Le poète, cinéaste et dissident iranien Baktash Abtin est décédé en prison après y avoir contracté le Covid-19, ont annoncé samedi plusieurs organisations de défense des droits humains, qui accusent Téhéran d’être responsable de ce décès.

" Baktash Abtin est mort ", a regretté l’Association des écrivains iraniens (IWA) sur sa chaîne Telegram, après que Baktash Abtin avait été plongé dans le coma en début de semaine.

Reporters sans frontières (RSF) a confirmé sa mort sur Twitter, affirmant qu’il " avait été injustement condamné à six ans de prison et était détenu à l’hôpital, malade du Covid-19 et privé des soins nécessaires ".

" RSF blâme les autorités du régime pour sa mort ", a dénoncé l’ONG, qui a posté une photo de l’écrivain et cinéaste en uniforme rayé de prisonnier, enchaîné par la jambe à un lit d’hôpital.

" Baktash Abtin est mort parce que le gouvernement iranien a voulu le museler en prison ", a estimé Hadi Ghaemi, le directeur exécutif du Center for human rights in Iran (Centre pour les droits humains en Iran), basé à New York (Etats-Unis). " C’est une tragédie qui aurait pu être évitée. Le chef de la justice iranienne doit être tenu pour responsable ", a-t-il affirmé.

Baktash Abtin, 47 ans, avait été condamné avec deux autres membres de l’IWA en 2019 pour " rassemblement et collusion contre la sécurité nationale " et pour " propagande contre le système ". Il avait commencé à purger sa peine en 2020.

Avec ses coaccusés Keyvan Bajan et Reza Khandan Mahabadi, M. Abtin avait reçu en septembre 2021 le prix PEN/Barbey Freedom to Write (Liberté d’écrire), décerné par le groupe de défense des droits des écrivains PEN America.

‘Penseur courageux’
" Nos pires craintes se sont concrétisées aujourd’hui, alors que nous pleurons la mort tout à fait évitable de Baktash Abtin ", a déclaré sa directrice générale Suzanne Nossel, pour qui le malade s’était vu refuser tout traitement.

" Nous nous souviendrons d’Abtin comme d’un poète et d’un cinéaste talentueux, mais aussi comme d’un penseur courageux ", a-t-elle souligné.

Ces derniers mois, la mort de prisonniers en détention a suscité une inquiétude croissante en Iran, les défenseurs des droits humains craignant que la pandémie de Covid-19 ne fasse rage dans les prisons du pays.

En septembre, Amnesty International a publié une étude accusant Téhéran de ne pas avoir rendu compte d’au moins 72 décès en détention depuis janvier 2010, " malgré des informations crédibles indiquant qu’ils résultent de la torture ou d’autres mauvais traitements ".

En août dernier, un groupe se faisant appeler Edalat-e Ali (La justice d’Ali) a mis en ligne des vidéos montrant des gardiens en train de battre ou de maltraiter des détenus dans la prison d’Evin, à Téhéran, où Baktash Abtin était détenu.

D’après le Centre pour les droits de l’Homme en Iran, au moins 11 écrivains sont actuellement emprisonnés dans le pays ou sont en attente de leur incarcération.

L’Association des écrivains iraniens a été fondée en mai 1968, sous le régime impérial du shah, par un groupe indépendant d’écrivains souhaitant lutter contre la censure d’État.

Les charges retenues contre le défunt et ses deux collègues concernaient le travail sur des documents relatifs à l’histoire de l’IWA et la participation à des cérémonies commémoratives en souvenir de membres tués lors des " meurtres à la chaîne " d’intellectuels dans les années 1990, que les militants imputent au gouvernement.

L’annonce de la mort de Baktash Abtin survient deux ans jour pour jour après que l’Iran a abattu un avion de ligne ukrainien peu après son décollage de Téhéran le 8 janvier 2020, tuant les 176 personnes à bord. L’événement avait amplifié la colère populaire contre les autorités iraniennes.

Par Stuart WILLIAMS (AFP)

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