Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s’est lancé dans une diatribe contre les autorités libanaises, dans un discours qu’il a prononcé en fin de journée mardi, les accusant d’"obéir à des injonctions américaines" et les interrogeant sur "ce qu’elles vont obtenir en contrepartie". Le leader chiite faisait référence à des rumeurs persistantes qui ont circulé récemment sur des efforts menés par le camp présidentiel auprès des États-Unis en vue d’obtenir la levée des sanctions américaines contre le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil.

Dans une intervention télévisée à l’occasion de la "Journée du blessé résistant", Hassan Nasrallah a particulièrement fulminé contre la position du Liban officiel par rapport à la guerre en Ukraine, critiquant une politique des deux poids deux mesures que l’État applique selon lui, "en plaidant pour la distanciation dans certaines situations mais pas dans d’autres".

Il a réaffirmé son opposition aussi bien au communiqué du ministère des Affaires étrangères condamnant l’invasion russe de l’Ukraine, que le vote libanais à l’Assemblée générale de l’ONU contre la Russie. " La teneur de la déclaration du ministre des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib a été envoyée à l’ambassade des États-Unis où sa teneur a été durcie. Et " ils ont l’audace d’avancer que le Hezbollah impose son hégémonie à l’État. Si cela était vraiment le cas, croyez-vous vraiment que nous aurions accepté qu’une telle chose se produise? ", s’est-il révolté en laissant entendre que le président de la République Michel Aoun et son gendre Gebran Bassil font preuve de complaisance à l’égard de Washington, à cause des sanctions américaines dont ce dernier fait l’objet. "Se soumettre au diktat américain ne va pas sauver le Liban mais va aggraver ses drame", a-t-il mis en garde, avant de s’interroger: "Qu’est-ce que vous allez obtenir en contrepartie de cette soumission aux injonctions américaines" ?

Dans le même ordre d’idées, le numéro un du Hezbollah a refusé que le Liban n’applique pas le principe de la neutralité, défendu notamment par le patriarche maronite Béchara Raï, à l’égard de l’Ukraine, dénonçant un parti pris injustifié selon lui. "Elle est où cette neutralité lorsque le cabinet adopte une position en faveur des États-Unis?", a poursuivi le Hassan nasrallah qui semblait réagir de la sorte à la dernière homélie dominicale de Mgr Raï, qui avait exprimé son soutien aux Ukrainiens.

Plus encore, le leader chiite a qualifié toute personne faisant confiance aux États-Unis d’ "ignorant, stupide et idiot ", en citant notamment le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, " qui a été poussé par les États-Unis et le Royaume-Uni à lutter contre l’invasion russe, mais a été lâché par eux car ils ne veulent pas s’impliquer dans une guerre ".

Hassan Nasrallah s’est lâché contre les États-Unis, dénonçant leur "politique discriminatoire" dans le monde. Il a condamné le fait que Washington désigne les attaques russes contre l’Ukraine comme étant " des crimes de guerre ", en s’interrogeant sur "la nature des actes perpétrés par les États-Unis contre les civils à Hiroshima, Nagasaki, en Irak, en Afghanistan et à Gaza: " Tous les crimes commis par les États-Unis ne sont pas mentionnés, parce qu’ils ne ciblaient pas des blancs aux yeux bleus, comme c’est le cas aujourd’hui avec la Russie et l’Ukraine. Les valeurs américaines n’ont pas l’air de s’appliquer à tous ". Et d’ajouter: " Quand il s’agit des Israéliens, les Américains veillent à les défendre et à justifier leurs actions. Même scénario pour l’Arabie saoudite et leurs massacres au Yémen ".

D’autre part, le chef du Hezbollah a sévèrement critiqué la visite de la délégation du Trésor américain à Beyrouth, la semaine dernière, lui reprochant d’imposer des demandes particulières à l’État libanais sans que ce dernier ne puisse en tirer profit. Il a insisté sur la nécessité que les Libanais leur tiennent tête. " Nous ne sommes pas vos esclaves! C’est ce qu’un vrai libanais, patriote doit dire et c’est ce que commandent la souveraineté, l’indépendance et la liberté ", a-t-il dit, s’en prenant ensuite aux candidats souverainistes en lice pour les prochaines élections législatives, " qui n’ont pas de programme électoral, mais qui se basent sur un seul : " mettre fin à l’hégémonie du Hezbollah ". " Ce slogan est infondé puisqu’il n’y a pas de mainmise sur l’État ", a-t-il avancé.

Le secrétaire général du Hezbollah a conclu son allocution en dénonçant l’échec des pourparlers avec une compagnie russe, il y a un an et demi, pour l’installation d’une raffinerie de pétrole brut au Liban. Il a accusé Beyrouth d’avoir refusé l’offre russe "qui aurait pu mettre fin à la crise des carburants".