Le retour de la gloire de la Grande Russie est maintenant une cause perdue. Mais nous nous trouvons face à une sorte de fantaisie à laquelle s’agrippe désespérément le président Vladimir Poutine depuis le 24 février dernier. Cela fait six mois que la Russie a lancé ce qu’elle qualifie de mission visant à "dénazifier" l’Ukraine… Une fabulation de plus afin de tenter de justifier l’injustifiable. Ainsi, c’est plutôt l’image d’une Russie vulnérable, fragilisée par les ambitions utopiques de son président autocratique qui circule à travers le monde. Cette guerre supposément éclair s’apparente plutôt aujourd’hui au spectre d’une guerre d’usure, surpassant le déclin considérable de la puissance militaire russe, bien loin de la gloire passée impériale et soviétique.

Un président nostalgique de la gloire russe

Les ambitions très idéalistes de Vladimir Poutine se sont avérées, dès le début du conflit ukrainien, véritablement impérialistes, mais surtout insensées. Espérant une guerre éclair qui prendrait par surprise l’Ukraine, mais aussi la communauté internationale, il peine aujourd’hui, six mois plus tard, à s’étendre et à progresser. D’ailleurs, l’intégralité de ce conflit repose sur des aspirations mises en relief par un président nostalgique de la gloire russe du siècle dernier, qui veut ressusciter un empire ayant chuté en 1917. C’est sur les promesses de restituer le berceau de la civilisation russe que M. Poutine a annoncé, en ce 24 février, le début du conflit en Ukraine. L’argument du président russe concerne la période précédant la séparation des deux pays en 1240, et donc au XIIIe siècle. Aujourd’hui, 780 ans plus tard, M. Poutine souhaite " dénazifier " l’Ukraine et remettre de l’ordre dans les " républiques " séparatistes russophones du Donbass en envahissant le pays.

 

Cette invasion arbitraire peine en ce jour à donner ses fruits et s’enlise réellement. Vladimir Poutine, désireux au tout début du conflit de s’emparer de la capitale Kiev en quelques jours, se contente aujourd’hui d’un conflit qui piétine et s’embourbe dans le bassin du Donbass, théâtre de combats depuis des années. Si les premiers jours montraient la progression foudroyante de la Russie, les difficultés et les faiblesses de l’armée russe ont vite pris le dessus. D’ailleurs, l’image d’une colonne de 60 km de chars russes figés sur la route de la capitale ukrainienne ont marqué les esprits et ont confirmé l’invraisemblable: l’armée de Poutine est en difficulté. L’inexpérience des soldats russes et les problèmes dans les chaînes de commandement ont alors mis en péril les plans de Vladimir Poutine.

 

Une résistance farouche

L’armée ukrainienne, quant à elle, a déjoué les pronostics en opposant une résistance farouche face à ce qui était tenu pour une des plus puissantes armées du monde. De nombreux observateurs voyaient déjà, à tort, les chars russes défiler sur la place Maïdan, à Kiev. L’échec de M. Poutine est tel que l’armée ukrainienne a annoncé quelques semaines auparavant une contre-offensive dans le sud pour récupérer les terres prises par l’assaillant. Après avoir manifestement conquis 20 % du territoire ukrainien, Vladimir Poutine ne parvient plus à progresser et se retire même, par exemple, de l’île des Serpents, bombardée intensément par la résistance.

Un soldat russe tombé aux abords de Kiev.

 

Simultanément, la réponse des alliés occidentaux a été, contre toute attente, quasiment unanime et coordonnée. Cette réponse était attendue avec beaucoup de scepticisme, car les expériences de 2008 (l’invasion de l’Ossétie du Sud, en Géorgie) et de 2014 (annexion de la Crimée) ne portaient guère à l’optimisme. Cependant, les États-Unis et l’Union européenne ont formé un front uni et ont fermement condamné les tendances impérialistes de M. Poutine. Une résolution à l’ONU a été votée, dans ce contexte, condamnant l’invasion injustifiée de l’Ukraine. Des sanctions d’une ampleur inédite ont ensuite été initiées avec une coordination inhabituelle et, surtout, l’ambition d’asphyxier l’économie russe pour neutraliser son armée. Pari réussi pour les Occidentaux : la Russie connaît en 2022, une inflation de 13,4%.

Une aide US de 40 milliards de dollars

Parallèlement, l’aide directe à l’Ukraine a été massive, d’abord strictement humanitaire et ensuite militaire. Le Sénat américain a, par exemple, approuvé le 19 mai dernier une aide de 40 milliards de dollars à l’Ukraine alors que le Royaume-Uni a fourni 3 milliards de dollars en matériel. Enfin, Vladimir Poutine, croyant qu’il serait capable de fragiliser, voire d’effacer l’OTAN, subit aujourd’hui l’effet contraire. A titre de rappel, l’UE et l’OTAN sont en passe de renforcer leurs rangs : la Finlande et la Suède vont probablement intégrer l’Alliance atlantique dans les mois à venir alors qu’elles y étaient réticentes depuis des décennies.

Une cargaison de missiles antichar américains " Javelin " livrée à Kiev.

 

Néanmoins, la guerre menée par la Russie a fortement assombri les perspectives des prévisions économiques pour 2022. Bien que la Russie et l’Ukraine aient un poids relativement modeste en termes de PIB, ce sont de gros producteurs et exportateurs de produits alimentaires et énergétiques essentiels. La guerre a provoqué des chocs économiques et financiers d’une ampleur considérable, en particulier sur les marchés des matières premières où les prix du pétrole, du gaz et des céréales ont grimpé en flèche. L’inflation dans la Zone euro a atteint 8,9% en juillet, selon le Bureau des Statistiques européennes, une première depuis la crise de 2008. Parallèlement, au Royaume-Uni, l’inflation a franchi, pour la première fois depuis 40 ans, le seuil symbolique des deux chiffres, atteignant 10,1% en juillet. Cette crise économique est due à la dépendance gazière envers la Russie, un phénomène dont les Occidentaux essayent, unis, de se défaire afin d’asphyxier l’économie russe.

Des Moscovites faisant la queue devant une banque pour retirer leurs épargnes en devises.

 

Enlisement et guerre de position

En conclusion, l’échec cuisant de l’invasion russe en Ukraine devrait être un sujet de réflexion à d’autres pays, dont la Chine, qui ne devrait pas négliger le fait qu’elle est toujours dans le collimateur des Occidentaux, lesquels forment aujourd’hui un front uni contre toute aspiration expansionniste. La puissance occidentale renforcée par l’union de grandes puissances mondiales révèle davantage les lacunes de la Russie, assez affaiblie à l’échelle internationale et dans une certaine mesure abandonnée dans ce conflit par son seul allié stratégique puissant, la Chine.
Ce qui est sûr et qui restera dans l’histoire, c’est que l’offensive éclair souhaitée par Vladimir Poutine au tout début de la guerre s’est rapidement transformée en guerre de position, avec un enlisement du conflit. M. Poutine a de ce fait subi l’effet contraire, entraînant son pays dans une récession économique et une inflation sans précédent. En tout état de cause, la face de M. Poutine a drastiquement changé depuis son accession au pouvoir en 2000 : l’homme froid, pesé et prudent s’est montré dangereux, isolé et fantaisiste, ce qui pourrait justifier une erreur de calcul aussi flagrante.