Début mars, la Chine a rappelé à la Russie qu’elle était son " amie éternelle " et son " partenaire stratégique le plus important " : le pays continue de commercer avec Moscou et condamne les sanctions imposées par les autres pays. Par ailleurs, Pékin s’est abstenue lors du vote aux Nations-Unis de la résolution condamnant l’invasion russe de l’Ukraine. Un partenariat à toute épreuve qui s’explique par des raisons pragmatiques (vente d’armes et d’hydrocarbures, alliance militaire ) mais aussi idéologique, alors que les deux pays partagent un rejet de l’Occident et du leadership américain. Cependant, il reste certain que la Chine n’a pas intérêt à s’impliquer directement dans le conflit, la valeur de son commerce avec l’Europe et les États-Unis dépassant les 1400 milliards de dollars. L’experte de la Chine Alice Ekman ne voit pas aujourd’hui de " distanciation de la Chine vis-à-vis de la Russie " qui, si elle advenait, ne serait selon elle que de " façade ", tant " la rivalité sino-américaine " est " profonde " et " élargie ".

Rencontre entre les présidents Xi Jinping et Vladimir Poutine le 4 février 2022 à Pékin. (AFP)

 

Q – Quel est aujourd’hui le positionnement de la Chine vis-à-vis de la Russie ?

R – La position de la Chine est assez claire: elle a rappelé que la Russie était son premier partenaire stratégique, qu’elle allait continuer à commercer normalement avec la Russie. Elle s’est opposée publiquement et sans détours à toute sanction visant la Russie.

Dans les médias d’État, l’Otan et les États-Unis sont considérés comme le premier responsable des évènements (en Ukraine) et l’on note une reprise de certains éléments de langage et points de vue officiels russes dans la communication chinoise.

On fait souvent référence à l’abstention aux Nations unies, mais c’est une abstention active – la diplomatie chinoise a contribué à reformuler le texte de la résolution du 25 février pour qu’il soit moins virulent envers la Russie.

Depuis le début de la guerre, la Chine n’a pas contredit son partenaire russe.

En parallèle, les tensions entre Washington et Pékin demeurent très profondes et de long terme; c’est une ligne de clivage majeure. Les tensions commerciales et technologiques sont à l’œuvre avec des sanctions à la clef qui sont toujours en vigueur.

La Chine de Xi Jinping et la Russie de Vladimir Poutine partagent une vision commune du monde et un ressentiment convergent envers l’Otan, les États-Unis, leurs alliés, mais aussi le concept indo-pacifique, etc. C’est assez clair dans leurs communications conjointes.

Q – Est-ce que la situation en Ukraine peut amener la Chine à prendre ses distances avec la Russie ?

R – Je ne vois pas aujourd’hui la Chine sous pression américaine mettre fin à la coopération énergétique envers la Russie, pas du tout. Cette coopération va nécessairement atténuer les sanctions de manière significative, même si cela ne va pas compenser les exportations de gaz russe vers l’Europe.

Eventuellement, la Chine pourrait légèrement ajuster son discours ou multiplier les déclarations sur la paix dans le monde comme elle vient de le faire. Mais concrètement, les rapports de force mondiaux, les clivages géostratégiques et la rivalité sino-américaine étant ce qu’ils sont, je ne pense pas que des pressions américaines seront en mesure de changer la dynamique des rivalités entre pôles.

Q – Le fait que les deux dirigeants américain et chinois se soient parlés longuement et que le président chinois ait estimé que le " conflit n’est dans l’intérêt de personne ": est-ce une inflexion notable de la part de la Chine ?

R – Attendons de voir. C’est très difficile de répondre à chaud. Mais la rivalité sino-américaine est tellement profonde et tellement élargie : elle n’est pas que pragmatique, mais aussi conceptuelle et idéologique.

Les convergences entre la Chine et la Russie ne sont également pas que pragmatiques: il y a eu un rapprochement continu entre les deux pays depuis 2014 – coopérations énergétique, économique et militaire – et il y aussi une convergence conceptuelle et idéologique majeure, et dans ce contexte, il y a des lignes de force et des lignes de clivage qui, à mon avis, ne vont pas s’atténuer.

Il est difficile d’anticiper une distanciation de la Chine vis-à-vis de la Russie, ou alors ce ne serait qu’une distanciation de façade et qu’on ne voit pas encore.

Le pôle Chine-Russie est un pôle qui, s’il reste fort, peut contrebalancer, dans une certaine mesure, le pôle dit " occidental ", c’est en tout cas la vision chinoise des choses.

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