Toujours les mêmes guerres à la télé. Les mêmes crises. La même ligne éditoriale. Tous les jours, tout le temps. On marche, on court, on reste en ligne.

Toujours les mêmes guerres à la télé. Les mêmes crises. La même ligne éditoriale. Tous les jours, tout le temps. On marche, on court, on reste en ligne.

Tout ce temps passé loin de la vie. Ce temps de vie. De rage, de virages, de sans issue, de sens inverses. Le temps à l’envers. Une ligne surtout pas droite. Toutes ces secondes qui retardent à force de s’y prendre à deux fois. Tout ce temps parcouru à fouiller dans soi-même. Tous ces chemins, ces pentes, ces descentes. En enfer surtout.

Ces demi-tours. Des tours sur soi-même. Des maux. Des mains. De la peinture sur les doigts. Essayer d’esquisser une ligne droite, le dos courbé. Le fil des années.

On voudrait nous faire passer notre temps sur une ligne. Tisser des liens sur des visages. Dévisager le temps, en ligne.

Je n’ai plus de mots sur les lèvres. Je n’ai plus de ligne de temps. Je n’ai plus de temps. J’en ai tant envie pourtant. Et si je les laisse, qui sait? Les laisser filer, filer le long de la ligne. Inspecter les recoins, prendre leur temps. Une ligne pleine d’aller-retour. Dans un tunnel. J’ai perdu ma connexion. Je ne suis plus en ligne. Au bout, une lumière, une envie, une respiration, un souffle. Dans le micro de mon portable. En ligne, en temps et en heure. Enregistré. Posté. Sur le réseau. Social, il paraît. Social mais en ligne. Aligné, le temps. Les rappels. Les ordres. Les rappels à l’ordre. Rappelle-toi. Rappelle-toi tout ce temps, tous ces jours sans une ligne. Tout ce vide sur ta ligne du temps.

Et puis voilà on nous a dit que c’est une nouvelle année. Ou pas. Le beau temps des bilans. Celui de 2022. Salé. Comme les factures. Comme tous ces papiers écrits en gras et qui regorgent de nombres qu’il faut qu’on déchiffre. Comme tous ces chiffres que l’on nous aligne. Comme toutes ces questions de sous. Tous ces sous dont on parle en permanence. Toutes ces permanences qu’il faut monter pour tous ces problèmes de sous. Il en vient de partout. Des problèmes pas des sous.

Alors on se met à compter. Tout. À tout compter, mais pas à compter sur tous. Alors que pourtant. Les uns, c’est un multiple des autres. On compte chacun dans son coin. La théorie des ensembles n’a plus la cote. On compte, individuellement. On compte tout, mêmes les caractères, la taille des textes. Il faut écrire des messages courts. Il faut se dépêcher pour dire les choses, pour les écrire, pour les lire aussi. Le temps est compté, c’est sans doute pour ça. Le temps, les sous. Un compte. Un compte de faits. De faits d’hiver, de faits accomplis.  Plus la peine d’acheter des consonnes. Les lettres ne comptent plus. On nous abreuve de chiffres tout le temps. C’est ça une nouvelle année, des chiffres, à l’excès, a l’Excel. On passe par tous les types d’opérations. Barèmes. Budgets. Tranches. Cotisations. Taux. Balances. Tout y passe. On en fait tout un monde. Un monde de brutes. C’est net.

On en oublie de se regarder dans les yeux. D’apprendre à continuer à se connaître. On en oublie la chaleur humaine. On en oublie les autres.

On en oublie des choses en se noyant dans les chiffres. On en oublie un peu l’essentiel même s’ils en font aussi partie, de l’essentiel, les chiffres. On en oublie de s’aimer. On en oublie qu’on est pluriel. On se divise. On multiplie les erreurs, les horreurs aussi. On en oublie les petites choses toutes simples qui peuvent faire un bonheur. On échafaude des opérations compliquées. On se complique les choses. En chiffres. On en oublie les êtres. Les humains derrière les additions. On en devient égoïste. On ne peut plus que compter sur soi. Et encore.

Oui il faut compter. Oui il faut chiffrer. Oui il faut des marchés. Mais il faut marcher ensemble. Avancer ensemble. Sans calcul. Aussi. Surtout. Sur tous ces chiffres, marcher, la main dans la main. L’un ne va pas sans l’autre. Les chiffres et les êtres. Sur la ligne du temps.