Vient de s’achever, ce 20 février, au Musée des Arts Décoratifs à Paris, une des expositions les plus "brillantes" qui soient, de par sa thématique pointue, sa scénographie époustouflante et le choix de la haute joaillerie exposée.

Coproduite  par le MAD et le Dallas Museum Of Art, avec la collaboration du Musée du Louvre – riche des archives, objets et morceaux architecturaux de son département Arts islamiques – et le soutien de la Maison Cartier elle-même, bien sûr, cette exposition met en scène les influences de l’art islamique et de ses motifs orientaux sur la production de bijoux et objets précieux de cette maison prestigieuse (le joaillier des rois et le roi des joailliers!) du début du XXe siècle à nos jours. Elle souligne par ailleurs le rôle de Louis et Jacques Cartier, petits-fils du fondateur, qui ont saisi l’ébullition intellectuelle d’une époque riche en voyages et découvertes pour propulser leur savoir-faire créatif et technique dans une esthétique nouvelle et une modernité ayant marqué les plus grands évènements historiques et royaux.

Trois élans majeurs se distinguent:

– L’influence indienne, avec ses pierres gravées de l’ère moghole, les pièces anciennes serties dans des structures modernes, les mélanges des couleurs, et dont le modèle Tutti frutti est encore aujourd’hui un des symboles les plus éclatants.

– Un nouveau langage stylistique, dominé par des formes géométriques et stylisées héritées de cet art islamique, qui est désormais le gène dominant de la Maison Cartier.

– Enfin, découlant de cette géométrie pionnière, un nouveau répertoire de formes nouvelles qui finira par constituer ce qu’on appellera ultérieurement l’Art Déco.

Élisabeth Diller, architecte et scénographe de l’exposition, tout en étant fidèle au processus didactique et temporel, a sublimé cette approche en y insufflant une épure et une modernité intemporelles, et ce dans l’écrin du MAD.

Les premiers croquis des pièces, traduits en artefacts, ont quelque chose dans leur niveau d’abstraction qui pousse l’imaginaire à dépasser ses limites: Tout cela semblait incroyablement moderne à la scénographe et a conduit à la conception de l’exposition.

Ces artefacts à l’origine de certaines œuvres sont tout petits, alors que la nef centrale du musée est inversement immense. Et ce fait relevé a conduit à l’orientation d’une conception spatiale. La nef est devenue un espace de transition, épuré, comme une page blanche permettant un changement d’échelle radical entre la pièce de joaillerie exposée et sa projection tridimensionnelle et hors échelle justement.

Le parti pris de l’exposition est d’associer à chaque fois la création à sa source d’inspiration: analyser et décomposer graphiquement la référence originelle islamique dans un espace appelé "la salle de l’infini", afin de montrer la pureté de sa géométrie. La superposition des motifs jusqu’à leur dissolution même déploie la géométrie dans toutes les directions. Elle devient en même temps très proche de la source originelle et totalement spatialisée.

C’est un dialogue constant entre les œuvres d’art de l’Islam et les créations de Cartier.

Rares sont les expositions qui analysent un processus créatif d’une manière aussi totale, approfondie et aboutie.

L’art de l’Islam, de par son abstraction et sa géométrie, a eu une influence plus structurante que toute autre chez Cartier.

La puissance de la composition et la vision architecturale dans cet art font qu’un motif peut être un élément extrêmement petit et précieux, tout comme il pourrait être, dans l’absolu, un élément d’architecture monumental.

Et dans cet espace-temps où le voyage aura duré le temps d’une exposition, tout a été luxe, calme et volupté…

https://youtu.be/-nZ2XxqhARM