Le centre de Kiev est transformé en un musée à ciel ouvert où son exposés des blindés et autres engins russes détruits par l’armée ukrainienne. (AFP)

 

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé vendredi que son pays sortirait vainqueur de la guerre contre la Russie, au centième jour du conflit, alors que l’UE a durci ses sanctions contre Moscou, avec un embargo pétrolier progressif.

Moscou, qui concentre ses forces dans la région du Donbass, assure pour sa part avoir déjà atteint " certains " de ses objectifs.

Depuis l’invasion de l’Ukraine lancée le 24 février par Vladimir Poutine, son armée a triplé la portion de territoire ukrainien qu’elle contrôle: avec la péninsule de Crimée et les territoires occupés du Donbass et du sud de l’Ukraine, la Russie contrôle désormais près de 125.000 km2, selon le président Zelensky.

 

" La victoire sera nôtre ", a toutefois affirmé M. Zelensky vendredi dans une vidéo où il s’est filmé devant le bâtiment de l’administration présidentielle à Kiev, avec plusieurs de ses proches collaborateurs, diffusée sur Instagram.

Il a ajouté vendredi soir, dans sa traditionnelle intervention sur internet : " Il y a exactement cent jours, nous nous sommes tous réveillés à une réalité différente. (…) Lorsque les Ukrainiens sont réveillés non pas par les rayons du soleil, mais par les explosions de missiles qui frappent nos maisons. "

 

Le Kremlin a pour sa part affirmé avoir atteint " certains " des objectifs de son invasion censée " dénazifier " l’Ukraine et protéger sa population russophone, jugeant que de " nombreuses localités " avaient été " libérées ".

" Ce travail va se poursuivre, jusqu’à ce que tous les objectifs de " l’opération militaire spéciale " soient remplis ", a dit le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

Une volontaire aidant une vieille dame dans un hôpital de Marioupol

 

" Une deuxième Marioupol "

Selon la présidence ukrainienne, " les combats se poursuivent dans le centre-ville " de Severodonetsk vendredi matin. " Les envahisseurs russes continuent de bombarder les infrastructures civiles et l’armée ukrainienne dans les zones de Severodonetsk, Borivsky, Oustynivka et Lyssytchansk ", a-t-elle ajouté.

Selon Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la région de Lougansk, l’armée russe n’a toujours pas capturé Severodonetsk et y recule.

 

" Ils ne l’ont pas entièrement capturé. Et si auparavant, on avait une situation difficile avec environ 70% (de la ville) capturée, actuellement ils ont été repoussés de 20% ", a-t-il dit.

Après l’échec en mars de leur tentative d’offensive-éclair pour faire tomber le gouvernement de Kiev, les forces russes se concentrent sur le Donbass, où se joue désormais une " guerre d’usure " sur le " long terme ", selon le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg.

Les dirigeants ukrainiens accusent Moscou de vouloir faire de Severodonetsk un " nouveau Marioupol ". Ce port stratégique sur la mer d’Azov conquis le 20 mai a été dévasté par les bombardements.

 

Les forces russes bombardent aussi intensément la région de Donetsk, notamment Sloviansk, à quelque 80 km à l’ouest de Severodonetsk. Les habitants de la région manquent de gaz, d’eau et d’électricité, selon Kiev.

Dans le Sud, les Ukrainiens s’inquiètent d’une possible annexion des régions conquises par les forces russes, Moscou évoquant des référendums sur le sujet dès juillet.

Autour de Mykolaïv, près d’Odessa, les bombardements russes dans la nuit ont fait au moins un mort et un blessé, selon la présidence ukrainienne.

A Marioupol, les habitants doivent remplir des bidons d’eau distribuée par la mairie alors que les canalisations ont été détruites par les combats. Au fond, ont peut voir le portrait du Premier ministre russe Mikhaïl Michoustine

 

L’UE durcit ses sanctions

Sur le front diplomatique, les 27 pays de l’UE ont péniblement approuvé jeudi un sixième paquet de sanctions contre Moscou incluant un embargo, avec des exemptions, sur les achats de pétrole, qui sera effectif dans les six mois. Les sanctions portent également de nouvelles mesures financières et contre des personnalités.

En visant une importante source de revenus de Moscou, ces sanctions publiées vendredi au journal officiel de l’UE, sont les plus dures depuis le début de l’offensive russe à être décidées par les Vingt-Sept, qui ont peiné à trouvé un accord en raison du blocage de la Hongrie.

L’arrêt des importations par bateau de pétrole brut aura lieu dans les six mois et celui des produits pétroliers dans les huit mois. L’approvisionnement par l’oléduc Droujba peut en revanche continuer " temporairement " mais sans date limite. Il alimente notamment trois pays sans accès à la mer, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque.

Une concession obtenue par Viktor Orban, dont le pays dépend pour 65% de sa consommation du pétrole bon marché de Droujba, et qui exigeait des garanties pour sa sécurité énergétique.

L’embargo progressif touchera les deux tiers des achats européens. L’Allemagne et la Pologne ayant décidé de leur propre chef d’arrêter leurs livraisons via Droujba d’ici la fin de l’année, les importations russes seront touchées à plus de 90%, selon les Européens.

Des habitants de la banlieue de Kiev font la queue pour recevoir une aide alimentaire distribuée par la municipalité

 

En raison du délai de l’arrêt des importations, la Russie en a d’ores et déjà minimisé la portée, estimant en revanche que les Européens seraient " les premiers à en souffrir ".

En 2021, la facture des importations européennes de pétrole russe a représenté 80 milliards d’euros, quatre fois plus que les achats de gaz à la Russie.

Après les embargos sur le charbon et le pétrole, les Européens réfléchissement déjà à un septième paquet de sanctions pour isoler toujours plus la Russie, mais y inclure le gaz –dont les Européens sont encore très dépendants, et beaucoup plus difficile à remplacer que le pétrole– est impensable à l’heure actuelle.

Cette jeune veuve reçoit le drapeau ukrainien lors des funérailles de son mari tombé au combat
Réarmement allemand: " on sait comment ça peut se finir "

Le ministère russe des Affaires étrangères a critiqué vendredi un projet de l’Allemagne de renforcer son armée, estimant que cela relevait d’une " remilitarisation ", référence à la période nazie (1933-1945).

Le gouvernement et l’opposition conservatrice en Allemagne ont trouvé fin mai un accord pour faire une entorse aux règles budgétaires de la constitution nationale, afin de débloquer 100 milliards d’euros pour moderniser les forces allemandes face à la menace russe.

Il n’y a pas que le gouvernement russe qui voit d’un mauvais oeil le réarmement de l’Allemagne. Les pacifistes allemands ont également protesté contre l’enveloppe budgétaire de 100 milliards d’euros consacrée à la défense devant le Bundetsag vendredi.

 

" Nous prenons cela comme une confirmation supplémentaire que Berlin a pris la voie d’une nouvelle remilitarisation. On sait bien comment ça peut se finir ", a lâché la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.  Celle-ci semble faire référence au réarmement de l’Allemagne par les nazis dans les années 1930, qui a été suivi par le déclenchement par le dictateur Adolf Hitler de la Seconde guerre mondiale (1939-1945).

Le déblocage de 100 milliards d’euros pour l’armée nationale constitue un revirement de taille pour l’Allemagne qui, ces dernières années, traînait des pieds pour se conformer aux engagements de l’Otan dans ce domaine, s’attirant régulièrement les foudres des Etats-Unis.

 

L’Allemagne, depuis la fin de la Guerre froide, a nettement réduit les effectifs de son armée, passés de 500.000 personnes environ lors de la réunification du pays en 1990 à tout juste 200.000 aujourd’hui.

Par ailleurs, les responsables militaires se plaignent régulièrement de pannes sur leurs avions de chasse, navires de guerre ou chars.  L’offensive russe en Ukraine a agi comme un électrochoc dans un pays pétri de pacifisme depuis les horreurs nazies.

Kassianov quitte la Russie
La sextape politique, une habitude russe
Le nom de Mikhaïl Kassianov est associé au pseudo-scandale sexuelle, ou " Kompromat " en russe, dont le premier Premier ministre de Poutine en a fait les frais

Mikhaïl Kassianov, le premier Premier ministre du président russe Vladimir Poutine, passé depuis lors à l’opposition, a annoncé vendredi être à l’étranger, alors qu’il s’était prononcé contre le conflit en Ukraine. Agé de 64 ans, l’ancien Premier ministre a affirmé publiquement son opposition au conflit en Ukraine. Il est membre d’un " comité anti-guerre ", aux activités encore embryonnaires, créé à l’étranger par plusieurs opposants russes dont l’ex-oligarque en exil Mikhaïl Khodorkovski,

Premier ministre de M. Poutine durant ses premières années au pouvoir, de 2000 à 2004, M. Kassianov est ensuite devenu très critique à l’égard du président russe.

Exportations de céréales: un " bluff " pour Poutine

Après une rencontre avec son homologue russe Vladimir Poutine, le président en exercice de l’Union africaine (UA) et chef de l’Etat sénégalais Macky Sall s’est dit " rassuré ". Il a évoqué avec lui les craintes de crise alimentaire, notamment dans les pays africains, du fait de l’offensive russe.

 

" Nous sortons d’ici très rassurés et très heureux de nos échanges ", a déclaré M. Sall aux journalistes à l’issue de cette rencontre à Sotchi (sud de la Russie), ajoutant avoir trouvé le président russe " engagé et conscient que la crise et les sanctions créent de sérieux problèmes aux économies faibles, comme les économies africaines ".

Pour le président Poutine, l’exportation des céréales d’Ukraine n’est " pas un problème ", a-t-il déclaré dans une interview télévisée, évoquant plusieurs moyens d’exporter les céréales via des ports ukrainiens, d’autres sous contrôle russe ou via l’Europe centrale et orientale.

Le président russe a affirmé que les Occidentaux faisaient du " bluff " en accusant Moscou d’empêcher les exportations de céréales d’Ukraine.

" Une erreur historique et fondamentale "
Emmanuel Macron lors d’une visioconférence avec les dirigeants des pays membres du G7

 

A Paris, le président Emmanuel Macron a estimé que son homologue russe avait commis " une erreur historique et fondamentale " et qu’il était aujourd’hui " isolé ".

" Je pense, et je lui ai dit, qu’il a fait une erreur historique et fondamentale pour son peuple, pour lui-même et pour l’Histoire ", a déclaré M. Macron. " Je pense qu’il s’est isolé. S’enfermer dans l’isolement est une chose, savoir en sortir est un chemin difficile ".

Le ministère français des Affaires étrangères a par ailleurs révélé qu’un Français avait été tué " dans des combats ".  Selon une source sécuritaire interrogée par l’AFP, l’homme était " un combattant parti comme volontaire ". L’identité de cet homme n’a pas été communiquée, ni le lieu où il a péri.

En outre, l’agence Reuters a annoncé vendredi que deux de ses journalistes avaient été légèrement blessés et leur chauffeur tué.