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Le phosphore blanc, qu’Israël utiliserait pour bombarder Gaza et le Liban-Sud, est une arme controversée. Si, selon les conventions internationales, son utilisation est autorisée sur des positions militaires, elle est cependant interdite sur des populations civiles, du fait de sa toxicité et des brûlures parfois létales qu’elle provoque. Moins documentés, ses dégâts sur l’environnement peuvent également être dramatiques pour les écosystèmes.

Dans sa guerre contre le Hamas, Israël aurait utilisé du phosphore blanc sur des civils. Une arme controversée, dont l’État hébreu se serait également servi au Liban-Sud, en représailles aux attaques du Hezbollah. C’est en tout cas ce qu’avance Human Rights Watch. Dans une publication du 12 octobre dernier, l’ONG estime, preuves à l’appui, que l’armée israélienne a utilisé, les 10 et 11 octobre au moins, des bombes au phosphore blanc.

Si, selon les conventions internationales, le phosphore peut être utilisé contre des positions militaires, son usage est interdit sur les populations, du fait de sa dangerosité et de sa toxicité. "Quand il touche la peau, il la dissout. Quand il touche les os, il cause des brûlures très importantes pouvant entraîner la mort. S’il s’insinue dans l’organisme, le phosphore blanc peut tuer le foie, l’estomac et la plupart des organes", explique à Ici Beyrouth Najat Saliba, députée libanaise et professeure de chimie analytique.

Au contact d’une surface, le phosphore blanc réagit avec l’oxygène et se met à brûler à des températures comprises entre 800°C et 900°C, soit autant que la chaleur d’un four industriel. De quoi détruire tout organisme vivant.

Extrêmement toxique pour les humains, le phosphore ne l’est pas moins pour la nature. Ses effets sont dévastateurs pour les forêts, qu’il brûle sans aucune difficulté. "Le phosphore peut également s’incruster dans la terre, au risque de détruire les écosystèmes souterrains et de fortement affecter l’agriculture. Un champ touché peut même devenir infertile, ou au moins inutilisable pendant plusieurs mois", explique Charbel Afif, chef du département de chimie à l’université Saint-Joseph de Beyrouth et expert en pollution de l’air, interrogé par Ici Beyrouth.

Le phosphore blanc est aussi très toxique en environnement aquatique. "Une fois dans l’eau, il va augmenter la quantité de phosphate, provoquer une eutrophisation, puis une prolifération des algues. Cela deviendra invivable pour les poissons. L’impact sera assez long, au moins plusieurs mois", ajoute Charbel Afif.

S’il est très dangereux au moindre contact, le phosphore peut également avoir l’effet d’une bombe à retardement. Parfois, il peut, en effet, ne pas réagir directement au contact de l’oxygène si une couche protectrice naturelle se forme, auquel cas ses particules se déposent sur le sol, les arbres ou l’eau. "Les résidus restent alors dangereux pendant une dizaine de jours. Si une personne les touche par inadvertance, elle risque de subir de graves brûlures", précise Charbel Afif.

"Généralement, les quantités de phosphore qui ne réagissent pas dans l’air et créent des dépôts sont très faibles et difficilement visibles à l’œil nu. La population doit faire attention pendant au moins deux semaines, pour éviter les impacts directs", indique-t-il.

Alors que faut-il faire en cas de contamination? "Malheureusement il n’existe pas de solution miracle, estime Charbel Afif. Pour la terre, on peut par exemple la retourner pour éviter les contacts directs, mais il est préférable d’attendre deux semaines avant de faire quoi que ce soit. Si les dépôts de phosphore sont importants, il faut faire appel à des spécialistes, comme ceux du ministère de l’Environnement ou de l’Agriculture. Ils ont les compétences nécessaires pour superviser le traitement des surfaces et aider les écosystèmes à retourner à leur état normal."

Mais pour éviter l’utilisation du phosphore blanc, "il est avant tout nécessaire de faire respecter les traités internationaux et, surtout, de ne pas déclencher de guerre. Nous sommes totalement contre la création d’un front à notre frontière sud", rappelle Najat Saliba. L’avenir proche devrait nous dire si ce souhait sera exaucé ou non.

Sollicités pour apporter des précisions sur les zones du Liban-Sud touchées par le phosphore blanc et les quantités utilisées, ni l’armée libanaise ni la Finul n’ont donné suite.