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Les rues de Beyrouth ressemblent de plus en plus à un gigantesque bazar à ciel ouvert… de la contrefaçon de sacs de luxe ! Kelly, Birkin, Lady Dior, Chanel 2.55, sac matelassé, ceinture Hermès: ils sont absolument partout, exposés fièrement au bras des Libanaises ou sur le siège passager de leurs SUV rutilants.

"Regardez comme il est beau mon nouveau Kelly, je l’adore! Je l’ai payé 500 dollars à une copine qui me l’a apporté de Turquie", s’extasie Carla, la petite trentaine botoxée, en sirotant un cocktail au bar d’un pub où il fait bon être vue. Son amie Nadine renchérit: "Le mien est carrément mieux, je l’ai choisi dans un catalogue que m’a envoyé un vendeur sur Instagram. La qualité est dingue, on dirait du vrai!"

C’est à se demander si elles parlent bien du même sac… ce Birkin ou ce Kelly que les Françaises doivent patienter des mois avant de pouvoir acquérir chez Hermès, au prix de 10.000 à 25.000 euros minimum. Un sommet d’artisanat made in France qui ne nécessite pas moins de 18 à 40 heures de travail expert pour voir le jour. Alors, 500 dollars la copie turque sortie d’une usine aux conditions de travail douteuses, avouons que ça sonne un peu faux, non?

Mais qu’importe, nos petites princesses du Cèdre assument à 200% leur amour immodéré et ostentatoire pour ces contrefaçons. Elles en sont même fières et n’hésitent pas à inonder les réseaux sociaux de photos d’elles, en crop top moulant et jean troué, arborant leurs copies. "Regardez comme mon faux Birkin est trop beau!" Sacré Instagram, devenu pour elles le temple du luxe… pas cher et immédiatement disponible.

Car dans ce petit monde virtuel où le faux semble avoir pris le pas sur l’authentique, on trouve de tout. Des répliques quasi parfaites côtoient des horreurs innommables qui feraient frémir n’importe quel amateur de belle maroquinerie. Mais qu’importe, du moment que le sigle LV, CC ou H est bien visible et les chaînes dorées clinquantes. L’essentiel étant de briller en société et de faire croire à son entourage qu’on peut se payer ce luxe ultime qu’est LE sac tant convoité.

Instagram, TikTok et consorts regorgent de vidéos alléchantes vantant les mérites de tel vendeur ou de telle plateforme en ligne proposant la Rolls des faux sacs de créateurs. Des influenceuses aux dents blanches ultra bright recommandent même à leur communauté "les meilleures copies, vraiment incroyables, personne ne verra la différence, les girls". Ben voyons…

Les échanges vont bon train pour trouver LA perle rare à moindre coût. "Je vends neuf ce magnifique sac Chanel jamais porté matelassé avec authentique dustbag, tel: xyz". En 2 clics, la transaction est conclue.

Delivery en main propre, règlement en liquide, le tour est joué. Et le fameux sac rejoint la collection de ses consœurs contrefaites déjà bien fournie dans le dressing de leur nouvelle propriétaire, ravie d’avoir fait une affaire. Car entre nous, payer 500 dollars ce sac vendu sur le "Bon Coin" libanais au lieu des 6.000-25.000 dollars en boutique à Paris, ça fait rêver, non? Même avec la chaîne, les coutures grossières et le cuir plastique qu’on sent à 10 mètres…

Cette quête effrénée de paraître qui confine parfois au grotesque n’est d’ailleurs pas nouvelle au pays du Cèdre, où le culte de l’apparence et les dérives bling-bling ont toujours occupé une place de choix. Mais avec l’aggravation de la situation générale, ce besoin compulsif de briller coûte que coûte en arborant les marques les plus prestigieuses au monde semble s’être encore accentué. Même si le prix à payer est de porter une pâle copie made in China… l’important étant de sauver la face. D’ailleurs, voir tant de ces copies plus approximatives et clinquantes les unes que les autres défiler quotidiennement dans les rues de la capitale ne manque pas de susciter l’hilarité.

Alors, de deux choses l’une: soit ces artisans du monde du luxe sont de véritables génies qui ont réussi à inonder le marché libanais de centaines de milliers de pièces hyper rares en un temps record, ce qui est bien sûr utopique; soit nos belles de Beyrouth se payent allègrement notre tête avec leurs Kelly et Birkin soi-disant chinés à prix d’or… ce qui est la stricte et pitoyable réalité.

Pour finir, force est de constater que l’absurdité de la situation est aussi ridicule que nos précieuses!

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