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À la suite de l’approbation de l’accord de Taëf et des amendements constitutionnels qui en ont résulté, de nombreuses voix se sont élevées pour déplorer que les prérogatives du président de la République aient été rognées de manière démesurée. Ces détracteurs dénonçaient notamment le fait que le chef de l’État se retrouvait, selon eux, doté d’un statut semblable à celui du roi d’Angleterre, en l’occurrence sans aucun pouvoir effectif notable.  

Ce diagnostic aussi alarmant que défaitiste est cependant démenti par les faits. Du moins dans une grande mesure. La vacance présidentielle dont pâtit le pays depuis la fin du mandat de Michel Aoun, le 31 octobre 2022, a illustré en effet une réalité indéniable: en dépit des dispositions de Taëf, la fonction du président de la République est loin d’avoir été transformée en une coquille vide et le rôle du chef de l’État au niveau de l’équilibre (et de l’exercice) des pouvoirs n’est pas aussi symbolique et marginal que certains continuent de l’affirmer. Depuis un an, tout le fonctionnement des institutions constitutionnelles (Parlement et gouvernement inclus) ainsi que la gestion des affaires publiques à tous les niveaux sont gravement perturbés, voire souvent carrément paralysés, en raison de l’absence d’un président de la République.

Il va sans dire que l’envergure et la personnalité du chef de l’État donnent, dans la pratique, toute sa dimension à la Première Magistrature. La présidence serait effectivement marginalisée et reléguée au second plan en cas de présence au Palais de Baabda d’un président faible, qui se soumettrait au fait accompli iranien, qui n’aurait pas le courage de taper parfois du poing sur la table pour s’opposer à ceux qui cherchent à imposer leurs desiderata à l’État et au pouvoir en place.  

Par contre, la présidence de la République remplirait pleinement sa fonction constitutionnelle et assumerait son rôle de garant de l’équilibre des pouvoirs et de la bonne gestion de la chose publique si le président montre qu’il a vraiment l’envergure d’un homme d’État et qu’il est capable de s’imposer, en faisant preuve de suffisamment de sagesse, pour jouer le rôle de régulateur de la vie politique et de défenseur véritable de la souveraineté de l’État et des intérêts supérieurs du pays.

C’est précisément d’un tel profil de président dont le Liban a urgemment besoin aujourd’hui à l’heure où de lourds nuages gris s’amoncellent à l’horizon. La région dans son ensemble est peut-être à la veille de graves bouleversements géopolitiques qui pourraient changer la face du Moyen-Orient et qui ne manqueraient pas d’avoir de lourdes retombées sur le Liban.

Il s’agit là sans doute du scénario du pire qui pourrait fort bien ne pas se réaliser. Mais mieux vaut prévenir que guérir. En ces temps de grands bouleversements, le pays a besoin, plus que jamais, d’un président – dans toute l’acception du terme – qui soit réellement conscient de ses responsabilités nationales afin de superviser et contrôler la gestion d’une possible situation de guerre, pas seulement au niveau militaire, mais également sur les plans médical, social, économique, financier et de l’organisation de la vie quotidienne.

Au-delà des problèmes de gouvernance, le Liban devra aussi, en toute vraisemblance, prendre langue avec des pays de la région, traiter avec la communauté internationale, conclure des ententes, négocier des accords, régler des litiges etc. Dans une telle perspective, la présence d’un président est une nécessité impérieuse. Les candidats bénéficiant du profil requis ne manquent pas. Mais encore faut-il que certains députés et blocs parlementaires qui se plaisent à afficher leur solidarité avec le Hezbollah prennent conscience de la gravité de la conjoncture présente pour se démarquer, ne fut-ce que le temps d’un scrutin, du parti pro-iranien afin de cesser de faire obstruction à l’élection d’un président. Il n’est pas interdit de rêver à cet égard… Les Libanais en ont grand besoin!

 

 

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