Des missiles russes ont frappé jeudi soir Kiev, pour la première fois depuis la mi-avril et en pleine visite du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, qui a de son côté regretté que le Conseil de sécurité des Nations unies n’ait pas réussi à éviter la guerre en Ukraine.Des journalistes de l’AFP ont vu sur place un étage d’un bâtiment en feu avec de la fumée noire s’échappant des fenêtres brisées, tandis que de nombreux policiers et des secouristes étaient présents. "Dans la soirée, l’ennemi a tiré sur Kiev. Deux frappes sur le quartier de Chevchenkovsky ", " sur les étages inférieurs d’un immeuble résidentiel ", a dit le maire de la capitale, Vitali Klitschko.Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky ce sont " cinq missiles " qui se sont abattus sur la capitale. "Cela en dit long sur la véritable attitude de la Russie envers les institutions internationales, sur les efforts des dirigeants russes pour humilier l’ONU et tout ce que l’organisation représente ", a commenté M. Zelensky dans une vidéo.

Les services de secours ont écrit sur Facebook que 10 personnes avaient été blessées dans les attaques de missiles. Un immeuble résidentiel de 25 étages était visé " dont les deux premiers étages ont été partiellement détruits ", selon la même source.

 

 

M. Guterres est " choqué ", mais " en sécurité ", a pour sa part tenu à rassurer un porte-parole des Nations unies, Saviano Abreu, déplorant que " cela soit arrivé à proximité de là où nous nous trouvions ", bien que ce soit une " zone de guerre ".Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba, selon lequel les engins tirés étaient des missiles de croisière, a évoqué à ce sujet un " acte odieux de barbarie " et le chef de l’administration présidentielle, Andriï Iermak, a appelé à priver la Russie de son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU.

8000 crimes de guerre

Arrivé jeudi en Ukraine, où il se rendait pour la première fois depuis le début du conflit, M. Guterres s’est entretenu avec M. Zelensky, regrettant que le Conseil de sécurité n’ait pas réussi à empêcher et arrêter la guerre déclenchée le 24 février par Moscou.

" L’invasion de l’Ukraine par la Russie est une violation de son intégrité territoriale et de la Charte des Nations unies ", a-t-il une nouvelle fois déclaré.

" Dix soldats de la 64e brigade de fusiliers motorisés russe, appartenant à la 35e armée russe, ont été mis en examen " pour des crimes de guerre présumés à Boutcha, ont le même jour annoncé sur Telegram les services de la procureure générale d’Ukraine.

A Boutcha, les découvertes macabres se poursuivent au milieu de la détresse des habitants

 

 

Les enquêteurs ukrainiens ont par ailleurs identifié " plus de 8.000 cas " présumés de crimes de guerre depuis le début de l’invasion russe, a ensuite précisé Iryna Venediktova dans un entretien avec le média allemand Deutsche Welle.Le 2 avril, à Boutcha, des journalistes de l’AFP ont découvert une rue jonchée de cadavres, ceux d’hommes habillés en civils.Et les Nations unies ont affirmé avoir documenté le " meurtre, y compris certains par exécution sommaire ", de 50 civils, après une mission dans cette ville le 9 avril.Ces mises en examen sont les premières depuis ces découvertes macabres.La procureure a précisé que les dix hommes feraient l’objet de recherches, en vue de les arrêter et de les déférer devant la justice.

La Russie avait démenti début avril toute responsabilité et parlé de corps " mis en scène ".

 

 

 

Quelques heures plus tôt jeudi, Antonio Guterres avait appelé Moscou à coopérer avec l’enquête de la Cour pénale internationale sur de possibles crimes de guerre, à l’occasion d’un déplacement à Boutcha et dans d’autres banlieues de Kiev théâtres d’exactions imputées par les Ukrainiens aux forces russes. "Quand nous voyons ce site horrible, je vois combien il est important d’avoir une enquête complète et d’établir les responsabilités ", a déclaré M. Guterres. " J’appelle la Russie à accepter de coopérer avec la CPI ", a-t-il ajouté.Au cours d’une rencontre l’avant-veille à Moscou avec Vladimir Poutine, il avait demandé à Moscou de collaborer avec l’ONU pour permettre l’évacuation des civils des zones bombardées.L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a quant à elle appelé jeudi à la création d’un " tribunal pénal international (TPI) ad hoc " afin de juger " les auteurs du crime d’agression contre l’Ukraine ".

 

 

 

Biden veut allouer 33 milliards de dollars supplémentaires

Quelques heures auparavant, Joe Biden avait réitéré le soutien de son pays à l’Ukraine face " aux atrocités et à l’agression " et demandé une rallonge de 33 milliards de dollars au Congrès.

Les Etats-Unis ne peuvent se permettre de rester passifs face au conflit en Ukraine, a expliqué jeudi Joe Biden pour justifier sa demande visant principalement à livrer davantage d’aide militaire à Kiev.

Sur ce total, 20 milliards doivent aller à la fourniture d’armements, soit près de sept fois plus que les quantités pourtant impressionnantes d’armes et munitions déjà fournies à l’Ukraine depuis l’invasion russe, déclenchée le 24 février.

 

 

 

Ces 33 milliards d’aide supplémentaire doivent désormais être débloqués par le Parlement américain.

La Maison Blanche va " s’activer tous azimuts " afin d’obtenir ce passage au Congrès, a promis jeudi la porte-parole de l’exécutif Jen Psaki, en insistant sur l’importance de la montée au créneau personnelle de Joe Biden.

L’ambassadrice ukrainienne aux Etats-Unis Oksana Markarova et la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi inaugurent une exposition photo sur la guerre en Ukraine au Capitole à Washington

 

 

Le Javelin, symbole de la résistance ukrainienne

Le président reviendra d’ailleurs probablement sur le sujet en visitant mardi prochain une usine de Lockheed Martin dans l’Etat de l’Alabama, où sont produits les lance-missiles antichars Javelin, armes devenues symboles de la résistance ukrainienne.

Kiev a déjà reçu 10 armes anti-char pour chaque blindé russe, a ainsi vanté le président américain lors de son allocution prononcée à la Maison Blanche.

Pour l’Ukraine, l’accroissement de l’aide est urgent: plus de deux mois après le début du conflit, la Russie a redoublé ses assauts sur le sud et l’est du pays, qui subissaient jeudi un feu nourri de bombes.

Et, après s’être cantonné à des armes vues comme défensives, Washington envoie désormais artillerie, hélicoptères et drones à l’armée ukrainienne, dont des soldats sont formés au maniement de ces armes aux Etats-Unis ou dans des pays tiers avant de retourner au front.

 

 

Avoirs " kleptocratiques " des oligarques

Joe Biden a par ailleurs fustigé jeudi les menaces " irresponsables " de Vladimir Poutine d’un éventuel recours à l’arme nucléaire. " Cela montre le sentiment de désespoir ressenti par la Russie confrontée à son misérable échec au regard de ses objectifs initiaux ", a-t-il jugé.

Son administration veut accroître la pression sur le président russe et son entourage en proposant de liquider les avoirs " kleptocratiques " saisis auprès d’oligarques russes et d’en transférer le produit à Kiev " pour compenser le préjudice causé par l’agression russe ", a précisé la Maison Blanche dans un communiqué.

Ces avoirs saisis s’élèvent à ce jour, pour les seuls pays de l’Union européenne (UE), a plus de 30 milliards de dollars d’avoirs russes dont près de 7 milliards en biens de luxe appartenant aux oligarques (yachts, œuvres d’art, immobilier et hélicoptères), indique ce communiqué.

Les Etats-Unis ont quant à eux " sanctionné et bloqué des navires et avions pour une valeur de plus d’un milliard, ainsi que gelé des centaines de millions de dollars d’avoirs d’élites russes sur des comptes américains ".

" Les armes occidentales menacent la sécurité européenne "

Mais les Etats-Unis " n’attaquent pas " la Russie, a assuré Biden, ils " aident l’Ukraine à se défendre " face aux " atrocités et à l’agression " russe.

Le Kremlin avait plus tôt mis en garde contre des livraisons d’armes à l’Ukraine qui " menacent la sécurité " européenne, après un nouvel appel de la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, à livrer davantage d’armes lourdes et d’avions à Kiev.

" Cette tendance à inonder l’Ukraine d’armes, notamment d’armes lourdes, ce sont des actes qui menacent la sécurité du continent et provoquent de l’instabilité ", a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

La cheffe de la diplomatie britannique a appelé mercredi à un renforcement des livraisons d’armes lourdes et d’avions à l’Ukraine, soulignant que le temps était au " courage " face à la Russie qui y mène une opération militaire depuis le 24 février.  " Armes lourdes, chars, avions – creuser dans nos stocks, accélérer la production, nous devons faire tout ça ", a insisté Liz Truss.

La déclaration de la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova annonce-t-elle une nouvelle invasion en Moldavie?

 

 

 

 

Moscou " alarmé " par les " actes terroristes " en Transdniestrie
Moscou a condamné jeudi des " actes terroristes " après les incidents dans la région séparatiste moldave de Transdniestrie, secouée cette semaine par une série d’explosions puis des tirs visant un village hébergeant un dépôt de munitions russe. "Nous sommes alarmés par l’escalade des tensions " dans la région, a affirmé la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova lors d’un point de presse, ajoutant que Moscou " considère ces évènements comme des actes terroristes visant à déstabiliser la situation ".Une série d’incidents a secoué cette semaine la Transdniestrie, une région soutenue par Moscou qui a fait sécession de la Moldavie après une brève guerre en 1992. Environ 1.500 soldats russes y sont déployés depuis pour garantir la sécurité du territoire.Ces deux incidents n’ont pas fait de victimes mais renforcent la crainte d’un débordement en Moldavie du conflit qui ravage l’Ukraine voisine. Kiev a accusé Moscou de chercher à " déstabiliser " la Transdniestrie tandis que la Moldavie a annoncé des mesures pour renforcer sa sécurité.

 

 

 

" Apocalypse " à Marioupol

Dans le même temps, la coordinatrice des Nations unies en Ukraine a annoncé qu’elle partait dans le sud de ce pays préparer une tentative d’évacuation de la ville portuaire assiégée et dévastée de Marioupol, presque entièrement contrôlée par les forces russes.

L’ONU fait " tout son possible " pour évacuer les civils de " l’apocalypse " dans cette cité, a assuré jeudi M. Guterres, selon qui il s’agit d' "une crise dans la crise ", ajoutant que " des milliers de civils ont besoin d’une aide vitale ".

Des femmes de soldats ukrainiens assiégés à Marioupol posent pour la caméra avant de prendre part au talk-show télévisé " Porta a Porta " diffusé sur la chaîne italienne Rai Uno, le 28 avril 2022 à Rome. " Nous sommes venus à Rome pour dire la vérité sur Marioupol, nos maris tiennent toujours dans l’aciérie, mais le temps presse ", a déclaré l’une d’elles. (AFP)

 

 

Selon une analyse du Centre satellitaire des Nations unies (UNOSAT), 75% des structures du vaste complexe métallurgique Azovstal à Marioupol, où sont retranchés des combattants ukrainiens, ont été endommagées.Les régions méridionales et orientales, où se concentrent à présent les assauts russes, subissaient d’ailleurs parallèlement à sa visite d’importants bombardements. "L’ennemi intensifie son offensive. Les occupants effectuent des frappes pratiquement dans toutes les directions ", avec une activité particulièrement intense dans les régions de Kharkiv et dans le Donbass, a souligné l’état-major ukrainien. Selon lui, l’armée russe tente d’empêcher le transfert de forces ukrainiennes du nord vers l’est.L’armée russe a de son côté affirmé avoir détruit dans la nuit avec des " missiles de haute précision " deux dépôts d’armements et de munitions dans la région de Kharkiv, et effectué des raids aériens sur 67 sites militaires ukrainiens.
Des démineurs ukrainiens à l’oeuvre dans un trou d’obus à Kharkiv

 

 

A Kherson, seule ville d’importance dont les Russes aient complètement pris le contrôle depuis le début de leur invasion de l’Ukraine le 24 février, l’administration locale russe a dit jeudi vouloir introduire le rouble à la place de la hryvnia ukrainienne à partir du 1er mai.C’est " un acte d’annexion et une violation grave par la Russie " de la Charte de l’ONU, a dénoncé Lioudmyla Denissova, chargée des droits humains au Parlement ukrainien.
 

 

 

Dans le sud, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) n’a pu depuis l’invasion avoir accès à la centrale nucléaire de Zaporijjia, contrôlée par les Russes. Le directeur de l’AIEA, Rafael Grossi, de retour d’Ukraine, s’est dit " préoccupé ".Jeudi toujours, le commandant des forces aériennes ukrainiennes a estimé que les lance-missiles fournis par les Occidentaux avaient une portée insuffisante pour " atteindre les avions de l’occupant, qui larguent des bombes sur nos villes à huit kilomètres d’altitude et plus ". "Il nous faut des systèmes antiaériens de moyenne et longue portée " et des " chasseurs modernes ", a déclaré Mykola Olechtchouk.Les députés allemands ont pour leur part voté à une large majorité une motion demandant à leur gouvernement, jusqu’ici prudent sur la question, d’accélérer les livraisons d’armes lourdes à l’Ukraine.

Des " Howitzer " (obusiers lourds) américains chargés sur un avion de l’USAF à destination de l’Ukraine

 

 

 

Un conseiller de la présidence ukrainienne a quant à lui laissé entendre que Kiev pourrait attaquer des cibles militaires en Russie. "L’Ukraine se défendra par tous les moyens, y compris avec des frappes sur des entrepôts et des bases des assassins russes. Le monde reconnaît ce droit ", a pour sa part écrit jeudi sur Twitter Mykhaïlo Podoliak.Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de son côté répété jeudi être prêt à " prendre l’initiative " pour mettre fin à la guerre, au cours d’une conversation téléphonique avec M. Poutine, selon Ankara. La Turquie a accueilli par deux fois, en mars, des négociations directes entre les deux parties et Moscou et Washington ont procédé mercredi à un échange de prisonniers sur son sol.

Avec AFP