Mardi, un ouvrier de la décharge de Bourj Hammoud-Jdeidé et des employés de Ramco ont été attaqués par des ferrailleurs. Un incident qui témoigne de conditions de travail difficiles, sur fond de salaires impayés et d’inaction gouvernementale.

Mardi, des ferrailleurs ont pris à partie des employés de Ramco, alors qu’ils défendaient un ouvrier de la décharge de Bourj Hammoud-Jdeidé, lui-même agressé. Conséquence : sa direction a décidé de fermer les lieux et d’interdire le déchargement des déchets, en l’absence d’une protection policière destinée aux employés. Ramco a donc suspendu ses opérations de ramassage dans les cazas du Metn et du Kesrouan, où il opère habituellement pour le compte de l’État.

L’incident n’est pas un cas isolé. Régulièrement des altercations éclatent entre employés et ferrailleurs, venus fouiller la décharge en quête de produits à recycler. En juin dernier, une agression similaire avait eu lieu. La mise en place d’un système de surveillance avait alors été évoquée par le Conseil du développement et la reconstruction (CDR). " Nous avons demandé aux municipalités de dépêcher sur les lieux des agents de la police municipale, ainsi que la mise en place d’une station de police, affirme Nabil Jisr, directeur du CDR. Nous avons fait tout le nécessaire. "

De la propagande, à en croire Walid Bou Saad, directeur de Ramco. " Quand quelque chose arrive, une voiture de police est dépêchée pour faire un petit tour ", note-il, déplorant notamment l’absence de forces de sécurité basées de façon permanente dans la zone. " Personne ne bouge, comme si nos vies n’étaient pas importantes, déplore-t-il. À la suite de l’agression de mardi, nous avons contacté le management de la décharge, qui nous a informés que personne n’était prêt à envoyer des gens pour protéger les employés. "

Les impayés de l’État

Pour autant, une réouverture de la décharge n’irait pas de pair avec une reprise du ramassage des déchets. Partiellement payés pour le mois de janvier, les employés de Ramco refusent de reprendre leur travail dans le Metn et dans le Kesrouan. Une grève qui fait écho à celle survenue le premier février dernier pour les mêmes raisons. " Nous leur avons versé 50% de leur salaire, mais n’avons pas pu payer le reste ", explique Walid Bou Saad, dont l’entreprise croule sous les dettes. " L’État nous doit 20 millions de dollars (le dernier virement date de février 2021, ndlr), poursuit-il. Le 2 février, nous avons eu une réunion avec le ministère de l’Environnement. Ses représentants nous ont dit que la Banque du Liban allait transférer de l’argent sur notre compte et que les employés pouvaient donc se remettre au travail. Mais à ce jour nous n’avons toujours pas eu l’argent ". Il note que trois décisions de paiement émanant du ministère des Finances ont été envoyées à la Banque centrale en décembre.

Quant aux aides du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), investi dans le traitement des déchets, le groupe affirme ne pas en bénéficier. " Nous n’avons aucune connexion avec le PNUD, souligne M. Bou Saad. Mais nous avons sollicité le ministère de l’Environnement pour qu’il leur demande de nous aider, car nous sommes la principale société de collecte de déchets. "

Dans un récent communiqué, le PNUD rappelait les piliers de sa stratégie au Liban, centrée " sur plusieurs aspects de la gouvernance environnementale, y compris la gestion efficace des déchets ". Contacté, l’organisme n’a pas encore répondu à nos questions.

" Dans six mois, la situation va exploser, met en garde M. Bou Saad. Nous ne sommes plus capables d’opérer, nous n’avons plus d’argent, nos employés ne reçoivent pas leurs salaires et nous ne pouvons pas réparer nos camions endommagés. Sans parler du prix de l’essence et du fait que nous sommes payés en lollars. "