Les équipes de l’Ukraine et de Borussia Mönchengladbach portent une bannière avec la mention "arrêter la guerre" avant le match de football amical entre le club allemand de première division de la Bundesliga et l’équipe nationale de football de l’Ukraine. (AFP)

 

Avec les autocrates, l’Histoire se répète à l’infini. Dès 1938, Hitler a commencé à grignoter des territoires autour de son Reich. Motif: " libérer " les minorités germanophones " persécutées " dans leurs " pays d’accueil ".

Résultat: pour libérer les Sudètes, le Führer occupe la Tchécoslovaquie. Pour le Schleswig-Holstein, il avale le Danemark. Pour affranchir la Silésie, il ingurgite la Pologne, on connait la suite.

Il est évidemment indécent de comparer Vladimir Poutine à Adolf Hitler. Le premier hérite d’une puissance qui a défait le nazisme au prix de douloureux sacrifices. D’ailleurs, il vient tout juste de célébrer la victoire de l’URSS contre l’abominable machine de guerre hitlérienne.

Poutine désire tout simplement délivrer la minorité russophone persécutée dans le Donbass, du joug des " nazis au pouvoir à Kiev ".

Et, pourquoi pas, puisqu’on y est, avancer un peu plus loin, tout le long du littoral de la mer Noire pour atteindre la Transdniestrie. La population qui s’y trouve l’accueillera certainement en sauveur. D’ailleurs, celle de Kherson réclame déjà l’annexion de leur région à la Grande Russie.

Les desseins de Poutine n’ont donc rien à voir avec ceux de Hitler. Il est en conséquence indécent de comparer les deux dirigeants. CQFD.

Dans les détails, un des responsables prorusses a déclaré mercredi que la région ukrainienne de Kherson, occupée par les Russes depuis début mars, va demander à être annexée par la Russie. " Il y aura une demande (adressée au président russe) pour intégrer la région de Kherson en tant que sujet à part entière de la Fédération de Russie ", a déclaré Kirill Stremooussov, chef adjoint de l’administration de la cité côtière de Kherson, seule ville ukrainienne d’importance dont les Russes aient revendiqué le contrôle total en deux mois et demi de guerre en Ukraine.

" La base juridique (…) sera prête avant la fin de l’année ", a-t-il affirmé. Kirill Stremooussov a toutefois écarté l’idée d’un référendum, car personne n’y croit!  En effet, il serait plus intelligent que la région de Kherson n’organiserait pas de tel scrutin. " Puisque la communauté internationale n’avait pas reconnu le référendum de rattachement de la Crimée à la Russie de 2014″…

Vendredi, un haut responsable parlementaire russe, Andreï Tourtchak, avait déjà affirmé, en visite à Kherson, que la Russie resterait " pour toujours " dans le sud de l’Ukraine.

" Kherson, Mars ou Jupiter "

Kiev accusait depuis plusieurs semaines Moscou de vouloir organiser dans cette région un référendum sur l’indépendance, comme se fut fait en 2014, en Crimée, après que Moscou eut repris le contrôle de la péninsule. Moscou avait annexé la Crimée dans la foulée.

" Les envahisseurs pourraient aussi bien demander à rejoindre Mars ou Jupiter. L’armée ukrainienne libérera Kherson, quels que soient leurs jeux de mots ", a réagi Mykhaïlo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne, dans un tweet.

 

Odessa d’abord, la Transdniestrie ensuite

Ces déclarations surviennent alors que la cheffe du renseignement américain Avril Haines a averti mardi que le président russe Vladimir Poutine se préparait " à un conflit prolongé " et visait " des objectifs au-delà du Donbass ".

Selon elle, la Russie a dans son viseur la Transdniestrie, région séparatiste de Moldavie dont la pointe sud n’est qu’à une soixantaine de kilomètres de la grande ville ukrainienne d’Odessa, sur la mer Noire.

Le commandement ukrainien pour le sud souligne d’ailleurs que les troupes russes frappent " sans merci " la région de Mykolaïv, ultime verrou avant Odessa. " Des maisons privées, des installations agricoles ont été endommagées et l’alimentation en électricité de l’une des localités a été interrompue ", a-t-il affirmé dans la nuit de mardi à mercredi.

Fin avril et début mai, des explosions ont secoué la Transdniestrie, alimentant les craintes d’une extension du conflit. L’Union européenne avait annoncé le 4 mai qu’elle allait " considérablement accroître " son aide militaire à la Moldavie.

Mercredi, le gouverneur de la région russe de Belgorod, voisine de l’Ukraine dans le sud-ouest de la Russie, a par ailleurs affirmé que des bombardements en provenance d’Ukraine avaient fait un mort et trois blessés.

Il a précisé que la situation était " la plus difficile " qu’ait connu sa région depuis le début de l’offensive russe, le 24 février.

Ce monstre de l’époque soviétique est le 9K33 Osa (Guêpe en russe), un véhicule antiaérien équipé de missile sol-air à haute mobilité et de très courte portée.

 

Baisse du gaz transité par l’Ukraine

Les livraisons de gaz russe à l’Allemagne transitant par l’Ukraine étaient par ailleurs en baisse mercredi, de 25%, pour la première fois depuis le début du conflit.

" En raison de la réduction du transit, les volumes de gaz acheminés vers l’Allemagne via l’Ukraine (par le gazoduc Megal) ont diminué de 25% par rapport " à mardi, a précisé l’agence gouvernementale allemande chargée de l’énergie. Elle a assuré toutefois que cette baisse était compensée par des flux plus importants en provenance notamment de Norvège et des Pays-Bas.

Ukrainiens et Russes se sont rejeté la responsabilité de ces perturbations: OGTSOU avait prévenu mardi soir qu’il fermerait mercredi l’un des robinets livrant du gaz à l’Europe, invoquant un cas de " force majeure " après que les forces russes eurent, selon lui, pénétré dans ses installations de la région de Lougansk, au cœur du Donbass.

Mais Gazprom a réfuté cette notion de " force majeure ", et affirmé qu’il était impossible de dérouter les livraisons par un autre point de passage, comme le demandaient les Ukrainiens.

Jusqu’à présent, tant Moscou que Kiev maintenaient les flux de transit vers l’Allemagne. L’Union européenne s’efforce néanmoins de se préparer à une rupture de ses approvisionnements, depuis que la Russie a ordonné le paiement des livraisons en roubles – coupant fin avril les livraisons à la Pologne et la Bulgarie qui refusaient de s’exécuter. L’Allemagne a-t-elle déjà réduit sa dépendance au gaz russe de 55% à 35% ces dernières semaines.

 

 

Progression russe dans le Donbass, ukrainienne à Kharkiv

Ces perturbations gazières surviennent alors que la Russie gagne lentement du terrain dans le Donbass.

Les villes jumelles de Severodonetsk et Lyssytchansk, assiégées, semblent notamment pouvoir tomber à tout moment, a constaté l’AFP. Les offensives russes " arrivent par vagues ", selon un soldat interrogé sur place, nécessitant des opérations périlleuses d’évacuation des blessés.

Kiev se félicite en revanche d’avoir fait reculer les forces russes qui tiraient depuis des semaines sur les quartiers nord-est de Kharkiv, deuxième ville du pays, et d’avoir repris quelques petites localités de cette région toute proche de la frontière russe.

" Les occupants sont progressivement repoussés de Kharkiv ", a affirmé le président Volodymyr Zelensky dans une vidéo mardi soir, saluant les combattants ukrainiens qui " font preuve d’une force surhumaine pour chasser l’armée d’envahisseurs ".

A Marioupol, si les centaines de combattants ukrainiens qui s’y sont retranchés tiennent toujours l’aciérie Azovstal, ils sont aussi constamment bombardés, selon Kiev.

Le régiment Azov, qui assure la défense de l’aciérie, a publié les photos de soldats blessés qui se terrent toujours dans cet immense complexe sidérurgique, appelant de nouveau le monde à " agir " pour leur évacuation.

Près de Zaporijia, un entrepôt de produits agricoles touché par les frappes russes brûle depuis deux jours

 

561 soldats de la Garde nationale tués depuis le début du conflit

Quelque 561 soldats de la Garde nationale ukrainienne, à laquelle appartient notamment le régiment Azov retranché dans l’aciérie d’Azovstal à Marioupol, ont été tués depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, a affirmé mercredi le chef de cette institution, Oleksiï Nadtotchy.

Il a précisé, durant un point presse diffusé en ligne, que 1.697 membres de la Garde nationale avaient en outre été blessés.

Ce chiffre est un rare bilan donné par un responsable ukrainien des pertes militaires enregistrées depuis le début de la guerre, les ministères de la Défense ukrainien comme russe ne communiquant généralement pas sur leurs propres pertes.

Mi-avril, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait évalué à environ 2.500 à 3.000 le nombre de soldats ukrainiens morts. Environ 10.000 soldats ukrainiens ont été blessés et il est " difficile de dire combien d’entre eux survivront ", avait-il ajouté.

La Garde nationale ukrainienne, dépendante du ministère de l’Intérieur, a été créée en mars 2014, dans la foulée du mouvement pro-européen du Maïdan qui avait vu la chute d’un président pro-russe et alors que les nouvelles autorités craignaient une intervention de l’armée russe dans l’est du pays.

Elle a notamment intégré en ses rangs des groupes d' "autodéfense " qui étaient en première ligne durant le Maïdan, dont plusieurs bataillons nationalistes comme le régiment Azov. Selon la loi, elle peut compter en son sein jusqu’à 60.000 hommes.

Un hôpital a été également touché dans la même localité

 

Guerre de cent ans

L’Ukraine devra " lutter pendant cent ans " contre les conséquences de la guerre, a prédit mercredi le chancelier allemand Olaf Scholz. " Ceux qui vivent en Allemagne savent que des bombes tombées pendant la Seconde Guerre mondiale sont encore découvertes aujourd’hui et que les alertes à la bombe continuent ", a-t-il ajouté lors d’un point presse à Berlin.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui plaidé à nouveau mercredi pour une adhésion de son pays à l’UE, par visioconférence devant des étudiants de plusieurs établissements d’enseignement supérieur français après que le président français Emmanuel Macron eut averti lundi que cela prendrait " des décennies ".

" C’est comme une table où toute la famille est réunie, et où vous êtes invité, mais on ne vous a pas mis de chaise ", a déclaré M. Zelensky. " Et je pense que c’est injuste. L’Ukraine est un pays qui respecte les pays de l’Union européenne, et qui souhaite bénéficier du même respect, ni plus ni moins. "

Pour l’instant, l’UE s’efforce de convaincre ses 27 Etats-membres d’adopter un projet d’embargo sur le pétrole russe, bloqué par Budapest.

Un blindé détruit à l’Est de l’Ukraine

 

Guterres veut de maintenir le contact avec Moscou

A Vienne, où il se trouvait pour une réunion de l’ONU, le secrétaire général des Nations unies a appelé à maintenir le contact avec la Russie de Vladimir Poutine pour sauver des vies en Ukraine et préparer la paix, même si aucun règlement pacifique du conflit ne se profile actuellement.

" Il est clair qu’à l’heure actuelle, il n’existe aucune chance d’un accord de paix ou d’un cessez-le-feu immédiat ", a déclaré Antonio Guterres.

Mais " cette guerre ne durera pas éternellement. Le moment viendra où les négociations de paix seront sur la table. Le moment viendra, je l’espère, d’une solution au problème ", a souligné le responsable de 73 ans, qui a proposé ses bons offices pour servir de médiateur.

A Washington où il a rencontré le président Biden, le Premier ministre italien Mario Draghi a, lui aussi, appelé au dialogue, estimant que les Etats-Unis et la Russie devraient s’asseoir autour de la même " table pour la paix " pour trouver une issue à la guerre en Ukraine.

Scène destruction à l’Est de l’Ukraine

 

Cyberguerre

Kiev a cherché à désorganiser la vente d’alcool en Russie, parmi les actions de cyberguerre lancées par l’Ukraine contre la Russie, a indiqué mercredi le vice-Premier ministre Mykhaïlo Fedorov, chargé du numérique dans son gouvernement.

" Parmi les choses notables qui sont connues aujourd’hui, il y a l’attaque contre le système (russe) d’accise (taxation, ndlr) qui a permis de désorganiser la vente d’alcool en Russie ", a déclaré M. Fedorov lors d’une conférence de presse virtuelle organisée dans le cadre du Paris Cyber Summit, une convention sur la cybersécurité qui se tient jusqu’à jeudi à Paris.

Il n’a pas donné d’autres détails sur cette opération. Il est resté relativement discret sur les autres cyberoffensives menées par les Ukrainiens contre la Russie.

" Plus de 80 systèmes russes ont été endommagés ", a-t-il indiqué, citant l’équivalent russe de YouTube, RuTube, paralysé par une cyberattaque en début de semaine. " Les sites du FSB, du Kremlin ont été mis à terre ", a-t-il déclaré.

D’une manière générale, la puissance russe a été " surévaluée " dans le domaine cyber, a-t-il estimé, affirmant que " le mythe de la force de la cyberarmée russe, dont le monde entier avait peur, a été battu en brèche ".

Un énorme cratère provoqué par l’explosion d’un missile

 

Starlink

L’Ukraine réussit au contraire à proposer de nouveaux services numériques à sa population malgré la guerre, grâce à notamment à Diia, une sorte de portail d’accès unique aux services administratifs disponible sur smartphone.

Les Ukrainiens dans les zones de combat peuvent grâce à ce dispositif en ligne continuer à recevoir des paiements rapidement ou déclarer " les dommages causés à leur maison " en envoyant des photos pour " enclencher la procédure de dédommagement ", a-t-il souligné.

M. Fedorov a toutefois réclamé plus d’aide en matière d’accès à internet par satellite, comme celle déjà fournie par Starlink, le service détenu par le milliardaire américain Elon Musk.

" Aujourd’hui, nous avons plus de 10.000 terminaux Starlink ", s’est-il félicité, tout en regrettant que ce groupe ait été le seul à faire des propositions aux Ukrainiens, alors que " nous avons besoin d’autres systèmes ".

 

Une membre de Pussy Riot quitte la Russie, déguisée en livreuse de repas

Une membre du groupe contestataire russe Pussy Riot, Maria Aliokhina, a affirmé mercredi avoir pu quitter la Russie, après avoir trompé la police en se déguisant en livreuse de repas.

La militante rejoint ainsi des milliers des Russes qui ont quitté le pays depuis le début de l’offensive russe en Ukraine le 24 février.

En septembre dernier, Maria Aliokhina a été condamnée à un an de " restrictions " à sa liberté (contrôle judiciaire, couvre-feu nocturne, interdiction de quitter Moscou) pour avoir appelé à manifester contre l’arrestation du principal opposant russe Alexeï Navalny.

Membre de longue date du groupe Pussy Riot, Maria Aliokhina a déjà purgé une peine de deux ans de prison pour avoir joué une " prière punk " dans la principale église russe — cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou — en 2012.

 

Fin avril, la justice russe a durci ces mesures en les remplaçant par une peine de prison ferme, lors d’une audience à laquelle Mme Aliokhina ne s’est pas présentée.

Dans une interview au New York Times, Maria Aliokhina, 33 ans, a raconté mercredi qu’elle avait réussi à quitter Moscou, déguisée en livreuse de repas, et en laissant son téléphone portable pour empêcher la police de la tracer.

Elle a ensuite traversé la frontière avec le Bélarus voisin. Une semaine plus tard, elle a pu passer en Lituanie, après plusieurs tentatives, selon l’interview.

Sa compagne Lioussia Chteïn, elle aussi membre de Pussy Riot, a publié sur Twitter une photo de Maria Aliokhina en uniforme verte des livreurs de la société Delivery Club, un sac pour la livraison des repas sur le dos.

Mme Aliokhina " n’a pas fui la Russie, elle est partie en tournée " qui commencera par un concert le 12 mai à Berlin, pour collecter de l’argent pour l’Ukraine, a relevé Mme Chteïn sur Twitter.

Condamnée, elle aussi, à des restrictions de la liberté en lien avec les manifestations de protestation contre l’arrestation d’Alexeï Navalny, Lioussia Chteïn a quitté la Russie en avril.

 

Avec AFP