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La commission chargée d’élaborer des propositions de modification du Code de la monnaie et du crédit (CMC) a remis lundi son projet au Premier ministre sortant, Najib Mikati, à l’issue de onze mois d’un dur labeur. Le chemin est encore long avant que les amendements ne deviennent effectifs. En effet, le texte proposé devra d’abord être examiné par les commissions parlementaires, puis soumis au vote de la Chambre, qu’il s’agisse d’un projet de loi ou d’une proposition de loi.

Le projet ne prétend pas apporter des ajustements exhaustifs aux dispositions du CMC. Néanmoins, il comprend des réformes importantes. Bien sûr, celles-ci restent en deçà des attentes, car, comme chacun le sait déjà, certains amendements pourraient exacerber les sensibilités sectaires et politiques, surtout dans le contexte actuel de vide présidentiel.

À titre indicatif, toute réforme visant à diminuer les prérogatives du gouverneur de la Banque centrale serait perçue comme une atteinte au rôle de la communauté maronite au sein du système politique en vigueur, depuis l’accord de Taëf.

Pour donner un coup de projecteur sur les tenants et aboutissants des réformes recommandées, Ici Beyrouth a sollicité Ghassan Ayache, ancien vice-gouverneur de la Banque du Liban (BDL) et membre de la commission chargée de proposer des amendements du CMC.

Un taux de change flottant

M. Ayache souligne que la commission a réussi à réaliser une percée sur certains axes de la réforme du CMC en dépit des "réserves nuancées" de M. Mikati et du ministre sortant de la Justice, Henri Khoury. Ce dernier, qui a assisté à la première réunion de travail de la commission, a recommandé que des "modifications esthétiques soient simplement apportées".

L’ancien vice-gouverneur de la BDL résume certaines des propositions clés d’amendements du CMC comme suit:

– Abolir le taux officiel de la livre libanaise et instituer un système de change flottant. Dans ce régime, la valeur de la livre libanaise est déterminée par l’offre et la demande de devises sur le marché des changes, plutôt que par la Banque centrale ou d’autres autorités publiques.

– Renforcer les conditions d’octroi de prêts par la BDL à l’État en exigeant la promulgation d’une loi chaque fois que le gouvernement sollicite un emprunt auprès de la Banque centrale.

Consolider la gouvernance dans la gestion de la BDL, en soulignant que les politiques monétaires et bancaires sont décidées par le Conseil central de la Banque centrale, et en obligeant le gouverneur de la BDL à publier et à mettre en œuvre les décisions du Conseil.

– Créer deux nouveaux comités au sein du Conseil central: le comité de politique monétaire et le comité de gestion des risques.

– Mettre en place un organisme d’audit chargé de surveiller le respect par le gouverneur et les entités de la BDL des lois et des codes de bonne conduite et de s’assurer de l’intégrité des états financiers et des procédures d’audit.

– Renforcer et moderniser le commissariat aux comptes du gouvernement auprès de la BDL.

– Interdire à la BDL d’accepter des dépôts en devises étrangères de la part des banques, à l’exception de leurs réserves obligatoires.

Prudence

M. Ayache explique, par ailleurs, que la commission a décidé dès le début de sa mission de ne pas aborder le volet de l’organisation du secteur bancaire, car elle a considéré que le gouvernement planche sur un projet de restructuration du secteur bancaire. Il n’était donc pas logique de modifier les règles qui régissent l’activité bancaire avant d’avoir examiné le plan du gouvernement et comblé le trou du système financier.

En réponse à une question, l’ancien vice-gouverneur de la BDL a expliqué que les prérogatives étendues du gouverneur de la Banque centrale sont "dangereuses", car elles placent le sort de tout le système financier entre les mains d’une seule personne.

"Nous sommes convenus de reporter le traitement de cet aspect à un moment où les circonstances politiques le permettront, c’est-à-dire lorsque le pouvoir exécutif sera régulé par la présence d’un chef de l’État", explique M. Ayache.

Dans ce contexte, il rappelle que le gouverneur de la BDL, selon les dispositions du CMC, est responsable de la gestion de la Banque centrale. Il préside son Conseil central, qui décide des politiques monétaires et bancaires, son comité spécial d’investigation (CIS), son Conseil supérieur bancaire et l’Autorité des marchés financiers. Il supervise également la commission de contrôle des banques au Liban (CCBL), car celle-ci relève de la BDL.

Entretemps, il insiste sur le fait que la commission a renforcé la gouvernance de la BDL en créant de nouveaux organes de contrôle et d’audit totalement indépendants du gouverneur et de nouveaux comités, tel le comité de la politique monétaire, dans le but de diversifier les opinions et d’élargir la base de participation. 

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