Écoutez l’article

L’héritage pédagogique de l’Imam Chamseddine (1/2)
À la mémoire de Layan,
Talin et Remas Mahmoud Hejazi,
tuées le 6 novembre 2023 au Liban-Sud.

L’Association caritative et culturelle (ACC), fondée en 1966 par l’imam Mohammed Mehdi Chamseddine, a réalisé depuis le milieu des années 1960 plusieurs projets à caractère pédagogique et social au service des plus démunis de la communauté chiite. Dans une première partie, Ici Beyrouth retrace les origines de cette association qui puise sa source dans le parcours personnel et religieux de l’ancien chef spirituel de la communauté chiite libanaise, l’imam Chamseddine, qui fut vice-président du Conseil supérieur chiite (CSC) de 1978 à 1993, date à laquelle il fut élu président de cette instance, jusqu’à son décès en janvier 2001.

Maxime Pluvinet et Michel Touma

Génération Najafi

Né à Nadjaf, en Irak en 1936, où son père poursuivait des études religieuses, l’ancien chef de la communauté chiite libanaise, feu Mohammed Mehdi Chamseddine, a vécu 33 ans d’affilée en Irak, se consacrant à sa formation religieuse et à l’approfondissement de son savoir. La famille Chamseddine occupe une place essentielle dans l’histoire du chiisme. Son lien avec le Liban remonte au moins au treizième siècle, avec un lointain ancêtre, Mohammed ibn Makki al-Jizzini, originaire du Jabal Amil. Ce spécialiste de fiqh (jurisprudence islamique) est connu sous le nom de Shahid al-Awwal (le Premier Martyr), mais aussi sous celui de Chamseddine (le soleil de la religion), qui deviendra le nom du lignage familial.

C’est en 1969 que l’imam Chamseddine rentre au Liban, aux côtés de toute une génération d’ulémas najafis. Il sera, avec l’imam Moussa Sadr, le cofondateur du Conseil supérieur chiite avec pour objectif de gérer les affaires de la communauté, mais surtout de donner aux chiites libanais une envergure et un rôle politiques qu’ils n’avaient pas.

Cheikh Chamseddine a toujours prôné un islam modéré, faisant preuve d’ouverture envers "l’autre", notamment les chrétiens du Liban, dans le respect du droit à la différence, accordant en outre une importance particulière à l’épanouissement intellectuel et personnel de l’individu, plus particulièrement ses coreligionnaires. Cela s’est reflété dans les projets à caractère éducatif et social qu’il a mis en place à son retour au Liban, et dont la pérennité sera assurée plus tard par son fils, l’ancien ministre Ibrahim Chamseddine.

Fort de sa profonde formation et de son large savoir, l’imam Chamseddine a ainsi axé une large partie de sa réflexion et de son action sur des enjeux pédagogiques et académiques. L’une de ses ambitions était la création d’une université appelée à refléter la spécificité chiite, tout en faisant preuve d’ouverture envers le monde et les autres communautés. Il déplorera dans cette optique le sabotage, au milieu des années 1960, du projet de l’Université de Kufa, en Irak, par l’ancien président irakien (de 1963 à 1966), Abdel Salam Aref. L’Université de Kufa était appelée à être un tremplin pour la présence chiite arabe en Irak et à constituer une ouverture à la modernisation et au progrès des chiites irakiens. Lorsqu’il était délégué du principal marja’ de Najaf, Sayyed Mohsen Hakim, l’imam Chamseddine avait établi une mosquée, une bibliothèque publique, une école, une hosseiniya… Un héritage que son fils Ibrahim a retrouvé après la chute de Saddam Hussein en 2003.

L’Université islamique du Liban

Le rêve de l’imam Chamseddine de créer une université a été ravivé à la faveur de la fondation, au Liban, du Conseil supérieur chiite, en décembre 1967. L’un des objectifs du CSC était précisément de créer une université. Les différents développements politiques et sécuritaires dont le Liban a été le théâtre à la fin des années 1960 et dans les années 1970 ont toutefois retardé la réalisation du projet. Ce n’est qu’en 1994 que cheikh Chamseddine parviendra à obtenir la création de l’Université islamique du Liban (UIL), alors qu’il présidait aux destinées de la communauté chiite libanaise.

Reflétant sa volonté d’offrir aux jeunes chiites, et aux Libanais en général, une solide formation académique et religieuse dans un esprit d’ouverture, de diversité culturelle et d’excellence, cheikh Chamseddine s’est employé à faire de l’UIL un établissement dispensant un enseignement supérieur trilingue (arabe, français, anglais), qui sera membre, de surcroît, de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF). Il ambitionnait que cet établissement soit "une force de changement et de modernisation en matière de développement et de recherche scientifique", comme il le soulignait dans son dernier ouvrage, Le Testament (2001). L’université devait toutefois fermer ses portes sous la pression des forces politiques dominantes.

 

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !