Poutine " fier " de ses soldats, " de véritables héros "

Alors que son armée a mordu la poussière aux portes de Kiev, le président russe Vladimir Poutine, en exceptionnel élève de l’école soviétique, s’est dit mardi " fier " de l’action de ses soldats en Ukraine. Poutine a également promis de renforcer encore son armée, qui progresse avec beaucoup de peine au Donbass face à une armée ukrainienne nettement inférieure en nombre.

" Nous sommes fiers qu’au cours de l’opération militaire spéciale nos combattants agissent avec courage, professionnalisme, comme de véritables héros ", a-t-il dit, utilisant l’expression autorisée par les autorités pour décrire l’offensive russe contre l’Ukraine.

M. Poutine s’exprimait au Kremlin devant les jeunes diplômés des académies militaires russes et les plus hauts gradés de l’armée.

Vladimir Vladimirovitch a un penchant prononcé pour les images fortes le montrant dans toute sa puissance virile, maître de tout et source de fierté pour la Russie. Si l’on pèse le poids des dorures du Kremlin et les mises en scène dignes des péplums hollywoodiens face au niveau de vie de la population russe, comparé à celui de ses voisins, ces images de grandeur et de prestige paraissent prodigieusement pathétiques.

Faisant référence aux sanctions qui frappent la Russie, il a aussi jugé " qu’elles seront, c’est sûr, surmontées ". Et " face aux nouvelles menaces et risques, nous allons encore développer et renforcer nos forces armées ", a-t-il dit, promettant la mise en service cette année du dernier-né des missiles intercontinentaux, le Sarmat. " Il n’y a aucun doute que nous serons encore plus forts ", a martelé le dirigeant russe.

Si la Russie poutinienne, à l’instar de la Russie soviétique, accumule les missiles et les têtes nucléaires, c’est une haute technologie qu’elle a besoin pour moderniser son équipement terrestre, naval et aérien. Elle doit également réformer son armée en la restructurant. L’invasion de l’Ukraine a démasqué les lacunes dont souffre l’appareil militaire russe aux niveaux logistique, de l’entrainement et relatif au moral des troupes.

La Russie affirme avoir lancé son offensive en Ukraine le 24 février pour y empêcher un prétendu " génocide " des populations russophones. La justice russe punit en conséquence d’amendes et de peines de prison les propos dérogeant à cette ligne officielle, interdisant par exemple d’appeler ce conflit une guerre ou d’évoquer des crimes commis par les soldats russes.

Réunion ministérielle au siège de la Commission européenne à Bruxelles.
" Consensus total " des 27

A deux jours du sommet des dirigeants de l’Union européenne, appelés à se décider sur l’octroi à l’Ukraine du statut de pays candidat au club européen que Kiev réclame à cor et à cri, le ministre français des Affaires européennes  Clément Beaune, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l’UE, a déclaré qu’un " consensus total " avait émergé au sein des Vingt-Sept lors d’une réunion avec ses homologues à Luxembourg, pour accéder à cette requête.

" Sérieuses " représailles

Moscou a promis mardi de " sérieuses " représailles contre la Lituanie après la mise en application par Vilnius de sanctions européennes liées à l’invasion de l’Ukraine.

Qualifiant d' "actes hostiles " les restrictions imposées par les autorités lituaniennes sur le transit par voie ferrée de marchandises frappées par les sanctions européennes en direction de Kaliningrad, Nikolaï Patrouchev, secrétaire du Conseil de sécurité russe, a déclaré, lors d’une visite dans cette enclave russe sur la Baltique, que " des mesures appropriées " seraient " adoptées prochainement " et qu’elles auraient " de sérieuses conséquences négatives pour la population de la Lituanie ".

A l’Est rien de nouveau: c’est l’enfer

Dans l’Est de l’Ukraine, les Russes " contrôlent entièrement " le village de Tochkivka sur la ligne de front, à quelques kilomètres de Severodonetsk et Lyssytchansk où les combats font rage, a reconnu le chef du district de Severodonetsk, Roman Vlasenko.

" Toute la région de Lougansk est désormais l’épicentre de la confrontation entre armées ukrainienne et russe ", a ajouté M. Vlasenko, qui s’exprimait à la télévision ukrainienne.

Cette région est presque entièrement contrôlée par les forces de Moscou. Seule la poche de résistance ukrainienne autour de Lyssytchansk et Severodonetsk échappe encore au contrôle de l’armée russe.

Selon M. Vlasenko, " les combats font rage autour de la zone industrielle " de Severodonetsk où, d’après les autorités locales, 568 personnes dont 38 enfants – essentiellement des employés et leurs familles – sont désormais réfugiées à l’intérieur de l’usine Azot.

L’usine est emblématique de cette ville industrielle qui comptait environ 100.000 habitants avant la guerre. La prise de la ville par Moscou serait une étape importante vers la conquête de l’intégralité du Donbass, région essentiellement russophone en partie tenue par des séparatistes prorusses depuis 2014.

" Destructions catastrophiques "

Le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, a fait état de son côté de " destructions catastrophiques à Lyssytchansk ", ville jumelle séparée de Severodonetsk par la Donets, rivière infranchissable depuis que les ponts y ont été détruits.

Subissant des bombardements quotidiens, la région est depuis plusieurs semaines le théâtre de violents combats d’artillerie entre forces russes et ukrainiennes. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exhorté l’armée ukrainienne à " tenir ", jugeant que l’issue de la guerre dépendrait de sa résistance et de sa capacité à freiner l’armée russe et à lui infliger des pertes.

Dans la région de Kharkiv, le gouverneur Oleg Synegoubov a annoncé que 15 personnes, dont un enfant de huit ans, ont été tuées mardi et 16 blessées sous le feu de l’artillerie russe. " Ce sont les terribles conséquences des bombardements russes en plein jour dans la région de Kharkiv ", a déclaré le gouverneur sur sa chaîne Telegram.

Le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov a annoncé la réception de canons d’artillerie automoteurs allemands Panzerhaubitze 2000, des obusiers géants dont l’Ukraine a urgemment besoin au Donbass.

Plusieurs villes du Donbass encore sous le contrôle de Kiev se préparent à une nouvelle avancée des troupes russes, comme Sloviansk et Kramatorsk, à l’est de Severodonetsk.

" Le front s’est rapproché ces dernières semaines, jusqu’à 15-20 kilomètres ", a ainsi expliqué à l’AFP Vadym Lyakh, maire de Sloviansk, qui espère l’arrivée rapide des " nouvelles armes " dont l’armée ukrainienne à besoin.

" Jusque-là, tout va bien ici, mais c’est très dur psychologiquement quand on voit à la télévision ce qui se passe dans d’autres villes ", indique de son côté Svitlana, 48 ans, bouchère au marché de Kramatorsk.

Toujours sur le plan militaire, la Russie a affirmé avoir repoussé une " folle " tentative des forces de Kiev de reprendre l’île aux Serpents, territoire symbolique et stratégique conquis par Moscou en mer Noire au début de son offensive en Ukraine, déclenchée le 24 février.

L’Ukraine a indiqué mardi avoir visé la veille des plateformes de forage d’hydrocarbures en mer Noire, utilisées, selon elle comme " installations " militaires par les Russes pour renforcer leur contrôle dans la région.

Alors que les troupes russes accentuent leur progression dans le Donbass, dans l’Est de l’Ukraine, un responsable américain a annoncé à Washington que le ministre de la Justice des Etats-Unis, Merrick Garland, était en visite surprise à Kiev, où il doit discuter avec la procureure générale ukrainienne, Iryna Venediktova, des " efforts américains et internationaux pour aider l’Ukraine à identifier, appréhender et poursuivre les personnes impliquées dans des crimes de guerre et d’autres atrocités en Ukraine ".

" Attaque économique "

A Berlin, le ministre allemand de l’Economie et du Climat Robert Habeck a estimé que les baisses de livraison de gaz russe à l’Europe via le gazoduc Nord Stream, récemment décidées par Moscou, sont une " attaque " qui vise à " semer le chaos sur le marché européen de l’énergie ".

" Ce que nous avons vu la semaine dernière revêt une autre dimension. La réduction des livraisons de gaz par Nord Stream est une attaque contre nous ", a-t-il affirmé. Cette " attaque économique " a été selon lui " menée de façon délibérée " par Vladimir Poutine.

Le drapeau de la " république populaire de Donetsk ", uniquement reconnue par la Russie, flotte dans le port de Marioupol, au sud de l’Ukraine.
Politique de russification

Dans le sud de l’Ukraine, " des spécialistes d’unités de transmission des forces armées russes ont connecté et reconfiguré vers la diffusion de chaînes russes le dernier des sept émetteurs de télévision de la région de Kherson ", conquise par Moscou dès les premiers jours de la guerre, selon un communiqué du ministère de la Défense russe.

Selon le texte, un million d’habitants de la région ont maintenant accès " gratuitement " aux principales chaînes russes, notamment celles du groupe d’audiovisuel public VGTRK, qui relaie activement la ligne du Kremlin.

Depuis que la région est passée sous le contrôle de Moscou, les forces d’occupation y mènent une politique de russification des territoires : la monnaie russe, le rouble, a été instaurée et des passeports russes commencent à être distribués.

Selon l’agence de presse publique russe TASS, l’un des nouveaux responsables prorusses de la région de Kherson, Kirill Stremooussov, a affirmé que ce territoire pourrait être rattaché à la Russie, " par référendum ", " avant la fin de l’année ".

Avec AFP