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Nouveau coup dur pour Israël, en ce 17 octobre, soit dix jours après le début de l’offensive menée par le Hamas contre l’État hébreu. Le bombardement meurtrier de l’hôpital anglican Al-Ahli al-Arabi qui opère à Gaza, au nord de l’enclave, suscite de vives tensions à travers le monde et met à mal Tel Aviv qui s’empresse d’accuser le Hamas puis le Jihad islamique d’être à l’origine des tirs qui ont fait 471 morts et 314 blessés, selon le ministère palestinien de la Santé.

"Israël, qui se lance dans une bataille médiatique, parallèlement à celle militaire, se doit maintenant de prouver qu’il n’a pas commis un crime de guerre", signale un général à la retraite, professeur en droit humanitaire international, sous couvert d’anonymat.

Interrogé par Ici Beyrouth, il estime que l’origine des frappes contre l’hôpital est israélienne.

Cette thèse ne fait cependant pas l’unanimité. Ni à l’échelle internationale, puisque le président américain, Joe Biden, en visite mercredi à Tel Aviv, a presque repris à son compte la version israélienne, ni parmi les experts militaires.

Pendant ce temps, les réseaux sociaux sont le théâtre d’une guerre de désinformation qui rend la vérité difficile à extraire.

Il convient de souligner que l’hôpital Al-Ahli al-Arabi a été à deux reprises ciblé par des attaques depuis le 7 octobre. La première a eu lieu en date du 14 octobre. Elle a fait quatre blessés au sein du corps médical à la suite d’un bombardement israélien, comme rapporté le 15 octobre sur X par l’archevêque de Canterburry, Justin Welby, à la tête de l’Église anglicane qui gère l’hôpital Al-Ahli.

Sur la seconde attaque, les versions se multiplient, la dernière étant l’utilisation d’armes de guerre américaines, notamment la Mk 84.

La thèse de la Mk 84

La Mark 84 (Mk 84), de fabrication américaine, est une bombe à souffle et à fragmentation (c’est-à-dire qui explose avant d’atteindre sa cible ou à l’impact en libérant des milliers d’éclats qui se propagent selon les effets désirés). "Efficace" et peu coûteuse, elle est souvent équipée d’un système que l’on appelle JDAM (Joint Direct Attack Munition), fabriqué par le constructeur aéronautique et aérospatial américain Boeing, qui permet plus de précision (parce que guidé par GPS).

Cette bombe a été utilisée en 2021, par les Israéliens, lors des attaques aériennes lancées sur la bande de Gaza, mais aussi lors de la guerre du Liban en 2006. Elle aurait été, selon certains experts, employée par l’armée israélienne pour bombarder l’hôpital. Deux éléments permettraient, d’après eux, de le prouver: la correspondance entre le bruit d’une bombe Mk 84 équipée du système JDAM et celui entendu lors de la frappe, le 17 octobre, et l’effet destructif.

Ces mêmes experts rappellent que l’armée israélienne avait équipé ses avions F-16 Fighting Falcon de bombes Mk 84. Élément vérifié grâce à un rapport de Boeing datant de 2000 et publié sur leur site.

La thèse des avertissements israéliens

Au lendemain de l’attaque, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un communiqué selon lequel "l’hôpital comptait parmi les vingt établissements du nord de la bande de Gaza ayant reçu des ordres d’évacuation de la part des autorités militaires israéliennes". Des propos qui ont été confirmés par le Dr. Ghassan Abu Sitta, rattaché à Médecins sans frontières, qui opère actuellement à Gaza, et par le sous-secrétaire à la Santé à Gaza, Youssef Abou al-Rish. Ce dernier a affirmé lors d’une conférence de presse tenue à la suite de l’attaque: "L’armée israélienne a prévenu le directeur de l’hôpital à deux reprises que l’établissement serait visé par des frappes".

La thèse du cratère

Pour appuyer leurs allégations selon lesquelles il s’agit d’un tir de roquette "manqué" du Jihad islamique, un groupe palestinien, les Israéliens avancent l’argument de l’absence du large cratère caractéristique des bombes aériennes qu’emploie actuellement leur armée contre la bande de Gaza.

Interrogé par Ici Beyrouth, un expert américain explique que "le petit cratère que l’on distingue sur les photos du parking situé à proximité de l’hôpital serait davantage le résultat d’un tir de roquette que d’une véritable explosion". D’après lui, le second élément qui viendrait confirmer une telle thèse est "l’état intact des arbres, de la pelouse, des bâtiments et véhicules, à supposer que tous les dégâts aient été mis en évidence dans les photos qui circulent sur les réseaux sociaux". Comme ils n’ont pas été détruits, "il est bien plus probable qu’il s’agisse d’une roquette lancée par les groupes palestiniens", souligne-t-il.

Or, selon la thèse adverse, la bombe Mk 84 aurait été placée en mode "explosion aérienne". Cela expliquerait que le cratère n’est pas aussi important que celui qui aurait résulté d’une explosion au contact du sol.

À cela, l’expert susmentionné indique qu’"une Mk 84 équipée d’un capteur de proximité DSU-33D/B (c’est-à-dire caractérisé par l’absence de liaison mécanique entre le dispositif de mesure et l’objet cible) aurait certes pu exploser à plusieurs pieds au-dessus du sol sans produire un cratère "conventionnel". Mais si la voiture renversée qu’on observe dans les images était de son fait, elle aurait certainement détruit tous les palmiers que l’on voit intacts sur les photos".

La thèse des cartes des tirs et des enregistrements

Le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a annoncé, dans une conférence de presse tenue le 18 octobre, qu’"à 18h59, une salve d’à peu près 10 missiles a été tirée par le Jihad islamique depuis un cimetière. Au même moment, à 18h59 il y a eu l’annonce d’une explosion dans un hôpital à Gaza". Et Hagari de poursuivre: "Selon nos informations, le Hamas a vérifié qu’il s’agissait d’un missile du Jihad qui a raté sa cible".

Ces informations, selon les Israéliens, ont été obtenues grâce à des enregistrements vocaux rapportant une discussion entre deux agents du Hamas qui évoquent leur rôle dans l’attaque, ainsi que d’une vidéo "du système de l’armée de l’air israélienne, qui a filmé la zone avant et après, et d’images en direct d’Al Jazeera et des caméras de sécurité".

Or, selon les observateurs qui s’opposent à cette thèse, les roquettes dont disposent les groupes palestiniens ne causent pas de tels dégâts. De plus, le cimetière dont parle Daniel Hagari ne se situe pas à cinq kilomètres de l’hôpital, distance qui sépare le bâtiment de l’endroit cerclé en rouge sur la carte présentée par le porte-parole (ce point rouge étant, selon lui, l’endroit à partir duquel le groupe palestinien tirait).

Réfutant le récit israélien, ces mêmes observateurs ont diffusé la photo d’un post sur X, (supprimé avant d’être remplacé par un second qui évoque une "erreur") de Hananya Naftali, ancien membre de l’équipe de communication du premier ministre Netanyahu.

Dans sa publication, Hananya Naftali parle d’une frappe israélienne nécessaire pour neutraliser une base terroriste du Hamas se trouvant dans l’hôpital.

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