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La récente décision du Conseil d’État – qui a accepté le recours en invalidation présenté par l’Association des banques libanaises contre un article du plan de redressement du gouvernement prévoyant la suppression des obligations en devises de la BDL envers les banques – a porté un coup dur au plan du Premier ministre sortant, Najib Mikati.

De sources proches de l’ABL, on indique que celle-ci a joint la motivation développée par le Conseil d’État dans sa décision, au nouveau recours que onze banques soumettront à cette autorité administrative, dans les prochains jours, après l’expiration du délai du recours contentieux déposé par les banques auprès du ministère des Finances en sa qualité de créancier de la BDL. Les banques sont directement affectées par le fait que l’État n’ait pas remboursé à la Banque du Liban sa dette qui dépasse les 16 milliards de dollars, que la BDL ne le lui ait pas demandé et que l’État n’ait pas non plus, conformément à l’article 113 du Code de la monnaie et du crédit, couvert les pertes apparues comme des déficits dans les budgets de la BDL entre 2015 et 2020, après leur rectification, conformément au rapport d’Alvarez & Marsal. Les pertes en question étaient supérieures à 51 milliards de dollars en 2020.

En tout état de cause, l’avocat de l’ABL, Akram Azouri, tiendra une conférence de presse, mardi, qui portera sur la décision du Conseil d’État.

Selon certaines informations, les onze banques envisagent de retarder de quelques jours la date de soumission de leur nouveau recours à cette autorité administrative, même si les avocats des banques concernées ont fini d’élaborer le texte du recours. Pour des raisons administratives, celui-ci serait présenté au Conseil d’État à la fin de la semaine, ou au début de la semaine prochaine.

Parallèlement, l’attention se porte sur la décision que doit prendre le ministre sortant des Finances, Youssef el-Khalil, en coordination avec le Premier ministre sortant, Najib Mikati, pour fixer le taux du dollar bancaire (lollar) à 25.000 livres, au lieu de 15.000 livres. Cette mesure est extrêmement importante car le budget 2024 a été publié dans le Journal officiel sans que le texte précise le taux officiel qui sera adopté. Le premier vice-gouverneur de la BDL, Wassim Mansouri, qui assure l’intérim à la tête de cette institution, insiste sur le fait qu’il appartient au gouvernement ou au ministère des Finances de modifier le taux de change. En attendant, le taux officiel reste celui que la BDL affiche sur son site, à savoir 89.500 livres pour un dollar.

Le plus grave, c’est qu’en l’absence d’une loi réglementant les retraits, il sera impossible pour les banques et la BDL de satisfaire les demandes en livres libanaises si les déposants veulent effectuer des retraits de leurs dépôts en dollars, au taux de change de 89.500 livres, ce qui appelle à une action immédiate du ministère des Finances pour mettre fin au chaos qui en résultera.

Les banques ne peuvent pas appliquer le taux officiel aux retraits, car cela les conduirait à sortir du marché, en raison de l’absence des liquidités nécessaires en dollars et, d’autre part, parce que le sort des fonds des déposants n’a toujours pas été réglé, surtout que le Conseil d’État a empêché l’État de les supprimer, que celui-ci refuse d’admettre ses responsabilités dans les pertes accumulées et que les banques peuvent intenter une action en justice contre lui pour recouvrer leurs dettes.

Le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a pris contact avec Wassim Mansouri, pour lui demander son avis sur la question. Ce dernier a répondu qu’il était contre la multiplicité des prix du dollar. Il a rappelé que le taux applicable à la BDL était de 89.500 livres et expliqué la grande différence qu’il y aura entre le taux du dollar sur le marché noir et celui que le ministère des Finances adoptera, au cas où il fixerait un nouveau taux pour les lollars, ce qui signifie le maintien d’un "haircut" sur les dépôts en dollars. Un "haircut" qui dépasse 65% de la valeur réelle de ces dépôts.

Ce casse-tête qu’est l’invention libanaise appelée "dollar bancaire" reste au cœur d’un bras de fer entre le ministère des Finances et la BDL depuis la publication du budget 2024 dans le Journal officiel et l’insistance de la BDL sur le fait qu’une unification des taux de change signifie que le dollar bancaire sera de 89.500 livres.

Tout le monde attend donc que les discussions et les contacts intensifs engagés entre le ministère des Finances et la BDL – sous un parrainage politique de haut niveau pour tenter de rapprocher les points de vue – portent leurs fruits afin que le dollar bancaire ne reste pas indéfiniment au taux de 15.000 livres. Mais les efforts restent concentrés sur le mécanisme d’adoption de la décision qui sera prise et, surtout, sa forme. L’idée est que le ministère des Finances n’en porte pas seul la responsabilité et que la crédibilité de la BDL ne soit pas mise en cause devant le FMI. Aussi, a-t-on décidé d’inclure la phrase suivante au texte de la décision qui sera prise par le ministère des Finances: "Après consultation et en coordination avec la présidence du Conseil et la BDL." Cependant, Wassim Mansouri a rejeté cette proposition en raison de l’accord conclu avec le FMI autour de l’unification du taux de change. Par conséquent, il n’est pas possible d’approuver un taux de change autre que dans le cadre d’une unification des taux.

C’est à cause de cet engagement et des réserves de M. Mansouri que le ministre des Finances a insisté à ce qu’aucune décision ne soit adoptée sans la mention "après consultation, en coordination et après approbation de la Banque du Liban".