Tristesse, colère, rage… Autant d’émotions qui en disent long sur l’état dans lequel se trouvent aujourd’hui encore les proches des victimes de la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020. Ils n’arrivent pas à panser leurs blessures. Ils ont le cœur lourd et peinent à poursuivre une vie qui s’est arrêtée en ce jour. Dix-neuf mois après la déflagration meurtrière qui a fait plus de 200 morts et 6.500 blessés, ils attendent toujours que la vérité soit faite sur cette hécatombe et que les responsables soient jugés.

Or depuis un an et demi, le pouvoir politique en place, notamment le duopole Hezbollah-Amal, tente de bloquer les chemins de la justice qui permettent de dénoncer les coupables et, par le fait même, de les sanctionner. L’impunité perdure. L’enquête sur ce drame est en fait paralysée depuis plusieurs mois. Les recours en dessaisissement contre le juge d’instruction Tarek Bitar, chargé du dossier ne se comptent plus. Après ceux présentés par les anciens ministres Ghazi Zeaïter, Ali Hassan Khalil, Nouhad Machnouk et Youssef Fenianos, mis en cause dans le dossier, les avocats de trois détenus dans le cadre de cette affaire ont présenté mercredi à la Cour de cassation un recours en vertu duquel ils réclament que le dossier de l’enquête soit transféré à un magistrat autre que Tarek Bitar.

À l’occasion de la Journée internationale pour le droit à la vérité fixée au 24 mars, plusieurs proches des victimes était incapables de s’exprimer. Pour elles, le fait de "ne pas élucider les circonstances et les causes de ce crime, c’est permettre qu’un nouveau drame similaire se produise".

"Notre voix n’est pas entendue", lance le père d’une victime. "Les familles ne cessent de revendiquer leur droit, mais il faudrait que des actions tangibles soient entreprises. L’État assassine son peuple", ajoute-t-il.

"J’ai besoin de connaître la vérité. Au Liban, on ne peut plus admettre d’être assassinés ainsi. Les coupables se présentent aux élections et sont libres, alors que nous agonisons", martèle en sanglotant la sœur d’une victime, tuée alors qu’elle était assise tranquille dans sa maison. Elle ne cesse de revivre cet instant où l’on recherchait désespérément le corps déchiqueté de sa sœur.

Pour Ibrahim Najjar, ancien ministre de la Justice, le Liban est "malheureusement devenu le pays de l’impunité, le pays où la recherche de la vérité est en train de remplacer la recherche de la sanction".  Or, a-t-il affirmé, "la vérité sans sanction, c’est comme le droit sans exécution".