Sur fond de frappes massives d’Israël contre le Hezbollah, l’Iran cherche un équilibre délicat en soutenant son allié libanais, sans pour autant s’impliquer directement dans le conflit, qui pourrait faire dérailler ses efforts pour obtenir un allègement des sanctions, affirment les analystes.

Depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023 entre Israël et le Hamas, le Hezbollah soutient le mouvement palestinien en tirant quasi quotidiennement des missiles sur le nord d’Israël, qui réplique.

Depuis lundi, d’intenses frappes israéliennes visent les bastions du mouvement chiite au Liban, attisant la crainte d’un embrasement régional.

Toutefois, " l’Iran ne se laissera pas entraîner dans une guerre ", indique Hamid Gholamzadeh, expert politique basé en Iran. Un avis partagé par Ali Vaez, analyste du Crisis Group. L’Iran avait construit son réseau d’alliés au fil des ans " pour projeter sa puissance vers l’extérieur, non pour entrer dans un conflit régional ", explique-t-il.

Selon lui, toute escalade iranienne pourrait " garantir une victoire stratégique " au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et même avoir un impact sur la présidentielle américaine, en aidant Donald Trump à revenir au pouvoir, ce qui "serait hautement préjudiciable aux intérêts iraniens".

Au lieu de "faire le jeu de son ennemi juré (Israël)", note Vaez, l’Iran fait pression " pour obtenir un allègement des sanctions et (..) un certain répit économique ".

" Prêt à s’asseoir " avec l’Occident 

À New York, le président iranien, Massoud Pezeshkian, qui plaide pour de meilleures relations avec l’Occident, a accusé Israël de bellicisme, tout en présentant une image modérée de son pays.

L’Iran reproche à Israël d’avoir assassiné à Téhéran le chef du Hamas, Ismaïl Haniyé, fin juillet, et a promis de riposter " au moment et de la manière appropriés ".

M. Pezeshkian a évoqué les appels de l’Occident exhortant l’Iran à renoncer à sa riposte afin de ne pas compromettre les efforts pour un cessez-le-feu dans la guerre de Gaza.

" Mais nous n’avons jamais atteint cette paix insaisissable. Chaque jour, Israël commet de nouvelles atrocités ", a-t-il souligné.

L’Iran avait déjà adopté la même approche pour éviter un conflit plus large lorsqu’il avait mené contre Israël le 13 avril une attaque inédite aux drones et aux missiles – pour la plupart interceptés – pour riposter à une frappe contre son consulat à Damas.

Les analystes avaient alors estimé que Téhéran cherchait à " montrer ses muscles " dans le sillage de la guerre entre Israël et le Hamas, tout en veillant à ne pas provoquer de confrontation avec Washington.

L’Iran est en proie à une grave crise économique depuis que l’ancien président américain Donald Trump a retiré en 2018 son pays de l’accord international visant à geler le programme nucléaire iranien et réimposé des sanctions sévères contre l’Iran.

Plusieurs pays européens ont récemment mis fin à leurs liaisons aériennes avec l’Iran, accusé de fournir des missiles à la Russie pour les besoins de sa guerre en Ukraine.

Niant ces accusations, M. Pezeshkian a assuré être " prêt à s’asseoir avec les Européens et les Américains ".

" Ressource humaine considérable "

Ce qui n’empêche pas Téhéran d’afficher son soutien à son allié libanais: le ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a récemment assuré que " l’Iran ne restera pas indifférent " aux frappes israéliennes visant des hauts-commandants du Hezbollah.

Mercredi, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a déploré la mort de " précieux " combattants du Hezbollah, tout en affirmant que ces " dégâts " ne pourraient pas " mettre à genoux " le groupe libanais.

Pour la chercheuse en sciences politiques Afifeh Abedi, l’Iran " évalue ses options pour un soutien politique, militaire et sécuritaire " à son allié.

Selon elle, la formation pro-iranienne libanaise dispose d' "une ressource humaine considérable " pour remplacer ses forces militaires.

" Le Hezbollah a besoin d’être soutenu. Mais l’absence de soutien ne signifie pas qu’il peut être vaincu ", a noté de son côté Gholamzadeh.

L’analyste Vaez estime que l’attaque contre les appareils de communication de responsables du Hezbollah, tuant 39 personnes et en blessant environ 3.000, l’a probablement " affaibli ".

Mais il " ne sera pas complètement paralysé même si les deux premiers niveaux de sa direction étaient éliminés ", a-t-il noté.

Cette attaque, selon Vaez, pourrait être toutefois l’une des raisons de la " réticence de l’Iran et du Hezbollah à entrer dans une guerre totale " contre Israël.

Par Menna Zaki, AFP