaut sur sa dette pour la première fois de son histoire. En plus de cette crise, le Liban a été meurtri par l’explosion en 2020 d’énormes quantités de nitrate d’ammonium stockées sans mesures de précaution au port de Beyrouth (plus de 200 morts), imputée là aussi largement à l’incurie de la classe dirigeante. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait félicité lundi le Liban pour la bonne tenue du scrutin. " Le secrétaire général compte également sur le nouveau Parlement pour adopter d’urgence toutes les lois nécessaires à la stabilisation de l’économie et à l’amélioration de la gouvernance ", selon un communiqué transmis par son porte-parole. Il avait en outre souligné que la formation d’un exécutif permettra de " finaliser l’accord (en discussions) avec le Fonds monétaire international et accélérer la mise en oeuvre des réformes nécessaires pour mettre le Liban sur la voie de la reprise ".

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !