Un épisode de plus dans la série noire qui frappe l’Afrique de l’Ouest. La Guinée-Bissau était le théâtre mardi soir d’une tentative avortée de coup d’Etat. Le manque d’information et les rumeurs n’ont pas permis de connaitre les instigateurs ni les motifs de ce coup de force, mais ces évènements évoquent immanquablement les putschs en série qui agitent cette région depuis 2020: au Mali en août de cette année-là et à nouveau en mai 2021, en Guinée en septembre 2021 et au Burkina Faso en janvier de cette année.

Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, a échappé mardi à une tentative de coup d’Etat qui a fait plusieurs morts et blessés selon lui. Ancien général arrivé en 2020 à la tête de ce petit pays à l’histoire politique jalonnée de tels évènements, il s’est présenté mardi soir devant la presse indemne et serein, après être apparemment resté coincé avec les membres du gouvernement dans le palais du gouvernement, théâtre pendant plusieurs heures d’échanges de tirs nourris durant l’après-midi.

Le chef de l’Etat et les membres du gouvernement ont été surpris à l’intérieur du palais, siège des ministères où se tenait un conseil des ministres extraordinaire, par des hommes en armes aux motivations encore mal connues, selon les témoignages.

M. Embalo n’a pas désigné précisément les auteurs de cette tentative de coup d’Etat. Celle-ci " doit venir de ceux qui sont contre les décisions que j’ai prises, notamment dans la lutte contre le narcotrafic et la corruption ", a-t-il dit, parlant d' "acte très bien préparé et organisé ". Il s’est retrouvé " sous des tirs nourris d’armes lourdes pendant cinq heures d’horloge ", a-t-il relaté. " Les assaillants auraient pu me parler avant ces évènements sanglants ayant fait plusieurs blessés graves et des morts ", a-t-il dit.

Après plusieurs heures de confusion et de rumeurs, le président a été tiré d’affaire dans des circonstances non éclaircies. " Tout va bien ", avait-il dit dans un bref échange téléphonique avec l’AFP, alors qu’il se trouvait semble-t-il toujours au palais du gouvernement. Puis ses services avaient annoncé son retour au palais présidentiel et lui-même avait tweeté: " Je vais bien Alhamdoulillah (Dieu merci). La situation est sous contrôle gouvernemental ".

Des tirs nourris ont résonné une bonne partie de l’après-midi. Les alentours du palais ont été en proie à des mouvements d’habitants fuyant les lieux.

Une Française de 36 ans vivant en Guinée-Bissau, jointe au téléphone par l’AFP, a raconté être allée chercher en toute hâte ses deux enfants dans une école proche du palais du gouvernement après avoir été informée inopinément de la fermeture de toutes les écoles. Son mari, travaillant dans une banque, a reçu lui aussi la consigne de rentrer chez lui.

Le palais s’est retrouvé encerclé par des hommes lourdement armés. Un large cordon sécuritaire a été mis en place autour du complexe, tenant les journalistes et les curieux à distance.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a condamné " cette tentative de coup d’Etat ". Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a exprimé sa " grande inquiétude ". Les deux organisations ont paru désigner les militaires comme responsables, les tenants pour responsables de la sécurité du président et du gouvernement.

La part prise par l’armée, qui joue un rôle prééminent dans ce pays à l’histoire troublée, donnait lieu à toutes les spéculations.

La Guinée-Bissau, petit pays d’environ deux millions d’habitants frontalier du Sénégal et de la Guinée, est abonnée aux coups de force. Depuis son indépendance du Portugal en 1974, elle a connu quatre putschs (le dernier en 2012), une kyrielle de tentatives de coup d’Etat et une valse des gouvernements.

Depuis 2014, elle s’est engagée vers un retour à l’ordre constitutionnel, ce qui ne l’a pas préservée des turbulences, mais sans violence.

Le pays pâtit d’une corruption endémique. Il passe aussi pour une plaque tournante du trafic de cocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe.

Depuis début 2020, Umaro Sissoco Embalo, ancien général, est le chef de l’Etat, à la suite d’une présidentielle au résultat toujours contesté par le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert (PAIGC), formation dominante depuis l’indépendance.

M. Embalo, 49 ans, avait forcé son destin en février 2020 en mettant l’écharpe de président et en s’installant au palais présidentiel, malgré la persistance de la contestation. Depuis des mois, il est à couteaux tirés avec le Premier ministre Nuno Gomes Nabiam et la menace d’un limogeage de ce dernier et d’une dissolution du parlement pèse sur la vie politique. M. Embalo est à nouveau appelé à prendre part cette semaine à un sommet des dirigeants ouest-africains où doit être discutée la situation dans ces différents pays.

Avant le dénouement, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres disait ne pas connaître les détails de l’affaire. Mais, ajoutait-il, " nous assistons à une multiplication terrible des coups d’Etat ".

AFP

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