En Iran, la révolte gronde, alors que le gouvernement a annoncé la fin de nombreuses subventions portant sur les produits de base, amenant à une inflation de près de 300% sur les pâtes, la farine ou encore le pain. Une situation intolérable pour de nombreux Iraniens, qui vivent déjà dans des conditions matérielles extrêmement précaires et condamnent l’incompétence et la corruption du régime. De nombreuses manifestations ont eu lieu depuis une semaine dans le pays, s’étendant à l’ensemble de celui-ci et provoquant une répression sanglante de la part des autorités. 

Le bazar de Téhéran, principal centre commercial de la capitale

Une vague de contestations s’est emparée de l’Iran, depuis que le gouvernement a déclaré la fin des subventions sur la farine et l’huile, le 9 mai dernier. Cette mesure a provoqué une multiplication par trois des prix de nombreux produits de base, tels que le pain, la farine ou les œufs, et accentué la gronde populaire envers le régime.

Démarrée dans le sud et l’ouest du pays, notamment le Khouzestan, région arabophone particulièrement défavorisée, la contestation s’est emparée d’une grande partie du pays (dix sur trente-et-une provinces),  et a pris une tournure politique. En effet, de nombreux slogans et pancartes accusaient directement le régime des mollahs de la situation économique, certains appelant même à un retour de la monarchie.

Selon l’agence d’informations Reuters, six manifestants ont été tués jusqu’à présent, et plusieurs dizaines de blessés sont à déplorer à la suite de la répression féroce menée par les forces de sécurité ( les " bassidji ") à coups de gaz lacrymogènes et tirs à balles réelles. De même, le réseau internet a été coupé dans plusieurs villes, une mesure habituelle en situation de crise dans le pays.

Plus tôt ce mois-ci, deux ressortissants français avaient été arrêtés par les forces de sécurité iraniennes, sous motif d’" incitation à la rébellion ". En effet, ils avaient rencontré plusieurs membres des syndicats d’enseignants. De même, de nombreux membres de la société civile ont été arrêtés pour " ingérence étrangère ", dans une tentative de mettre fin à la contestation.

La " révolte des macaronis "

À l’image de la plupart des mouvements protestataires dans la région, c’est une crise alimentaire qui a constitué l’étincelle qui embrase actuellement le pays. La hausse faramineuse des prix (40% d’inflation en 2022) est causée par l’augmentation des prix des céréales sur les marchés mondiaux, la suppression des subventions et l’effet des sanctions internationales sur l’économie iranienne, rendue exsangue.

Le prix d’un kilogramme de farine est ainsi passé de 25,000 rials (0,10 dollar USD), à 1250,000 rials (0,50 dollar USD), de même que les pâtes : le prix de nombreux produits de première nécessité a connu une flambée de 300% ces dernières semaines.

À la suite de cette inflation record et soudaine, des rixes ont eu lieu dans les magasins et des manifestations spontanées ont éclaté un peu partout dans le pays, dégénérant graduellement en contestation ouverte. Une situation de pénurie s’installe peu à peu dans le pays, les habitants se ruant vers les supermarchés pour faire des réserves.

C’est la goutte qui a fait déborder le vase pour de nombreux Iraniens, alors que la moitié de la population du pays vit déjà sous le seuil de pauvreté, selon les chiffres officiels. Les chauffeurs de bus se sont mis en grève pour exiger une hausse de 10% de leurs salaires, accusant le maire de Téhéran d’incompétence. De même, les enseignants protestent depuis des mois pour une revalorisation salariale, la fonction publique étant la première affectée par l’inflation galopante.

Un climat social explosif qui menace la stabilité du pays, alors que la classe moyenne iranienne est en risque de disparition sous la pression des sanctions et de l’inflation. Les mouvements sociaux d’origine économique se sont multipliés en Iran depuis la politique de " pression maximale " implémentée par l’administration Trump dès 2018, et qui a presque réduit à néant les exportations d’hydrocarbures iraniennes et l’afflux d’investissements étrangers dans le pays.

Éviter le scénario de 2019

Pour l’administration Raissi, l’enjeu est crucial : il s’agit d’éviter de répéter le scénario de 2019, année durant laquelle des manifestations de masse avaient eu lieu en Iran suite à une augmentation du prix du carburant. Selon Amnesty International, 400 manifestants avaient été abattus par les forces de sécurité iraniennes, dans ce qui a été qualifié de répression la plus sanglante de l’histoire du régime.

Des manifestations de masse avaient eu lieu en Iran en 2019 suite à une augmentation du prix du carburant

Le gouvernement a aussitôt annoncé une aide sociale entre 10 à 13 dollars USD pour chaque individu à faible revenu. Près d’un tiers de la population a reçu 13 dollars USD, tandis que 60% de celle-ci a perçu 10 dollars USD, les individus les plus riches ne profitant pas de cette mesure.

Le président Raissi a de même affirmé au peuple iranien que le " prix du pain, des médicaments et du pétrole n’augmentera pas ", ajoutant que la réforme des subventions était un mal nécessaire pour " réorienter " celles-ci vers les groupes à faible revenu. Il a déclaré qu’un système de coupons électroniques serait mis en place d’ici à deux mois pour réguler les prix et soutenir les classes populaires.

Des manifestations de masse avaient eu lieu en Iran en 2019 suite à une augmentation du prix du carburant

Le régime iranien a recours à la force en parallèle à des mesures d’achat de la paix sociale. Des dizaines de manifestants et activistes ont été arrêtés par les autorités, qui font face à une radicalisation du mouvement. Des slogans tels que " À bas Khamenei, à bas la dictature " ou encore " Nous ne voulons plus du régime des mollahs " ont pu être entendus dans des grandes villes comme Ispahan, et ont été répondu par la violence de l’appareil sécuritaire et les accusations de connivence avec l’étranger.

Des manifestations de masse avaient eu lieu en Iran en 2019 suite à une augmentation du prix du carburant

Pour de nombreux Iraniens, les sources de la crise actuelle se trouvent dans la corruption de la classe dirigeante et son incompétence, alors que le gouvernement a été incapable de contrôler l’inflation, malgré la promesse faite en ce sens par le président Raissi en 2021. Le seul levier actionné pour résoudre la crise économique a été, en effet, d’activer la planche à billet : selon les données de la Banque centrale iranienne, le gouvernement aurait fait imprimer près de 142 000 milliards de rials iraniens en 2021, un record absolu qui a contribué à alimenter l’inflation.

Du côté du gouvernement, celui-ci se cantonne à son récit bien huilé, à savoir que les sanctions occidentales sont les seules responsables de la détérioration de la situation économique. Une explication que n’acceptent plus de nombreux Iraniens, prêts à défier le pouvoir dans les rues et appeler au changement face à l’effondrement de l’économie.

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