Beyrouth en décembre grouillait de monde il y a encore deux ans avec des rues embouteillées et illuminées par les décorations de Noël, des publicités pour du champagne et des bijoux. Mais avec la crise, les choses ont beaucoup changé. Cette année, les affiches jalonnant les routes du Liban proposent des cadeaux bien différents de ceux qu’on trouve habituellement sous le sapin: coffres-forts en acier, compteuses de billets, caméras de surveillance. Le offres placardées sur les ponts de la route principale menant à Beyrouth reflètent la gravité de la crise économique et financière dans laquelle le pays est plongé depuis deux ans, avec l’effondrement de la livre libanaise et l’impossibilité pour de nombreux particuliers de retirer leurs économies bloquées à la banque. " Depuis le début de la crise économique en 2019, les ventes de coffres-forts et de chambres fortes ont augmenté de 35 à 50% ", a déclaré à l’AFP un représentant commercial de Smartsecurity LB, l’un des principaux détaillants au Liban. La demande d’alarmes et de caméras de surveillance est également en forte hausse, dit-il. Le manque de confiance dans les banques, vues comme les principales responsables de la pire crise financière de l’histoire du pays, a provoqué un effondrement des dépôts des épargnants, les ménages libanais préférant garder leurs économies à la maison — un montant estimé au total à 10 milliards de dollars. Les banques qui étaient parmi les plus gros annonceurs du pays ont quasi disparu des panneaux publicitaires désormais accaparés par des sociétés de transfert d’argent acheminant les précieux dollars de la diaspora. " Nous sommes à moins 90% par rapport au niveau d’avant la crise de 2019 ", a déclaré Antonio Vincenti, PDG de Pikasso, leader de l’affichage au Liban.

" La joie n’est plus là "
A l’image des coupures de courant qui touchent quotidiennement le pays, " les panneaux numériques restent éteints, principalement à cause des problèmes d’approvisionnement en électricité ", a précisé M. Vincenti. Le gouvernement est à peine en mesure de fournir deux heures d’électricité par jour et, après la levée des subventions sur les carburants, le coût de l’alimentation des écrans avec des générateurs est bien trop élevé. A Hamra, artère principale du centre de Beyrouth, il ne reste plus grand-chose de l’ambiance de Noël. Les budgets des municipalités ne permettent même pas de maintenir les feux de circulation allumés. Les kilomètres de guirlandes qui ornaient la rue en décembre ne sont qu’un lointain souvenir. Même les concerts et parades de Noël qui animaient habituellement la capitale se font très rares. Et les haut-parleurs qui depuis des années crachaient des chansons de Noël repassant en boucle se sont tus. Sur les vitrines des magasins, les pancartes " Fermé " ont remplacé les affiches de soldes, et sur les trottoirs de Hamra, les vendeurs en costume de Père Noël ont disparu, tandis que le nombre de mendiants ne cesse de croître. Les magasins les plus fréquentés sont les bureaux de change. Ils fournissent désormais gratuitement des sacs en plastique noirs pour y mettre les liasses toujours plus épaisses de livres libanaises — devise en dévaluation constante. Quatre Libanais sur cinq sont désormais considérés comme pauvres, selon l’ONU. Dans un supermarché d’un quartier huppé de la capitale, une demi-bouteille du champagne le moins cher coûte 900.000 livres libanaises (environ 36 dollars au marché noir), soit bien plus que le salaire minimum, qui aujourd’hui ne dépasse pas l’équivalent de 25 dollars au marché noir. Les années précédentes au moment de Noël, les rayons étaient remplis de gigantesques pyramides de brioches et de paniers garnis débordant de foie gras et de Cognac. " Cette année, il y a une offre sur les détergents! ", ironise Christine Kreidy en poussant son chariot vide devant les présentoirs. " J’imagine que c’est l’occasion de se concentrer sur la vraie signification de Noël, mais je dois admettre que j’aimais bien le shopping de Noël, " reconnaît cette femme de 49 ans. " C’est ça le problème au Liban maintenant, dit-elle: Noël ou pas, la joie n’est plus là ".

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