Le monde a frôlé la catastrophe vendredi lorsque l’armée russe a bombardé la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporojie, la plus grande d’Europe et une des plus grandes au monde. Moscou a bien sûr démenti les faits, mais les dénonciations de cet acte dangereux pleuvaient de tous parts. " Acte irresponsable ", " menace nucléaire ", " une nuit qui aurait pu mettre un terme à l’Histoire ", l’Occident a haussé le ton face à Moscou suite à cette " menace pour le monde ".

Vendredi, neuvième jour de l’invasion, l’armée russe occupait la centrale de Zaporojie où des frappes de son artillerie, selon les Ukrainiens, ont provoqué un incendie – dont Moscou nie être à l’origine. En début de matinée, les autorités ukrainiennes indiquaient que le feu, qui a touché un laboratoire et un bâtiment de formation, avait été éteint et qu’aucune fuite radioactive n’avait été détectée. L’information a été confirmée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). " C’est la première fois qu’un conflit militaire a lieu dans un pays doté d’un large programme nucléaire ", a souligné Rafael Grossi, le chef de l’AIEA. Cela a représenté " une immense menace pour toute l’Europe et le monde ", a réagi vendredi au Conseil de sécurité de l’ONU, réuni en urgence, l’ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield. " Nous avons survécu à une nuit qui aurait pu mettre un terme à l’Histoire. L’Histoire de l’Ukraine. L’Histoire de l’Europe ": une explosion à la centrale de Zaporojie, dans le sud de l’Ukraine, aurait été l’équivalent de " six Tchernobyl ", s’est alarmé le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Moscou a catégoriquement réfuté avoir attaqué le site. Il s’agit d’un " mensonge ", a affirmé l’ambassadeur russe au Conseil de sécurité, Vassili Nebenzia. A Moscou, le ministère russe de la Défense a mis en cause des " groupes de saboteurs ukrainiens, avec la participation de mercenaires ". Mais les ministres des Affaires étrangères des pays du G7 ont déjà annoncé qu’ils allaient " imposer de nouvelles sanctions sévères en réponse à l’agression russe ". L’Union européenne s’y tient également prête, a indiqué la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. S’il a insisté sur la nécessité de " mettre fin " à ce conflit, le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a toutefois prévenu que l’Alliance atlantique ne pouvait répondre à la demande de création d’une zone d’exclusion aérienne, pour éviter de se laisser entraîner dans le conflit.

 

L’armée russe poursuit sa progression

Au nord de Kiev, les combats se poursuivaient à Cherniguiv, où l’Ukraine a accusé Moscou d’avoir bombardé jeudi une zone résidentielle et des écoles, faisant 47 morts selon un nouveau bilan. Les attaques sont de plus en plus violentes et apparemment sans discrimination contre des zones résidentielles, telles que celles de la ville d’Irpin, ont constaté des journalistes de l’AFP. D’épais panaches de fumée noire couvraient des pans entiers de la banlieue nord-ouest de Kiev, après une journée de bombardements russes quasi ininterrompus. La ville voisine de Boutcha est devenue un cimetière pour les blindés russes qui tentaient de pénétrer dans la capitale la semaine dernière.

A quelque 350 km à l’est de Kiev, la situation est aussi devenue " un enfer " à Okhtyrka, et elle est " critique " à Soumy, selon les autorités. A Kharkiv, les bombardements sont restés intenses. La situation humanitaire à Marioupol est " terrible " après 40 heures de bombardements ininterrompus, a déclaré à la BBC le maire adjoint de la ville, Sergueï Orlov. Le bilan est impossible à vérifier de manière indépendante.

L’ambassadeur russe à Genève (Suisse), Guennadi Guatilov, a affirmé qu’il y avait eu " 2.870 victimes côté ukrainien, 498 côté russe ", citant des chiffres du ministère russe de la Défense. L’Ukraine et des observateurs occidentaux affirment que le bilan des pertes russes est largement sous-évalué, Kiev évoquant plus de 9.000 soldats russes. De son côté, lors du débat devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, l’ambassadrice ukrainienne Yevheniia Filipenko a déclaré que " des milliers de civils innocents ont perdu la vie ".

Zelensky dénonce le refus de l’Otan d’instaurer une zone d’exclusion aérienne
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a regretté vendredi la décision de l’OTAN de ne pas instaurer de zone d’exclusion aérienne en Ukraine, en pleine invasion russe, dénonçant une forme d' "auto-hypnose " des membres de l’Alliance. " Nous pensons que les pays de l’OTAN ont créé eux-mêmes un narratif affirmant qu’une zone d’exclusion aérienne au dessus de l’Ukraine provoquerait une agression directe de la Russie contre l’OTAN ", a-t-il déclaré. " C’est un processus d’auto-hypnose pour ceux qui sont faibles, en insécurité intérieure, alors qu’ils ont des armes bien plus puissantes que les nôtres ", a ajouté le président ukrainien. Le président russe Vladimir Poutine a assuré que les forces russes ne bombardaient pas Kiev et les grandes villes ukrainiennes, qualifiant de " grossière fabrication de propagande " les informations sur les destructions menées par Moscou.

Enquête internationale au Conseil des droits de l’homme de l’ONU

Mais vendredi matin, au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, une résolution en faveur d’une commission d’enquête internationale sur les violations des droits humains et du droit humanitaire en Ukraine a été votée à une écrasante majorité. L’organisation américaine Human Rights Watch (HRW) a notamment affirmé qu’à Kharkiv, les forces russes avaient fait usage le 28 février d’armes à sous-munitions, dont l’emploi pourrait constituer un crime de guerre. De son côté, le Programme alimentaire mondial (PAM) a mis en garde contre l’imminence d’une crise alimentaire dans les régions affectées par la guerre en Ukraine. Dans les villes tombées sous contrôle russe, des images montraient des civils à la recherche de nourriture.

Un troisième round de négociations avec la Russie se profile pour ce week-end, a déclaré l’un des négociateurs ukrainiens, Mykhaïlo Podoliak. Mais le dialogue n’est possible que si " toutes les exigences russes " sont acceptées, a averti Vladimir Poutine, notamment un statut " neutre et non-nucléaire " pour l’Ukraine et sa " démilitarisation obligatoire ". En attendant, une responsable du Pentagone a annoncé vendredi que " du matériel pour un montant de 240 millions de dollars, y compris certains des équipements les plus indispensables comme les équipements anti-blindés ", avait été remis aux forces ukrainiennes " à plusieurs endroits ".

Avec AFP