La Turquie a renouvelé ses menaces d’une nouvelle offensive militaire contre les Kurdes de Syrie, mais que peut-elle faire après avoir échoué à obtenir le feu vert de la Russie et de l’Iran, à l’issue d’un sommet des trois pays cette semaine à Téhéran.
Erdogan a-t-il besoin d’un feu vert? Moscou, Téhéran et Ankara ont fait part de leur détermination à " poursuivre leur coopération existante pour éliminer à terme les individus et les groupes terroristes " dans le nord de la Syrie. Alors qu’Ankara considère les combattants kurdes comme " terroristes ", l’Iran et la Russie ont concentré leur intervention en soutien au régime contre des groupes qu’ils jugent " terroristes ", tels que les factions de l’opposition et les groupes jihadistes, comme l’Etat islamique (EI). " Le sommet n’a pas donné de feu vert à Erdogan " pour poursuivre son offensive, a déclaré à l’AFP Darine Khalifa, chercheuse à l’International Crisis Group, tout en rappelant que la Turquie avait " lancé à plusieurs reprises des opérations militaires en Syrie sans feu vert ", malgré l’objection de Moscou et Washington. Le chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu, a affirmé jeudi que son pays ne demandait " jamais l’autorisation " à quiconque avant de lancer une opération militaire en Syrie. " Nous pouvons échanger des idées, mais nous n’avons jamais demandé et nous ne demanderons jamais une autorisation pour nos opérations militaires contre le terrorisme ", a-t-il martelé en prévenant que cela pouvait " arriver soudain, une nuit ". Selon la presse turque, l’opération ne devrait pas être lancée avant fin août ou début septembre. L’analyste Mona Yacoubian a laissé entendre mardi dans un rapport de l’Institut américain pour la paix que M. Erdogan pouvait " s’appuyer sur un feu vert russe, aussi faible soit-il ", d’autant qu’il estime qu’une opération militaire en Syrie serait bien accueillie par l’opinion turque. Entre 2016 et 2019, la Turquie a lancé trois offensives à ses frontières contre les Unités de protection du peuple kurde, l’épine dorsale des Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les Etats-Unis. Ankara considère ces unités comme une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une insurrection sur son sol depuis des décennies. Tal Rifaat et Manbij font partie d’une " zone de sécurité " de 30 kilomètres de large que la Turquie veut établir le long de la frontière turco-syrienne. Des centaines de milliers de civils résident à Tal Rifaat, ville à majorité arabe, mais avec une forte minorité kurde qui ont fui la région d’Afrin lors de l’offensive turque qui l’a ciblée en 2018. Quelles options pour la Turquie? Mme Yacoubian estime que M. Erdogan peut choisir " une incursion de portée et de durée très limitées " ou " des frappes de drones limitées ", ce qu’Ankara fait de temps en temps en Syrie. " Erdogan a le feu vert " de la Russie et de l’Iran pour lancer des frappes aériennes contre des cibles kurdes, comme en Irak, où la Turquie cible des bases du PKK dans des zones montagneuses, a déclaré à l’AFP Nick Heras, chercheur au New Lines Institute. Neuf civils parmi lesquels des enfants ont été tués et 23 blessés mercredi dans le nord de l’Irak par des tirs d’artillerie imputés à la Turquie. La présence des forces américaines dans l’est et le nord-est de la Syrie est également un obstacle aux ambitions expansionnistes turques. " Si les Etats-Unis restent en Syrie, la Turquie, l’Iran et la Russie ne peuvent pas faire grand-chose pour changer le fait que de vastes zones resteront sous le contrôle des FDS ", a déclaré Nick Heras. Le soutien de Washington aux combattants kurdes est considéré comme une garantie pour eux. Quelles conséquences?
Pour Mme Khalifa, toute opération militaire dans une zone densément peuplée aura " de graves conséquences humanitaires ". A la suite d’un accord russo-kurde, l’armée syrienne intensifie le déploiement de ses soldats depuis quelques jours dans la zone que M. Erdogan menace d’attaquer. " Les FDS n’ont d’autre choix que de parvenir à un accord avec l’Etat syrien ", a dit à l’AFP le directeur du Centre d’études stratégiques de Damas, Bassam Abou Abdallah. Jusqu’ici, les forces kurdes et le régime syrien ont eu du mal à trouver un compromis, car les Kurdes sont réticents à renoncer à leurs gains territoriaux, tandis que Damas rejette leur autonomie. Et Mme Khalifa, elle, doute que les deux parties puissent s’entendre.

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