L’offensive russe dans le Donbass s’est intensifiée lundi et a fait 10 morts à Severodonetsk, un important centre administratif encore sous le contrôle de Kiev. Kiev affirme toutefois que l’armée russe avance " laborieusement " dans l’est et craint que la libération de la majeure partie de la région de Kharkiv pousse Moscou à redéployer ses troupes à la frontière des " républiques " indépendantistes. Les services de renseignement militaire britanniques, ont, en effet, souligné ces derniers jours que l’offensive russe dans l’est de l’Ukraine n’avait permis ces derniers temps aucun gain territorial substantiel. Par ailleurs, Vladimir Poutine a averti qu’il réagirait à des déploiements d' "infrastructures militaires " de l’Otan en Finlande et en Suède, candidates à une entrée dans l’Alliance atlantique. A Bruxelles, l’UE a tenté quant à elle de s’entendre sur un arrêt des achats de pétrole russe, refusé par la Hongrie, arguant du poids financier qu’une telle mesure ferait peser sur elle.

 

La ville ukrainienne de New York, dans l’est de la région de Donetsk, tout près de la frontière russe, a été fondée par des colons allemands et des membres de l’Église mennonite en 1892. Elle a été rebaptisée par les autorités soviétiques en Novgorodske (nouvelle ville, en russe) en 1951. Pendant de nombreuses années, la région a fait campagne pour obtenir son ancien nom ‘New York’, et le 1er juillet 2021, le parlement ukrainien a soutenu le changement. (AFP)

 

Haro sur les villes du Donbass

A Severodonetsk, une ville devenue importante pour les Ukrainiens depuis que des forces séparatistes soutenues par Moscou se sont emparées d’une partie du Donbass en 2014, " au moins 10 personnes ont été tuées " dans des bombardements russes, a annoncé lundi le gouverneur de la région.  Cette cité est quasiment encerclée par les forces de Moscou.

Dans un précédent message lundi, Serguiï Gaïdaï avait fait état de frappes d’artillerie sur Severodonetsk et sur sa ville jumelle de Lyssytchansk, ayant provoqué des incendies dans des quartiers d’habitation.

" Severodonetsk a subi des frappes très puissantes ", a-t-il ajouté, accompagnant son message de photographies des destructions.

Malgré les appels des autorités ukrainiennes à évacuer Lyssytchansk, qui n’est séparée de Severodonetsk que par un cours d’eau, le Siversky Donets, et qui est régulièrement bombardée, plus de 20.000 civils – contre 100.000 habitants avant la guerre – sont restés, selon des volontaires qui distribuent de l’aide dans la région.

" Je pense que les gens ne saisissent pas entièrement la situation ", a déploré Viktor Levtchenko, un policier tentant de les convaincre d’évacuer. " Nous devons esquiver les bombardements et traverser des zones très dangereuses pour arriver jusqu’à eux, les nourrir et essayer de les évacuer ".

Pavlo Kyrylenko, le gouverneur de la région voisine de Donetsk, a de son côté annoncé que neuf civils avaient été tués lundi et 16 blessés dans sa région.

 

 

Avancée russe " laborieuse "

Les autorités ukrainiennes s’attendent désormais à ce que les unités désengagées de la région de Kharkiv aillent renforcer les troupes russes dans le Donbass, où elles ne progressent que laborieusement, selon Oleksiï Arestovytch, un conseiller de la présidence ukrainienne.

" On se prépare à de nouvelles tentatives de la Russie d’attaquer dans le Donbass ", pour " intensifier son mouvement vers le sud de l’Ukraine ", avait déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky dimanche.

Plusieurs responsables occidentaux, notamment les services de renseignement militaire britanniques, ont souligné ces derniers jours que l’offensive russe dans l’est de l’Ukraine n’avait permis ces derniers temps aucun gain territorial substantiel.

 

Reprise de la région de Kharkiv

Dans le nord-est, les Ukrainiens ont repris le contrôle d’une partie de la frontière dans la région de Kharkiv, selon Kiev.

Diffusant sur son compte Facebook une vidéo montrant des soldats ukrainiens devant un poteau frontière peint aux couleurs de l’Ukraine, jaune et bleu, le ministère de la Défense s’est félicité lundi que ses forces aient " expulsé les Russes ".

Les Russes ont bombardé des semaines durant des quartiers nord et est de Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, à partir de localités récemment reprises par les Ukrainiens.

L’armée russe a néanmoins affirmé avoir, dans la nuit de samedi à dimanche, tiré des " missiles de haute précision " sur des " points de commandement " ukrainiens dans cette région, notamment à Tsapivka, ainsi que sur des dépôts d’armement dans les régions de Donetsk et de Lougansk, qui forment le Donbass.

 

Un entrepôt de nitrate d’ammonium…

Toujours dans la région de Kharkiv, un entrepôt dans lequel était stocké du nitrate d’ammonium a été touché par une frappe russe, ont annoncé lundi les autorités régionales.

" L’explosion dans la région de Kharkiv ne constitue pas une menace pour la population locale ", a assuré sur sa page Telegram le gouverneur de la région voisine de Donetsk, accompagnant son message d’une photographie montrant un impressionnant nuage de fumée orange s’élevant au-dessus des champs.

" Un obus russe a touché un entrepôt sur le territoire de la région de Kharkiv, où, selon les informations préliminaires, du nitrate d’ammonium était stocké ", a-t-il précisé, ajoutant que " la colonne de fumée pourrait effrayer, mais il n’y a pas de raison de paniquer ".

Le nitrate d’ammonium, à l’origine des explosions dévastatrices qui avaient ravagé le port et une large partie de Beyrouth en août 2020, est principalement employé comme engrais " azoté " mais est également utilisé pour la fabrication d’explosifs.

Un policier ukrainien dans ce qui fut l’un des plus grands marchés de vêtements d’Europe, celui de " Barabashovo " (plus de 75 hectares) à Kharkiv.

 

Évacuation de soldats à Marioupol

A Marioupol, une grande ville dévastée par les bombes du sud du Donbass, plus de 260 combattants ukrainiens ont été évacués lundi de l’aciérie Azovstal, dernier bastion de résistance ukrainienne dans ce port stratégique, a annoncé la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Ganna Malyar.

Quelque " 53 blessés graves ont été évacués d’Azovstal vers Novoazovsk pour assistance médicale et 211 autres ont été transportés à Olenivka par un couloir humanitaire ", a-t-elle déclaré.

Ces localités sont situées en territoire contrôlé par les forces russes et prorusses dans l’est de l’Ukraine, mais Ganna Malyar a précisé que les combattants devaient être à l’avenir rapatriés en territoire contrôlé par l’Ukraine, " dans le cadre d’une procédure d’échange ".

Une femme participe à un rassemblement pour appeler les pays de l’UE à " cesser d’acheter du gaz russe et à sauver les défenseurs d’Azovstal " alors que les ministres des Affaires étrangères de l’UE tiennent une réunion sur la guerre en Ukraine, lundi, près du siège du Conseil européen à Bruxelles.

 

Otan: après la Finlande, la Suède

Le Kremlin multiplie depuis la semaine dernière les avertissements sur un autre front, celui de l’élargissement probable de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) à la Finlande et la Suède, deux pays que l’invasion russe de l’Ukraine, déclenchée le 24 février, a poussé à renoncer à des décennies de non-alignement militaire.

Le président russe Vladimir Poutine a estimé lundi que ces adhésions ne constituaient pas " une menace immédiate ". Mais, a-t-il poursuivi, " le déploiement d’infrastructures militaires sur les territoires de ces pays entraînera bien sûr une réponse ".

La Russie avait en particulier expliqué son attaque en Ukraine par le rapprochement de son voisin occidental avec l’Otan, estimant que cela constituait une menace " existentielle " pour sa sécurité.

Avec l’entrée probable de la Finlande dans l’Otan, c’est 1.300 km de frontières terrestres supplémentaires que la Russie partagera avec l’Alliance atlantique.

Après la Finlande la veille, la Suède a à son tour annoncé lundi qu’elle allait demander son adhésion à l’Otan, après une consultation de son Parlement.

Ces candidatures prouvent qu' "une agression ne paie pas ", a jugé le secrétaire général de l’Alliance atlantique Jens Stoltenberg.

Dans les localités reprises par les Ukrainiens, les autorités exhument les corps enterrés à la hâte par les survivants

 

Erdogan ne " cèdera pas "

Il s’est aussi dit " confiant " dans la possibilité pour les Etats de l’Alliance de trouver un compromis avec la Turquie, dont le président Recep Tayyip Erdogan a martelé lundi qu’elle ne " cèderait pas " quant à son refus de voir la Finlande et la Suède entrer dans l’Otan. Ankara leur reproche de faire preuve de mansuétude envers les rebelles kurdes du PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) considéré comme organisation terroriste.

Lundi soir, la France assurait qu’elle " se tiendrait aux côtés " des deux pays en cas d’agression, tandis que Londres appelait à ce qu’ils soient intégrés à l’Otan " dès que possible ".

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba lors d’un point de presse lundi à Bruxelles.

 

" Facture de 15 à 18 millions d’euros "

Après une visite en Allemagne, où il s’est félicité de l’évolution de la position de Berlin, désormais prêt à livrer des armes lourdes à Kiev, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba était lundi à Bruxelles, pour discuter, entre autres, de nouvelles sanctions contre la Russie.

Ses homologues de l’UE y sont réunis pour tenter de débloquer un projet d’embargo sur les importations de pétrole russe, refusé par la Hongrie qui en est très dépendante, au grand dam des Etats membres les plus proches de Kiev.

" Toute l’Union est malheureusement prise en otage par un État membre qui ne peut pas nous aider à trouver un consensus ", a déploré le chef de la diplomatie lituanienne, Gabrielius Landsbergis.

Pour le chef de la diplomatie hongroise, Peter Szijjarto, " les Hongrois attendent légitimement une proposition de solution pour financer les investissements (de nouvelles infrastructures) et compenser des hausses de prix, un coût global de l’ordre de 15-18 milliards d’euros ".

Au terme de la réunion, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a concédé que finaliser le 6ᵉ paquet de sanctions " prendra du temps ". Un sommet européen extraordinaire est prévu les 30 et 31 mai.

Aparté entre le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, et ses homologues ukrainien Dmytro Kouleba et canadienne Mélanie Joly. (AFP)

 

Retombées économiques néfastes sur l’UE

En attendant, les effets de sanctions inédites déjà prises par les Occidentaux se font de plus en plus ressentir sur l’économie européenne.

La Commission européenne a annoncé lundi avoir abaissé d’1,3 point ses prévisions de croissance économique pour la zone euro en 2022, à 2,7%.

Les sanctions ont poussé le groupe automobile français Renault, leader en Russie, il y possédait la marque Lada, à vendre ses actifs à l’Etat russe, première nationalisation d’ampleur depuis le début de l’offensive russe en Ukraine.

Lundi également, le géant américain de la restauration rapide McDonald’s, présent en Russie depuis plus de 30 ans, mais qui avait provisoirement fermé ses 850 restaurants début mars, a annoncé se retirer définitivement de ce pays.

Avec AFP