Jad Bou Nasreddine sera entendu jeudi par le bureau d’investigation des Forces de sécurité intérieure. Un sit-in de solidarité sera organisé parallèlement à l’interrogatoire.

Quatre mois après avoir pris part aux manifestations organisées le 4 août à l’occasion de la première commémoration de la double explosion survenue un an plus tôt au port de Beyrouth, l’interpellation de manifestants se poursuit. Jeudi, Jad Bou Nasreddine, jeune diplômé en gestion des affaires, sera entendu à 10h, au bureau d’investigation des Forces de sécurité intérieure, à la rue de Verdun. Il est accusé d’avoir pris d’assaut, aux côtés d’autres protestataires, le siège d’Électricité du Liban (EDL) à Mar Mikhaël, lors des manifestations organisées le 4 août dernier. Un appel à un sit-in de soutien au jeune homme, qui sera tenu parallèlement à l’interrogatoire, a été lancé sur les réseaux sociaux.

"Au Liban, le pouvoir n’exerce son autorité que sur les jeunes qui réclament une vie digne de manière à bénéficier des besoins les plus élémentaires, comme l’accès au médicament, à la nourriture, aux carburants, à l’électricité et à l’emploi, affirme Jad Bou Nasreddine à Ici Beyrouth. On essaie de nous arrêter pour nous effrayer, mais nous allons continuer à réclamer nos droits."

Le jeune homme rêve d’un Liban prospère, qui jouit d’une vraie indépendance et où les armes ne sont détenues que par l’armée libanaise. "J’ai la tête haute, affirme-t-il. Je n’ai commis aucun délit ou crime. J’ai toutefois peur qu’on ne me constitue un dossier monté de toutes pièces à la demande de certains politiciens qui veulent en finir avec les voix dissidentes. Des avocats seront présents pour m’accompagner. La manifestation a eu lieu le 4 août. Je me demande sur les raisons pour lesquelles, on a attendu quatre mois pour me convoquer." Le jeune homme n’en est pas à sa première convocation depuis sa participation au mouvement de contestation du 17 octobre.

Fier d’avoir poursuivi ses études dans son pays et d’avoir décroché un diplôme universitaire, Jad Bou Nasreddine déplore le manque d’opportunités de travail. Et si, par chance, "on arrive à décrocher un travail, on sera rémunéré sur base du salaire minimum ", ajoute-t-il.

Jad Chahrour, chargé de communication au Centre SKeyes, estime que "tout individu qui tient un discours critique à l’égard du pouvoir politique est exposée à des menaces visant à lui étouffer la voix". "Les personnes qui s’opposent à l’autorité ont un grand défi à relever pour aboutir à l’État de droit, insiste-t-il. Le système policier cherche à terrifier les citoyens pour garantir l’uniformité du discours politique."

De son côté, Richard Chamoun, avocat, encourage les jeunes qui s’estiment innocents à affronter l’interrogatoire et à dire la vérité. "La loi 47 du code de procédure pénal amendée en 2020, préserve leur droit à avoir un avocat et à exiger la consignation et l’enregistrement audiovisuel de leurs témoignages, explique-t-il. À défaut de présence d’un avocat, il a le droit de garder le silence."

Me Chamoun considère que "la plupart des convocations faites à la suite des manifestations visent à exercer une pression sur les protestataires, surtout lorsqu’elles sont tardives. Elles visent également à disséminer les regroupements de sorte à ce que la volonté de protester soit anéantie. Au cas où les activistes concernés ne sont pas coupables, ce procédé révèle la naïveté du pouvoir politique et un abus de pouvoir."

À son avis, les jeunes activistes, qui ont choisi de défendre de grandes causes, devraient être prêts à faire face aux "erreurs commises à leur encontre". "Cependant, la justice devrait s’occuper des grands dossiers plutôt que de poursuivre de jeunes protestataires", insiste Me Chamoun.

Et de conclure: "Au lieu d’œuvrer à élucider l’affaire de la double explosion au port de Beyrouth, le pouvoir politique poursuit des jeunes qui lui réclament la vérité sur l’identité des parties impliquées dans la destruction d’une grande partie de la capitale."