L’amertume et la désillusion des peuples tant américains qu’européens durant la période sombre de l’entre-deux-guerres et de la grande dépression fut un terrain fertile pour l’imagination débordante de Walt Disney. Il fallait absolument apporter aux gens du rêve et de l’espoir. N’a-t-il pas déclaré lui-même: "Mon entreprise rend les gens et surtout les enfants heureux"?

Comment tout cela a-t-il commencé pour ce roi du dessin animé qui a su emporter le monde entier dans ses rêves et sa fantaisie en sublimant le quotidien? Qu’est-ce qui prédestinait ce fils d’agriculteur, à cette ascension glorieuse? Qu’est-ce qui permit à ce grand sensible ayant souffert de dépressions de rebondir à chaque fois et un peu plus haut, lui qui ne se pardonnera jamais que sa mère soit morte d’une fuite de gaz dans la maison qu’il lui avait offerte un mois avant, lui qui subira l’indifférence d’un père qui ne lui montrera ni fierté ni reconnaissance?

Cet homme au parcours exceptionnel, à la renommée mondiale, aux 26 oscars et multiples récompenses et dont les films rapportent plus de 13 millions de dollars par an, quelle en a été l’inspiration ou le mantra?

Un reportage consacré à Walt Disney à la télévision française sur France 3 en février 2022 nous apporte un éclairage nouveau sur ce personnage étonnant, si représentatif de ce qu’on appelle le "rêve américain" ou la réussite à l’américaine! Or, curieusement, tout a commencé pour les Disney par un sentiment d’échec, celui d’un père agriculteur, charpentier, puis entrepreneur de bâtiment qui traînait son découragement et sa désillusion en les projetant sur ses deux fils Walt et Roy, les poussant à trouver un emploi stable.

Walt, rêveur obstiné, ne l’entendait pas de cette oreille. Croyant en sa bonne étoile, il étudie la caricature et rêve d’être dessinateur de presse. D’abord dessinateur publicitaire à Kansas City avec de maigres revenus, il finit par créer son propre studio et réalise ses propres films d’animation, mais son entreprise est mise en faillite.

La tête toujours dans les étoiles, Walt n’abandonne pas ses rêves! Il fonde sa propre société, la Hollywood Disney Brothers Studio, avec son frère Roy en 1923. Cette association a tout du duo gagnant, car si Walt avait pour atouts la passion, l’audace, l’inventivité et la fantaisie, Roy, lui, possédait toutes les qualités du bon financier, de l’excellent gestionnaire avec en prime un don pour le marketing.

Très vite, les deux frères comprirent qu’ils devaient s’inscrire au cœur de la révolution de l’art cinématographique et faire partie des rouages de cette énorme machine qui commençait à se mettre en branle. Or les années 20 étaient dominées par ces monstres du cinéma débutant tels que Charlie Chaplin et les Max Brothers.

Il fallait donc pour les frères Disney se démarquer en s’emparant d’un genre nouveau aux débuts encore maladroits et non aboutis: le film d’animation, tout en revisitant le concept des personnages de dessins animés en vogue à l’époque en leur faisant vivre de vraies aventures avec des scénarios élaborés. L’innovation était là!

Les Disney créent alors avec grand succès une série nommée les Alice Comedies et un nouvel héros, Oswald le lapin, mais un conflit avec leur distributeur leur fait encore une fois tout perdre. Désespéré, Walt finissait par se demander si l’échec n’était pas une tare familiale reçue en héritage.

L’image obsédante du son père défait et défaitiste, doublée d’un besoin de revanche sur le destin, sera finalement le levier qui lui permettra de rebondir. Son frère Roy dira même que son frère Walt avait le sentiment d’appartenir à la race des vainqueurs, de ceux qui d’emblée veulent habiter la lune.

L’amertume et la désillusion des peuples tant américains qu’européens durant la période sombre de l’entre-deux-guerres et de la grande dépression fut un terrain fertile pour l’imagination débordante de Walt Disney. Il fallait absolument apporter aux gens du rêve et de l’espoir. N’a-t-il pas déclaré lui-même: "Mon entreprise rend les gens et surtout les enfants heureux"?

L’idée de génie de Walt et qui propulsa les Disney au firmament de la gloire fut d’expérimenter un nouveau personnage au visage de héros pouvant insuffler au public désenchanté un souffle nouveau. C’est ainsi que naît la petite souris parlante, Mickey Mouse, dans un premier film d’animation, Steamboat Willie, où la voix de Walt Disney est prêtée à Mickey et où la musique vient dynamiser l’action. Ce nouvel héros astucieux et amusant incarnant toutes les valeurs américaines de débrouillardise, d’intelligence et d’humour fait sensation. À cette image de battant qu’offrait Mickey s’est identifiée toute l’Amérique des années 30, puisant dans la petite souris courage et espoir. Tant et si bien que les frères Disney élargissent la famille de Mickey en le dotant d’une compagne, Minnie, et d’un ami, Donald Duck, en 1934. Ce dernier personnage grincheux et colérique plein de travers et de maladresses, créé pour servir de contrepoids au gentil Mickey, plus sympathique que ce dernier parce que plus humain, finit par devenir le symbole de l’Amérique toute entière. Il apparaît même sur un avis de mobilisation dans un film de 1941 durant la Seconde Guerre mondiale.

saga disneyL’ivresse du succès ne connut plus de bornes puisque Walt Disney finit par concevoir un projet inédit et ambitieux et à très gros budget, celui d’un film long métrage de 1h30mn en dessins animés. L’intelligence des Disney fut encore une fois de pressentir les frustrations d’une époque et de répondre à ses besoins, de plonger dans l’inconscient collectif, de puiser dans l’imaginaire des contes de fée pour le revisiter à leur manière… Créer un univers magique, fantastique, faire rêver avec un happy ending à la manière Hollywoodienne.

C’est ce que fit Walt Disney avec la projection d’une série de longs métrages dont le scénario s’inspire des contes de fée pour enfants comme Blanche neige et les sept nains, Cendrillon, Pinocchio, Dumbo et tant d’autres contes encore et encore…! Il contribua ainsi à apporter un baume à tous les traumatismes d’une époque, en créant le rêve et l’illusion de bonheur à des générations lourdement éprouvées par la guerre et tous ses traumatismes.

Là où le monde traînait lourdement sa pesanteur, il emprunta aux étoiles le scintillement et la légèreté pour créer un univers au goût de paradis.