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Casablanca, pôle économique du Maroc, offre un festin visuel mêlant azulejos mauresques, minarets anciens et façades art déco d’inspiration coloniale française. Cependant, nombre de ces joyaux architecturaux sont menacés par l’abandon et la déliquescence.

Dans le tumulte incessant de Casablanca, une pause s’impose pour redécouvrir le cœur battant de la capitale économique marocaine.

Pour mettre en lumière le riche patrimoine de la capitale économique marocaine et encourager sa préservation, l’association Casamémoire a organisé des visites guidées pendant les soirées du Ramadan. Ces Nuits du patrimoine ont attiré des milliers de participants, désireux d’explorer et d’apprécier les monuments de la ville. Mehdi Ksikes, un chef d’entreprise de 51 ans qui a participé à l’une de ces visites, a fait remarquer: "Normalement, le rythme de vie à Casablanca est si effréné que nous ne prenons pas le temps d’apprécier les monuments." À la fois natif et résident de Casablanca, il confie: "Je suis né à Casablanca, j’y vis, mais cela ne m’empêche pas de découvrir des choses." Il souligne ainsi la richesse souvent méconnue de la métropole, qui, malgré sa frénésie, abrite des "trésors à préserver".

Yacine Benzriouil, membre actif de Casamémoire, résume l’enjeu de ces initiatives: "Notre combat aujourd’hui est la valorisation de ce patrimoine." Face à la menace de l’érosion et de la convoitise immobilière, l’association cherche à réveiller les consciences sur la nécessité de sauvegarder ces bâtiments avant qu’ils ne sombrent dans l’oubli.

L’héritage architectural de Casablanca, loin de se cantonner aux remparts de sa médina, témoigne d’un élan expérimental et éclectique, fruit de l’économie coloniale florissante sous le protectorat français (1912-1956). Karim Rouissi, président de Casamémoire et architecte, décrit Casablanca comme "une ville d’avant-garde dans l’exploration des théories architecturales et urbaines du XXe siècle".

De l’architecture néo-mauresque à l’art déco, la ville incarne une synthèse d’influences, alliant tradition marocaine et innovations européennes. Le quartier administratif, notamment, concentre des chefs-d’œuvre du style néomarocain, à l’image du tribunal de première instance ou de la wilaya, dont l’architecture s’inspire librement d’un palais de Sienne. Ces édifices se distinguent par leur harmonieuse fusion de motifs et techniques architecturaux marocains et européens. La ville de Casablanca, se dressant comme un pont entre Marrakech, Séville et elle-même, intègre dans son tissu urbain des éléments rappelant les minarets emblématiques de la Koutoubia et de la Giralda, enrichis de détails Art déco.

Toutefois, si certains édifices comme le cinéma Rialto ou la Poste bénéficient d’une préservation exemplaire, d’autres font face à un risque accru de dégradation. Dans cette optique, Hassan Zohal du ministère marocain de la Culture annonce l’inscription prochaine de 100 bâtiments casablancais à la liste du patrimoine national, venant s’ajouter aux 483 déjà classés. Cette mesure contraint les propriétaires à respecter l’intégrité architecturale originale des façades lors de rénovations.

Malgré la reconnaissance officielle de la valeur architecturale et patrimoniale de ces édifices, certains restent inaccessibles. Yacine Benzriouil, arborant un t-shirt jaune proclamant "Volontaire pour mon patrimoine", pointe du doigt cette réalité contrastée: "La bataille de la conservation est à moitié gagnée." Il appelle à une mobilisation des investisseurs pour insuffler une nouvelle vie à ces bâtiments, comme le démontre le projet de réhabilitation de l’hôtel Lincoln, emblème de la ville longtemps délaissé et désormais en cours de restauration.

Casablanca se présente ainsi comme un écrin d’architecture "avant-gardiste" à la croisée des chemins entre tradition et modernité, un patrimoine à préserver pour les générations futures.

Avec AFP

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