Honte, rage, douleur: de jeunes Russes, qui n’ont jamais connu d’autre dirigeant que Vladimir Poutine, se disent horrifiés et sans voix au chapitre depuis sa décision d’envahir l’Ukraine il y a deux semaines. Les noms de famille des personnes citées ne sont pas publiés pour les protéger.
" Manifester est aujourd’hui une décision qui mérite réflexion, étant donné le risque de se voir infliger de lourdes amendes, d’être molesté (par la police) ou d’aller en prison ", explique à l’AFP Liza, une étudiante de 20 ans. Trop souvent, " sortir manifester signifie gâcher sa vie ", ajoute cette intellectuelle mince et élégante, qui dit se sentir " toute petite et invisible pour le système ". " Je n’ai jamais voté pour Poutine. Personne n’a demandé mon avis (…) sur cette guerre que je finance avec mes impôts ", souligne-t-elle. " Ni respectée, ni entendue ", elle veut quitter la Russie avec son compagnon, Evguény. " Cette guerre me fait du mal comme jamais ", renchérit ce dernier, qui juge " toute protestation déjà inutile ". Horrifié par les " sombres perspectives qui attendent les Russes (…), peuple paria ", et redoutant entre autres une mobilisation générale dans son pays, il est désormais sur le point de partir vers la Géorgie.
Même son de cloche chez Elizaveta, 28 ans, diplômée d’une prestigieuse université. En elle, dominent " la rage et la douleur, comme s’il y avait eu un décès dans (sa) famille ", déclare-t-elle à l’AFP. Elisaveta a déjà renoncé à faire une carrière dans la fonction publique après l’annexion par Moscou de la péninsule ukrainienne de la Crimée en 2014, préférant devenir interprète indépendante.
Piotr, 20 ans, est conscient que la carrière dans le cinéma dont il rêve partira en fumée s’il est arrêté lors d’une des manifestations anti-guerre qu’il filme. " Mais y aller est mon devoir civique et professionnel ", estime le jeune homme qui se reproche par ailleurs de ne pas avoir protesté contre l' "assassinat par les forces de Kiev de 15.000 personnes " dans les régions séparatistes prorusses d’Ukraine, depuis le début du conflit en 2014.
Au fond, " le pouvoir s’adresse à nous comme nos parents: On sait ce qui sera le mieux pour vous ", s’agace Liza, 23 ans. " Après les pénuries soviétiques, nos parents viennent à peine d’acquérir leurs biens (matériels) et ils y tiennent énormément ". " Mais on ne choisit pas son pays, tout comme ses parents ", conclut-elle.
AFP