De nos jours, d’aucuns pensent que la formule politique actuelle du Liban n’est plus de mise, à cause de l’échec cuisant au niveau de la gestion des affaires étatiques et plus particulièrement du dysfonctionnement des institutions. La vacance présidentielle qui dure depuis le 31 octobre 2022, avec la fin du mandat de l’ancien président Michel Aoun, en est un exemple manifeste. Sans oublier la formation des gouvernements successifs qui s’étendait sur des mois entiers en raison des exigences ministérielles et des contre-exigences des blocs parlementaires.

Le fait est qu’à force d’avoir foulé au pied la Constitution, les pactes et les lois, certaines forces politiques ont déformé le concept de démocratie consensuelle qui sous-tend la formule libanaise. Elles ont réussi, par la pratique, à transformer le droit des parties politiques à participer au pouvoir en un "droit de blocage". Un droit tellement exercé qu’il est pratiquement devenu une sorte de droit de veto, comparable à celui pratiqué à l’ONU. En d’autres termes, il suffit qu’un des cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU recoure à ce droit pour qu’une décision tombe.

La quête d’une nouvelle formule politique libanaise, voire un nouveau contrat social, comme il convient de le désigner en sciences politiques, commande de renoncer à la formule actuelle et d’opter pour une autre qui reflèterait l’équilibre des forces à l’échelle locale et régionale. En d’autres termes, la structure politique mise en place par l’accord de Taëf (1989) devrait être foncièrement remise en question et remodelée selon de nouveaux fondements entièrement différents des précédents.

De manière directe ou indirecte, la nouvelle formule devra inévitablement refléter l’influence de puissances régionales qui n’avaient pas le même poids lorsque l’accord de Taëf, un pur produit des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de la Syrie, avait été conclu. Il s’agit notamment de l’Iran, représenté au niveau local par le Hezbollah qui dispose d’un arsenal militaire imposant et qui jouit d’un soutien populaire considérable, en particulier au sein de la communauté chiite.

Dans cette quête d’une nouvelle formule, un autre problème se manifeste, en lien avec les autres camps politiques – fussent-ils traditionnels ou émergents –, à l’instar des groupes dits "issus du soulèvement populaire" ou "du changement", ou avec leur rôle dans le cadre de la nouvelle formule. C’est que l’expérience qu’ils ont menée jusque-là n’a pas été des plus concluantes. Leurs dissensions internes sont apparues bien plus rapidement que prévu. Ils n’ont pas non plus réussi à concrétiser, dans le cadre des institutions, les slogans qu’ils scandaient en boucle au cours des manifestations qui ont suivi le soulèvement du 17 octobre 2019.

Il n’en demeure pas moins que le phénomène que représentent les forces dites du changement, en dépit de tous leurs faux pas, reste un indicateur important de ce qui pourrait se produire à l’avenir, dans le sens où une nouvelle configuration politique, totalement différente de l’actuelle, pourrait voir le jour. Elle serait fondée sur l’édification d’un État qui reflète les aspirations de ses citoyens.

Le projet d’établissement d’une nouvelle formule politique se complique aussi davantage à cause des aspirations croissantes de certains en faveur du fédéralisme, tandis que d’autres prônent la partition et la division sur fond d’appartenance communautaire. Ces idées sont des plus dangereuses, puisqu’elles contribueraient, si elles étaient mises en œuvre, à la création de cantons sectaires qui favoriseraient les guerres intestines.

Le Liban a-t-il besoin d’une nouvelle formule? Peut-être. Mais avant de se tourner vers une formule entièrement nouvelle, qui pourrait ne pas être acceptée ni au Liban ni à l’étranger, ne faut-il pas au préalable appliquer la Constitution, ainsi que les dispositions de Taëf, dont la décentralisation administrative, le développement équilibré des régions, l’abolition du confessionnalisme politique et bien d’autres?

Quoi qu’il en soit, le Liban est aujourd’hui dans une situation difficile, et la nécessité de réformes structurelles apparaît plus pressante que jamais.

 

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