L’ex-chef des Fractions armées révolutionnaires libanaises, Georges Ibrahim Abdallah, qui, à 70 ans, a passé plus de la moitié de sa vie en prison, reste l’incarnation de la vague d’attentats qui a frappé la France dans les années 80. " Je suis un combattant, pas un criminel ", a toujours martelé devant ses juges cet homme glacial au regard clair et à la barbe drue. " L’itinéraire que j’ai suivi a été commandé par les atteintes aux droits de l’Homme perpétrées contre la Palestine ", se défendait-il. Né le 2 avril 1951 à Koubayat (nord du Liban), ce chrétien de rite grec-orthodoxe milite dès l’âge de 15 ans, d’abord au Parti socialiste national syrien puis au Parti populaire syrien, deux formations favorables à une " Grande Syrie ", incluant Liban et Palestine.
– Communiste et anti-impérialiste –
Blessé pendant l’invasion du Liban par Israël en 1978, il adhère au Front populaire de libération de la Palestine, mouvement communiste et anti-impérialiste de Georges Habache. En 1980, cet instituteur taciturne fonde, avec ses frères et des cousins, les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL). Il a déjà des contacts avec des mouvements extrémistes: Action directe (France), les Brigades rouges (Italie), le Vénézuélien Carlos et la Fraction Armée rouge (Allemagne). Groupuscule marxiste pro-syrien et anti-israélien, les FARL revendiquent cinq attentats, dont quatre mortels en 1981-1982 en France. Les conditions de l’arrestation de Georges Ibrahim Abdallah sont inédites en matière de terrorisme. Le 24 octobre 1984, il entre dans un commissariat lyonnais, demandant à être protégé des tueurs du Mossad qu’il dit sur ses traces. Il est alors détenteur d’un passeport algérien, comme il a déjà eu des passeports maltais, marocain et yéménite, utiles pour ses nombreux voyages (Yougoslavie, Italie, Espagne, Suisse, Chypre…). Mais la DST comprend vite que cet homme, au français parfait, n’est pas un touriste mais Abdel Kader Saadi, " nom de guerre " de Georges Ibrahim Abdallah. Les appartements où il a résidé sont fouillés. Dans l’un d’eux à Paris, on découvre un véritable arsenal, avec des pistolets mitrailleurs et deux postes émetteurs-récepteurs. A l’issue de son procès, à Lyon en 1986, il est jugé coupable de complicité dans les assassinats, en 1982, de deux diplomates, l’Américain Charles Ray et l’Israélien Yacov Barsimentov. Dans ses mémoires, Me Georges Kiejman, alors avocat des parties civiles, se souvient d’un accusé qui " s’est conduit comme le terroriste militant qu’il disait ne pas être ". " Il m’injuriait, insultait tout le monde, nous traitait de +porcs+ et de +sales impérialistes+, il a dû être expulsé de la salle d’audience ". Georges Ibrahim Abdallah, qui a toujours nié, est condamné le 28 février 1987 à la perpétuité par la cour d’assises spéciale de Paris. Ses soutiens créent un comité, demandent sa " libération immédiate " et revendiquent plusieurs attentats faisant 13 morts et 250 blessés en France. Devenu un des plus anciens détenus de France, emprisonné actuellement à Lannemezan (Hautes-Pyrénées), il n’a jamais émis le moindre regret. " Il va bien intellectuellement. C’est un militant, il reste sur ses positions, il lit beaucoup et se tient très au courant de ce qui se passe au Moyen Orient. Et on lui écrit du monde entier ", déclare à l’AFP son avocat Me Jean-Louis Chalanset.
– " Forme de respect " –
Depuis 1999, année où il est devenu libérable selon le droit français, il a demandé sa libération conditionnelle à neuf reprises, sans succès. Au fil des ans, son sort a ému et mobilisé de nombreux militants proches du PCF et de l’extrême gauche, qui accusent les gouvernements français successifs d’acharnement et le considèrent comme " un prisonnier politique ". Des municipalités communistes l’ont même fait citoyen d’honneur et, régulièrement, des manifestations ont lieu devant sa prison. " A titre personnel, j’estime que Georges Ibrahim Abddallah pourrait être libéré ", estimait en 2021 Me Kiejman dans ses mémoires. " J’ai une forme de respect pour lui que je n’avais pas à l’époque. Le braillard de la cour d’assises est devenu un intellectuel réfléchi ". Mais, selon l’avocat, " enfermé dans une certitude respectable mais dogmatique, il ne fait rien pour faciliter sa libération ". A cet égard, a-t-il écrit, " je comprends " que les familles des victimes " n’aient pas la même tentation de pardon ".

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