L’agresseur a été vite arrêté par les FSI. Le ministère libanais du Travail a fait figurer son nom sur sa " liste noire ".

Dans un acte de violence physique et morale révoltant et sous les regards des témoins qui ont filmé mercredi l’agression, un homme a intimidé et traîné en pleine chaussée, sur l’asphalte, une employée de maison migrante dans la région de Jouret el-Ballout au Metn. La vidéo montre l’offenseur tirant par les cheveux la dame et lui donnant un coup brusque à l’épaule droite. On entend la victime hurler de douleur. La séquence audiovisuelle devenue virale en quelques heures a été visionnée par plus de 100 mille personnes sur certaines plateformes et a suscité une vague de colère et d’indignation. " Ceci est inadmissible ! Quand de tels actes hideux prendront-ils fin ? ", déplore un internaute.

Alertées, les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont aussitôt arrêté l’agresseur, sur ordre du Parquet, et l’ont conduit au poste de gendarmerie de Broumana où il a été soumis à un interrogatoire. La migrante doit être entendue à son tour. " L’acte commis est indigne, inhumain et ne reflète point les valeurs sociales libanaises ", commente une source proche des FSI à Ici Beyrouth.

De son côté, le ministre du Travail, Moustafa Beyram, a annoncé dans un communiqué qu’il a fait figurer le nom de l’attaquant sur " la liste noire " du ministère et a ordonné l’ouverture d’une enquête " à dimension juridique et morale, parce qu’il ne faut pas faire preuve d’indulgence à l’égard de toute atteinte à des individus, entre autres les travailleurs et les travailleuses étrangers, dont la dignité et les droits doivent être préservés ". M. Beyram a également demandé au département d’inspection du ministère d’élaborer un rapport rapide et détaillé sur l’agression.

Une réaction du moukhtar de Jouret el-Ballout qui a essayé de justifier une agression que rien ne peut justifier, devait enflammer plus tard les réseaux sociaux. Sur sa page Facebook, Issam Boujaoude a indiqué que " la dame, qui avait commencé la veille à travailler de son plein gré chez son employeur, a tenté de s’enfuir, mais que ce dernier avait réussi à la rattraper ".

Selon l’avocate Mohana Ishak, cheffe des affaires juridiques au département de la lutte contre la traite des êtres humains à KAFA, " l’agresseur croyait avoir un droit de contrôle sur la dame, c’est pourquoi il a été en mesure de la traîner de cette manière abominable ". Dans une interview accordée à Ici Beyrouth elle a souligné que " le comportement violent est un indice d’abus de pouvoir ". "Certaines personnes croient avoir le droit d’affaiblir, d’exploiter, d’utiliser les travailleurs ", a-t-elle déploré.

Selon Me Ishak, l’incident survenu est une nouvelle preuve que " le système de la " Kafala " (un système de parrainage des travailleurs migrants) encourage le racisme, l’esclavage et l’exploitation des personnes ". " Nous cherchons à l’abolir en promulguant des lois qui empêchent ces pratiques. Cela limiterait le sentiment de contrôle exercé à l’encontre des travailleurs domestiques migrants ", a-t-elle ajouté, en référence au rapport dominant-dominé et au sentiment de supériorité qu’il peut générer chez les employeurs.

Au Liban, plus de 250 mille migrants, des femmes en majorité, sont engagés selon la " Kafala ". D’après Amnesty International, ce système " lie la résidence légale du travailleur à la relation contractuelle avec l’employeur " et exclut en l’occurrence ces personnes venues en majorité des Etats africains et asiatiques du droit de travail libanais.

Les risques de violence que peut susciter ce système demeurent accrus et Me Ishak souligne avec désarroi que les données et les documentations d’agressions similaires au cas filmé manquent au Liban.

L’événement survenu a remué la conscience collective et remis sur le tapis l’application de la clause des droits de l’Homme qui préconise des " conditions de travail équitables et satisfaisantes " (Article 23, DUDH).