Beyrouth : Des fêtes en demi-teinte. Des enfants qui rentrent juste pour encore un Noël. Surtout un Noël. Des vœux souhaités du bout des sourires. Une année qui se pointe derrière un masque. Encore des masques. J’ai en ce début d’année deux mots dans ma tête.

Mea culpa.
Pas su le retenir mon pays. Grande tristesse. En janvier on fait des résolutions. Plein. On les écrit, on les retient, on les multiplie et on y croit. L’année sera ce qu’elle sera. Impossible de savoir. En ces premiers jours de cette nouvelle année, je n’ai que des regrets. Comme si je n’avais pas vraiment fait ce qu’il fallait faire.

Mea culpa.
Je me suis laissé tomber comme un oiseau qu’on abat. Je me suis laissé entraîner dans les tracasseries de ce quotidien sans lumière. Je me suis laissé griser par les promesses d’un changement rapide. Et surtout j’ai continué à les écouter. Eux. Ces monstres sans conscience qui n’arrêtent pas. De parler, de vociférer, de voler, de mentir et de vouloir encore être là face à un peuple qui les vomit.

Mea culpa de ne pas avoir été dans la rue, tous les jours, toutes les minutes au lieu de passer l’année dans leurs files d’humiliation, dans leurs goulags destructeurs, dans leurs pièges impitoyables. Une année perdue à élaborer mille systèmes D pour garder la tête hors de l’eau.

Mea culpa de ne pas avoir hurler mon indignation, ma colère et mon mépris partout dans le monde pour que le monde voit.

Mea culpa de ne pas avoir su créer une muraille imprenable pour défendre mes villes, mon littoral, mes montagnes, mes vallées et mes plaines.

Mea culpa de ne pas m’être accrochée aux maisons qu’on abat et aux arbres qu’on déracine.

Mea culpa d’avoir laissé s’évaporer toute cette rage de ce moment où l’on a décidé qu’ils devaient tous partir.

Mea culpa d’avoir dit à mes amis que l’on n’a plus d’autre choix que de partir nous.

Mea culpa d’avoir pensé, souvent, que c’est comme ça et cela ne changera pas. Et c’est là le malheur de tout un pays. C’est là le malheur de centaines de citoyens. Le fait accompli, notre ennemi mortel. Toute une manière d’être et de vivre qui a vite pris le pays en otage et s’est répandu comme un virus. Dès la première ineptie avalée, dès le premier contresens digéré, on avait déjà perdu la bataille. La bataille du bon droit.

Et depuis on boite, on piétine, on slalome mais on ne marche plus droit. On avance à tâtons, bouche ouverte et bras ballants. On avale les corrompus. On accepte les médiocres. On absout les criminels. On respire leurs solutions nauséabondes. On accepte les reports des élections. On attend les interventions des étrangers sur notre terre. On cautionne les manipulations. On bouffe les humiliations. On avale tous genres de mensonges, de couleuvres, de virus, de maladies. Et on n’est pas les seuls.

Partout dans le monde, on va à contresens. À contresens de l’amour. À contresens de la vie. On accepte les guerres. On accepte les massacres. On accepte les extrémismes. On accepte les lavages de cerveaux. On accepte les naufrages. On accepte les enfants qui meurent. On accepte que leurs vies et la nôtre ne valent pas grand-chose.

Mais entre la mort et l’amour il y a quelques petites lettres. Ajouter le " u " rond comme une union, celle souhaitée et sacrée en 2022 de tous les Libanais partout, et enlever le " t " froid comme une potence, celle qui devrait être en 2022 le seul horizon de ceux dont on devrait abolir le nom.