Les Ukrainiens ont reçu les lance-roquettes multiples Himars fournis par les USA, qui doivent renforcer la puissance de feu de leur armée au Donbass.

 

La manoeuvre médiatique nucléaire devient récurrente. Statistiquement, elle a une fréquence d’un mois à 5 semaines. Comme un pistolero qui exhibe son arme pour montrer aux gens qu’il est dangereux, le président russe Vladimir Poutine a annoncé samedi que son pays allait " dans les prochains mois " livrer au Bélarus, d’où des frappes ont été effectuées contre le territoire ukrainien, des missiles capables de transporter des charges nucléaires. Il s’agit d’Iskander-M, a précisé le chef de l’Etat russe au début d’un entretien avec son homologue bélarusse Alexandre Loukachenko à Saint-Pétersbourg.

 

Dans des déclarations qui risquent de tendre davantage encore les rapports entre Moscou et les Occidentaux, les deux dirigeants ont aussi dit vouloir moderniser l’aviation du Bélarus pour la rendre capable de transporter des armes nucléaires.

Kiev avait peu avant accusé la Russie de vouloir " attirer " Minsk " dans la guerre " après le tir, selon l’armée ukrainienne, de 20 missiles à partir du sol bélarusse, ainsi que d’avions, sur un important centre militaire ukrainien, à Desna, dans le nord, samedi. Ce village de la région frontalière de Tcherniguiv, où aucune victime n’a cette fois été signalée, avait déjà été la cible, le 17 mai, de bombardements qui avaient alors fait 87 morts, d’après les Ukrainiens.

De premières attaques en provenance du territoire bélarusse avaient par ailleurs eu lieu au tout début de l’invasion de l’Ukraine, déclenchée le 24 février.

Avancées russes majeures à l’Est

Les forces russes ont obtenu samedi d’importants succès militaires dans l’est de l’Ukraine, s’emparant totalement, à l’issue d’une bataille acharnée, de la ville stratégique de Severodonetsk et pénétrant dans celle voisine de Lyssytchansk, à l’entame du cinquième mois de conflit. Severodonetsk est " entièrement occupée par les Russes ", a ainsi reconnu en fin d’après-midi son maire Oleksandre Striouk, au lendemain de l’annonce par l’armée ukrainienne de son retrait de cette cité d’environ 100.000 habitants avant la guerre pour mieux défendre la localité de Lyssytchansk, située sur la rive opposée d’une rivière, la Donets.

 

Les séparatistes ont parallèlement déclaré avoir " pris le contrôle total de la zone industrielle de l’usine Azot " à Severodonetsk et être entrés avec les militaires russes à Lyssytchansk.

" Des combats de rue s’y déroulent actuellement ", ont-ils ajouté, sans qu’une confirmation de source indépendante puisse être obtenue dans l’immédiat.

Une progression sur le terrain cruciale pour la Russie, qui veut conquérir l’intégralité du bassin industriel du Donbass, déjà partiellement aux mains des séparatistes prorusses depuis 2014.

Kharkiv de nouveau la cible de missiles

L’armée russe a pour sa part dit avoir tué " jusqu’à 80 mercenaires polonais " dans un bombardement, détruisant aussi 20 véhicules blindés et huit lance-roquettes multiples Grad dans des tirs d’armes de haute précision sur l’usine de zinc Megatex à Konstantinovka, dans la région orientale de Donetsk.

Cette information n’était pas non plus vérifiable, tandis que Moscou assure fréquemment " éliminer des mercenaires " étrangers allés combattre en Ukraine.

Un bâtiment administratif détruit dans la ville de Bakhmout, non loin de Lyssytchansk.

 

A Kharkiv, la deuxième plus grande métropole d’Ukraine, qui résiste à la pression des troupes russes depuis le début de l’offensive, les missiles s’abattent à nouveau quotidiennement sur le centre-ville.

Dans la nuit de vendredi à samedi, l’un d’eux a touché un bâtiment administratif proche de l’hôtel où résidait une équipe de l’AFP et provoqué un incendie, selon les services de secours ukrainiens. L’immeuble avait déjà été bombardé auparavant. " Les Russes finissent ce qu’ils ont commencé ", a commenté samedi pour l’AFP un militaire sur place, qui n’a pas décliné son identité.

Dans le Sud, le ministère russe de la Défense a déclaré samedi que " plus de 300 militaires ukrainiens et mercenaires étrangers et 35 unités d’armes lourdes " avaient été " liquidés en une journée dans la région de Mykolaïv ".

Un constat de " faiblesse "

Dans ce contexte, Kiev a fustigé la condamnation par les Russes du feu vert donné jeudi par l’UE à la candidature de l’Ukraine. " Tout ce qui reste à la Russie, c’est de cracher des menaces contre d’autres États après des décennies de politiques ratées basées sur l’agression, la coercition et le manque de respect. Cela ne fait que montrer la faiblesse de la Russie ", a affirmé sur Twitter le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba.

Vendredi, la diplomatie russe avait dénoncé la décision des Vingt-Sept de donner à l’Ukraine et la Moldavie le statut de candidat à l’UE, y voyant une manoeuvre géopolitique contre Moscou en pleine invasion de son voisin ukrainien.

Moscou avait dénoncé un " accaparement géopolitique " de l’espace de la Communauté des Etats Indépendants (CEI, rassemblant plusieurs pays de l’ex-URSS) pour " contenir la Russie ", assurant que " cette approche agressive de l’Union européenne a le potentiel de créer de nouveaux schismes et de nouvelles crises bien plus profondes en Europe ".

Les destructions dans les environs de Kharkiv.

 

Cette décision " confirme qu’un accaparement géopolitique de l’espace de la CEI (la Communauté des Etats indépendants, qui rassemble plusieurs pays d’ex-URSS, ndlr.) se poursuit activement afin de contenir la Russie ", avait déploré la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova. Selon elle, l’UE a pour objectif " de fixer avec les régions de son voisinage des relations reposant sur le principe maître-esclave ".

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a même été jusqu’à comparer l’UE et l’Otan aux nazis:  " Hitler sous son étendard avait rassemblé une grande partie de l’Europe pour faire la guerre contre l’Union soviétique " , a-t-il dit.  " Aujourd’hui, l’UE et l’Otan rassemblent une telle coalition contemporaine pour lutter et, dans une large mesure, faire la guerre à la Russie " , a-t-il ajouté.

Retrait " tactique "

Les bombardements massifs dans l’Est ont fini par faire céder les soldats ukrainiens, mais sans nécessairement changer fondamentalement la donne sur le terrain, relèvent des experts.

Un char ukrainien en retrait vers l’arrière front.

 

" Les unités ukrainiennes sont épuisées, exsangues. Elles ont eu des pertes terribles avec des bataillons complètement neutralisés ", explique ainsi un officier français de haut rang sous couvert de l’anonymat, évoquant des unités de 300 ou 400 hommes dont il n’est resté qu’une vingtaine de valides.

Mais, pour autant, " la vision globale – une guerre lente de positions retranchées – n’a guère changé ", assure à l’AFP Ivan Klyszcz, chercheur à l’université estonienne de Tartu. " Le retrait était probablement prévu auparavant et peut être considéré comme tactique ", analyse-t-il, soulignant que la résistance ukrainienne a permis à l’armée de consolider ses arrières.

Le drapeau polonais retiré de Katyn

Les autorités russes ont retiré le drapeau de la Pologne du mémorial de Katyn érigé en souvenir de milliers de Polonais massacrés par les Soviétiques, une décision qui intervient en pleines tensions entre Moscou et Varsovie autour de l’Ukraine.

Le mémorial de Katyn a été érigé en souvenir de quelque 25.000 Polonais, pour la plupart des officiers jugés hostiles à l’idéologie communiste, massacrés en 1940 par la police politique soviétique sur ordre de Staline dans une forêt près de Smolensk.

L’Union soviétique a longtemps nié toute responsabilité dans ces massacres, accusant les Nazis, avant de reconnaître les faits en 1990. Cet épisode tragique est resté au coeur des tensions entre la Russie et la Pologne.

En 2010, alors que Moscou et Varsovie avaient affiché une rare volonté de " tourner la page ", l’avion du président polonais en route vers Smolensk s’est écrasé, tuant les 96 personnes à bord. L’enquête sur cet accident est devenue une nouvelle source de tensions entre les deux pays.

Avec AFP