L’élection présidentielle se trouve actuellement dans l’impasse. Selon des cercles diplomatiques, il est même probable qu’elle soit reportée jusqu’aux élections américaines de novembre 2024, principalement en raison du manque de consensus. Sans compter qu’aux yeux de Washington, la question du Liban a progressivement perdu de son importance, sa sphère d’influence s’étant réduite en raison de son alignement sur l’axe iranien sous la pression du Hezbollah.

Dans ce même ordre d’idées, un responsable politique arabe estime que l’élection présidentielle au Liban n’aura pas lieu dans un avenir proche, à moins qu’un événement sécuritaire majeur ne survienne dans la région. Ce dernier préconise de faire de cette question un enjeu national existentiel qui nécessite une implication à la fois régionale et internationale.

Il reste que ces impressions partagées par les sources diplomatiques et le responsable politique arabe précités ont précédé le déclenchement de la guerre à Gaza. Or les développements en cours entre Israël et le mouvement Hamas laissent craindre une escalade au Liban-Sud. Si la dégradation prend une ampleur sans précédent, le Hezbollah pourrait rentrer en jeu et mettre en œuvre la sacro-sainte "unité des fronts", prônée par les pasdaran. Cela entraînerait inévitablement une réponse directe d’Israël, ciblant les positions et les installations du Hezbollah le long de la frontière. Ces évolutions pourraient avoir des conséquences majeures sur le Liban et aggraver davantage la situation politique, plus particulièrement à la lumière de la vacance présidentielle.

Face à cette conjoncture particulièrement explosive, les puissances occidentales ont averti le Hezbollah par voie diplomatique des risques encourus s’il s’impliquait dans cette guerre, tout en rappelant la menace israélienne d’une réponse dévastatrice pour le Liban. Compte tenu de ces derniers développements qui s’accélèrent à l’échelle de la région, certains observateurs estiment que la nouvelle guerre en cours pourrait en réalité accélérer l’élection du président de la République au Liban, du fait que l’Administration US maintient, malgré tout, sa position de principe en faveur du maintien de la stabilité sur la scène libanaise.  

Dans ce contexte, un dirigeant souverainiste a révélé que la position américaine concernant l’attaque contre l’ambassade à Awkar indique que l’administration du président Joe Biden cherche à éviter toute escalade et à maintenir la stabilité régionale avant les élections américaines afin d’éviter tout impact négatif sur la campagne présidentielle US. De plus, le fait que l’ambassadrice Dorothy Shea avalise la version du ministère libanais de l’Intérieur (qui a avancé la thèse d’un incident isolé) confirme que Washington cherche l’apaisement, même si certains milieux américains ont attribué l’attaque à l’Iran.

Par conséquent, après cet incident, Mme Shea est restée imperturbable et a assuré que le personnel de l’ambassade continuait à travailler normalement.

L’Iran, tout en étant conscient de la position réelle de l’administration Biden et de son désir de préserver la stabilité régionale, semble habilement exploiter cette opportunité pour accroître les tensions en ayant recours à ses bras armés dans la région. L’opération " Déluge d’Al-Aqsa " menée par le Hamas contre Israël, bien que significative en soi, s’inscrit dans cette stratégie plus vaste.

Pour en revenir au dossier de la présidentielle, le duopole chiite composé d’Amal et du Hezbollah maintient toujours son soutien à son candidat, Sleiman Frangié. Il appelle à un dialogue avec l’opposition "en vue de parvenir à un consensus sur la candidature de son poulain". En revanche, l’opposition rejette catégoriquement tout dialogue et insiste sur l’élection d’un président conformément à la Constitution. Elle manifeste également sa disposition à explorer une troisième option, s’opposant ainsi à la position du duopole chiite.

Selon des cercles arabes bien informés, les États-Unis et l’Arabie saoudite, bien qu’intéressés par le Liban, refusent de s’immiscer dans les détails de l’élection présidentielle, considérant que cela relève de la responsabilité des forces politiques libanaises. Cependant, ils souhaitent que le futur président corresponde aux critères convenus par le groupe des Cinq, composé de la France, de l’Arabie saoudite, du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis.

Dans cette optique, ils expriment leur soutien à l’initiative française et à la mission de l’émissaire français Jean-Yves Le Drian, ainsi qu’à l’effort du Qatar visant à promouvoir une troisième option.

Face à cette réalité, les observateurs estiment que le statu quo actuel au Liban convient à toutes les parties prenantes. Selon ces experts, l’axe obstructionniste pro-iranien ne semble pas pressé d’élire un président de la République. Il accuse l’opposition de freiner le processus électoral afin, affirme-t-il, de promouvoir un projet soutenu par les États-Unis et visant principalement le Hezbollah. Parallèlement, les souverainistes voient dans les positions du Hezbollah un plan visant à "démanteler l’État" pour le reconstruire sur base de son projet et des visées de son parrain régional.  

C’est dans ce cadre que la France, qui avait cherché à jouer un rôle de médiateur, s’est heurtée à une position chiite unifiée sous l’égide du Hezbollah, alors que les forces souverainistes, réformatrices et l’opposition sont éparpillées, malgré les tentatives d’unifier leurs positions, notamment sur la question présidentielle.

Sur ce plan, des sources proches des Forces libanaises indiquent qu’environ 20 députés n’ont pas encore pris de décision ferme et ne se sont pas alignés sur la ligne de conduite de l’opposition. Si cette situation venait à changer, un président pourrait alors être élu, déjouant les efforts du Hezbollah visant à imposer son propre candidat. L’attention se tourne donc désormais vers le retour de l’émissaire français au Liban.