Antranig était garagiste. Il avait jusqu’à neuf employés et son garage tournait bien. Il a gardé la voiture de son grand-père. Il n’y a plus que ça dans le bâtiment soufflé par l’explosion du 4 août 2020. Miraculeusement, la voiture n’a pas été touchée. Cet Arménien y voit un signe. Il lui en faut pour tenir dans le marasme libanais.

Son fils vit à Varsovie.

Tous les mois, il lui envoie les médicaments dont il a besoin. Ils sont soigneusement rangés chez lui, dans un buffet qui servait pour ses verres en cristal. Il les a tous vendus.

Sur les dix-huit appartements de son immeuble, seuls trois sont encore occupés. Il veille sur celui où habitaient ses parents, au troisième étage. Une vieille malle semble prête à partir, elle aussi.

Antranig n’attend plus rien de l’Etat libanais. Pour parler de ceux qui dirigent le pays, il dit " les Ali Baba ". Et il lève les yeux au ciel en se signant.

Dans sa penderie, des costumes bien rangés rappellent qu’il y eut d’autres temps pour lui. Il est fier de sa collection de cravates.

Antranig aurait pu rejoindre son fils en Pologne, mais c’est trop tard pour lui. Sa femme est décédée neuf jours après le départ de leur fils. Un AVC. Lui, pense que c’était trop dur pour elle de le voir s’en aller.

Il reçoit régulièrement des photos, soigneusement conservées dans son téléphone. Et les bulletins de ses petits enfants qui sont sa fierté. Le nescafé a refroidi. Antranig allume encore une cigarette. Il fume beaucoup trop et hausse les épaules en reconnaissant que ce n’est pas bon pour sa santé. Il a 79 ans.

Jusqu’à il y a encore quelques années, il vivait bien. C’était avant.

Prochain article le dimanche 5 décembre

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