Les recherches se poursuivent lundi en Méditerranée orientale où une trentaine de personnes sont toujours portées disparues après le naufrage samedi soir d’une embarcation de migrants pourchassée par la marine libanaise au large de Tripoli, au Liban-Nord. Au moins six personnes ont péri noyés, selon les autorités qui avaient fait état d’une septième victime lundi matin. Plus tard, elles ont reconnu que c’était une erreur et revu à la baisse le nombre des victimes.

L’incident, l’un des pires au Liban depuis des années, a provoqué une vive colère à trois semaines des élections législatives. Les départs de bateaux transportant illégalement des migrants, syriens, libanais ou autres se sont multipliés depuis le Liban, où sévit depuis près de trois ans une crise économique sans précédent. Mais les naufrages meurtriers sont rares.

Lundi à la mi-journée, une vive tension régnait dans le quartier de Bab el-Tebbané à Tripoli, à l’occasion des funérailles de deux des victimes, dont une fillette. Des dizaines d’hommes armés ont tiré dans l’air au passage du cortège funèbre. "Notre État ne vaut rien", lance Ali Taleb, 23 ans, pleurant la mort de sa sœur et de sa nièce.

Vague de départ

Abou Mohammed, 43 ans, attend toujours des nouvelles de ses proches, toujours portés disparus lors du naufrage. Il ne cache pas sa volonté de quitter lui-même le pays, malgré les dangers. "Nous voulons tous partir, confie-t-il. Nous ne voulons pas que nos enfants vivent humiliés".

Les circonstances du naufrage restent encore floues. Des survivants accusent les forces navales d’avoir intentionnellement percuté leur bateau avec leurs navires, alors que le commandant de ces forces, Haitham Dennaoui, a affirmé dimanche lors d’une conférence de presse que le pilote de l’embarcation avait lui-même heurté les patrouilles pour tenter de leur échapper, appuyant ses propos par des photos.

Le Liban était naguère un point de transit pour les demandeurs d’asile de la région qui espéraient atteindre par la mer les côtes de l’île de Chypre, membre de l’Union européenne, à 175 kilomètres. Cependant, une crise économique sans précédent qui a provoqué une hyperinflation et plongé des millions de personnes dans la pauvreté pousse un nombre croissant de Libanais à tenter la périlleuse traversée. Selon l’ONU, au moins 38 bateaux transportant plus de 1.500 personnes ont quitté ou tenté de quitter illégalement le Liban par la mer depuis 2020. Depuis janvier, au moins trois embarcations transportant 64 migrants clandestins ont quitté le Liban, et deux ont été interceptées avant leur départ, selon la même source. "La crise économique au Liban a entraîné l’une des vagues de migrations les plus massives dans l’histoire du pays", a déclaré dimanche soir Mathieu Luciano, directeur du bureau de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Liban, dans un communiqué.

Colère grandissante

Au port de Tripoli, les frères Abdelkarim et Mahmoud Dandachi attendent anxieusement des nouvelles de huit de leurs proches qui étaient à bord du bateau naufragé. "Ils voulaient trouver refuge dans un pays européen où on a pitié des gens, alors qu’ici, on les tue", a déploré Abdelkarim. "Si vous ne mourez pas de faim (dans ce pays), vous mourez en mer", a-t-il ajouté. Ammar Dawalibi, un Syrien, attend depuis samedi à l’entrée du port pour connaître le sort de sa sœur et ses trois enfants. "J’ai perdu espoir, je suis certain qu’ils sont morts noyés… mais je veux récupérer les corps", affirme-t-il.

Quarante-huit personnes ont été secourues, selon le commandement de l’armée. La plupart des personnes qui se trouvaient à bord de l’embarcation sont libanaises, mais se trouvaient également des réfugiés syriens et palestiniens, selon une source. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré qu’au moins 84 personnes se trouvaient à bord de l’embarcation et qu’environ 30 individus seraient encore portés disparus.

Tripoli, l’une des villes les plus pauvres du Liban avec une histoire émaillée de violences sectaires, a été durement touchée par la crise économique. Les habitants de Tripoli accusent la classe politique d’avoir abandonné la ville à son sort. Avec une fortune estimée à 2,7 milliards de dollars, selon le magazine Forbes, le Premier ministre libanais Najib Mikati, originaire de Tripoli, est perçu par de nombreux Libanais comme l’un des symboles d’un pouvoir accusé de corruption et de népotisme, et soupçonné d’enrichissement illicite.

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