Zelensky à Boutcha
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé lundi à Boutcha des " crimes de guerre " de l’armée russe qui seront " reconnus comme un génocide ", terme mentionné plus tôt par le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez et son homologue polonais Mateusz Morawiecki. "Chaque jour, lorsque nos combattants entrent et reprennent des territoires, vous voyez ce qu’il se passe ", a ajouté devant la presse M. Zelensky, vêtu d’un manteau kaki et d’un gilet pare-balle, entouré par des militaires dans les rues de Boutcha dévastée.Le Kremlin avait vivement réagi lundi matin en rejetant " catégoriquement toutes les accusations ", par la voix de son porte-parole, Dmitri Peskov.  L’armée russe était parvenue à Boutcha et dans la ville voisine d’Irpin, qui borde Kiev au nord-ouest, très rapidement après le début de l’invasion de l’Ukraine le 24 février.  Dans les semaines qui ont suivi, les deux villes ont été le théâtre de féroces combats qui les ont en partie dévastées et fait fuir la plupart des habitants.Lundi, le bureau de la procureure générale d’Ukraine a affirmé que les corps de cinq hommes avec les mains liées ont été retrouvés dans la cave d’un sanatorium pour enfants à Boutcha.  Des " civils " qui ont été " battus " avant d’être tués par des " soldats russes ", selon cette source.

 

Selon la procureure générale d’Ukraine, Iryna Venediktova, les dépouilles de 410 civils ont été retrouvées à Boutcha et dans d’autres territoires de la région de Kiev récemment repris aux troupes russes.

Les Ukrainiens ont annoncé les avoir reprises ces derniers jours, après que les Russes ont indiqué desserrer l’étau sur Kiev et le nord pour concentrer leurs efforts militaires sur l’est du pays.  Les habitants de Kiev ayant fui l’invasion russe ont été appelés lundi par le maire de la capitale ukrainienne Vitali Klitschko à ne pas y retourner avant " au moins une semaine ", des bombardements russes pouvant encore, selon lui, s’y produire.

Samedi, l’AFP avait vu à Boutcha les cadavres d’au moins 22 personnes portant des vêtements civils dans des rues. Le maire de la ville, Anatoli Fedorouk, avait assuré qu’elles ont été tuées d' "une balle dans la nuque ", suggérant des exécutions sommaires massives de la part des soldats russes.  M. Fedorouk a affirmé que " 280 personnes " avaient été enterrées " dans des fosses communes " car elles ne pouvaient être inhumées dans les cimetières communaux, tous à portée des tirs russes pendant les combats.

" On ne peut pas faire confiance à ces images vidéo ", a répondu M. Peskov. Selon le porte-parole du Kremlin, des experts russes ont découvert des signes de " falsifications ".

Indignations contre des " crimes de guerre "
Les Occidentaux affichent leur indignation après la découverte de Boutcha.  La Haute-commissaire aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, s’est dite " horrifiée " et a appelé " à préserver toutes les preuves ".  Le président américain Joe Biden a réclamé lundi un " procès pour crimes de guerre " et des " sanctions supplémentaires " contre la Russie. "Il faut qu’il rende des comptes ", a-t-il ajouté à propos de son homologue russe Vladimir Poutine, en répétant qu’il le considérait comme un " criminel de guerre ".  Les Etats-Unis et leurs alliés veulent annoncer " cette semaine " de nouvelles sanctions économiques contre la Russie, a annoncé lundi le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan.Il a indiqué que les discussions portaient notamment sur de possibles mesures " en lien avec l’énergie ", sujet très sensible pour les Européens, très dépendants du gaz russe.La ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly a dénoncé des " crimes de guerre " et prévenu que le Canada allait imposer également de nouvelles sanctions " sous peu ".

La contrainte allemande

L’Allemagne a précisé toutefois lundi qu’elle ne pouvait pas se passer des livraisons de gaz russe " à court terme ", par la voix de son ministre des Finances, Christian Lindner.

Les Etats-Unis ont interdit l’importation de pétrole et de gaz russes peu après l’invasion de l’Ukraine, mais pas l’UE qui s’approvisionnait en Russie à hauteur de 40% environ en 2021.  La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, avait appelé plus tôt les dirigeants des 27 à instaurer des " embargos contraignants " sur les importations énergétiques russes.

Les Occidentaux ont déjà acté plusieurs trains de sanctions depuis le 24 février, ciblant des entreprises, des banques, des hauts responsables, des oligarques et interdisant l’exportation de biens vers la Russie.

L’UE établit également une équipe " conjointe avec l’Ukraine pour (…) enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ", a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.  L’UE souhaite unir ses forces avec la Cour pénale internationale (CPI) qui enquête depuis le 3 mars sur des allégations de crimes de guerre en Ukraine.

Le représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l’Onu (ONU), l’Ambassadeur Vassily Nebenzia s’adresse aux médias au sujet des accusations d’un massacre dans la ville ukrainienne de Bucha au siège des Nations Unies à New York. La Russie a annoncé lundi qu’elle allait enquêter sur une " provocation " visant à " discréditer " les forces russes en Ukraine, après la découverte du charnier de Boutcha. (AFP)
Expulsions de diplomates russes
Première réaction avant les grandes sanctions, la France et l’Allemagne ont annoncé lundi l’expulsion massive de diplomates russes de leurs pays, alors que les Occidentaux veulent annoncer " cette semaine " de nouvelles sanctions économiques contre la Russie.   
L’Allemagne a annoncé l’expulsion d' "un nombre élevé " de diplomates russes  – 40 selon des informations de l’AFP – en poste à Berlin, en lien avec la guerre en Ukraine.   La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a souligné que ces employés de l’ambassade de Russie constituaient " une menace pour celles et ceux qui cherchent une protection chez nous ".  " Nous ne le tolèrerons plus ", a-t-elle ajouté dans une déclaration écrite.  Cette expulsion " inamicale " va " détériorer " les relations avec Moscou, a réagi la Russie.
La France va expulser, elle, 35 diplomates russes " dont les activités sont contraires à (ses) intérêts ", a-t-on appris lundi de source proche du ministère français des Affaires étrangères.  " Cette action s’inscrit dans une démarche européenne ", selon un communiqué du ministère français.La Lituanie a annoncé le jour même l’expulsion de l’ambassadeur de Russie dans ce pays balte " en réponse à l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine souveraine et aux atrocités commises par les forces armées russes ".

 

Vers une offensive à l’Est
Alors que l’armée russe se retire des alentours de Kiev et du nord de l’Ukraine, le but est une attaque " massive " dans l’est, selon les autorités locales ukrainiennes.  " Nous voyons que des équipements arrivent de différentes directions, qu’ils (les Russes) amènent des hommes, qu’ils apportent du carburant (…). Nous comprenons qu’ils se préparent à une attaque massive ", a déclaré lundi dans un message-vidéo le gouverneur la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï.La Russie " est en train de repositionner ses forces pour concentrer son offensive sur l’est et des parties du sud de l’Ukraine ", a assuré de son côté le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan.  " La Russie a essayé de dominer toute l’Ukraine et a échoué. Désormais elle va essayer de s’imposer dans certaines parties du pays ", a-t-il jugé, estimant que cette nouvelle phase de l’offensive militaire russe " pourrait durer des mois ou plus ".Selon des experts militaires occidentaux, la Russie cherche à contrôler un territoire continu allant de la Crimée aux deux républiques séparatistes prorusses du Donbass, Donetsk et Lougansk.Une seule ville l’empêche: Marioupol (sud-est), qu’elle pilonne sans relâche depuis plus d’un mois, laissant la population livrée à elle-même, dans des conditions terribles.  Cette cité portuaire, qui comptait près d’un demi-million d’habitants, est détruite " à 90% ", a annoncé lundi son maire Vadim Boïtchenko.  La guerre a fait des milliers de morts et contraint à l’exil plus de 4,2 millions d’Ukrainiens, à 90% des femmes et des enfants.

 

Effarée, la population évacue le Donbass
La situation est " tendue " dans toute la partie du Donbass sous contrôle de l’Ukraine, dans l’est, où l’armée est prête à affronter les forces russes, et la population civile doit évacuer sans délai, a déclaré lundi le gouverneur de cette région. "Nous tenons fermement tout le territoire, (…) mais partout la situation est tendue ", a reconnu le gouverneur de l’administration militaro-civile de la région de Donetsk, Pavlo Kyrylenko, s’exprimant au cours d’un point de presse dans la ville de Kramatorsk. "La situation la plus difficile concerne Izioum (une localité récemment conquise par les troupes russes à la limite de la région voisine de Kharkiv) où nous nous attendons à une aggravation de la situation ", a poursuivi M. Kyrylenko.  " L’ennemi bombarde partout (…) De nombreuses localités le long de la ligne de démarcation ont été détruites par les bombardements ", a-t-il précisé.Depuis que la Russie a retiré ses troupes de la région de Kiev (nord) et annoncé vouloir " concentrer ses efforts sur la libération du Donbass ", cet historique bassin minier de l’Ukraine vit dans l’angoisse d’une offensive russe majeure.

Capitale régionale de fait, depuis octobre 2014, du territoire encore sous contrôle de Kiev dans cette partie du pays, Kramatorsk est située au centre de ce chaudron et se retrouverait alors encerclée. "Si l’ennemi respectait les lois de la guerre, la rhétorique serait différente. Nous voulons désormais que le moins de civils possible reste ici, jusqu’à ce que la situation se stabilise ", a encore expliqué le gouverneur.À Kramatorsk, des centaines de personnes se sont de nouveau rassemblées lundi à la gare pour y prendre un train pour l’ouest de l’Ukraine. Depuis quelques jours, ces évacuations, dans l’ordre et encadrées par des volontaires, se font au rythme d’environ quatre trains par jour, soit près de 2.000 personnes. "Nous ne céderons pas un pouce de notre territoire sans combattre. Nos forces sont prêtes à affronter l’ennemi et à le tuer ". " Mais encore une fois, il est beaucoup plus aisé de combattre quand les civils ont évacué les villes ", a-t-il conclu, appelant la population encore sur place à être attentive aux messages et aux directives des autorités, aux sirènes d’alarme et à faire des provisions.

Avec AFP

 

 

 

 

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