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La décision de six pays européens de suspendre leurs contributions financières à l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a été accueilli avec une profonde inquiétude dans les milieux des réfugiés palestiniens, dans leurs pays d’accueil, en particulier au Liban qui est déjà confronté à de graves crises économiques, financières et politiques.

Pour les Palestiniens, cette décision est vivement contestée dans la mesure où elle est considérée comme une tentative d’éliminer leur cause et leur droit à retourner chez eux. Pour le Liban, elle peut mener à une catastrophe, en accentuant davantage l’instabilité dans le pays qui accueille environ 400.000 réfugiés (enregistrés auprès de l’UNRWA) répartis dans 12 camps de réfugiés.

Le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Suisse et la Finlande ont suivi les États-Unis, l’Australie et le Canada en suspendant leur financement à cette agence de l’ONU. Cette décision a fait suite aux allégations d’Israël selon lesquelles certains des membres de l’agence auraient été impliqués dans les attaques du 7 octobre menées par le Hamas contre Israël.

Le secrétaire général de l’OLP à Beyrouth, Samir Abou Afach, a souligné à ce propos que "l’attachement du peuple palestinien à l’Unrwa équivaut à leur attachement à leur droit de retourner à leur terre natale".

"L’Unrwa a été le témoin officiel de notre Nakba (déplacement massif des Palestiniens) en 1948 et 1967. Sa création avait pour objectif de réaffirmer notre droit de retour en Palestine", a précisé M. Abou Afach lors d’une entrevue avec Ici Beyrouth.

"La suspension des financements de l’Unrwa se situe dans le cadre d’un plan visant à éliminer la cause palestinienne. C’est essentiellement une manœuvre politique dont le but est d’atteindre ce qu’Israël n’a pas réussi à obtenir par la guerre, à savoir plonger notre peuple dans le désespoir, ouvrant ainsi la porte à un nouvel exode", a-t-il souligné.

L’Unrwa a été créée pour aider les réfugiés de la guerre de 1948, après la fondation de l’État d’Israël. Elle fournit des services éducatifs, médicaux et humanitaires à environ 6 millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, en Syrie et au Liban. Elle a également joué un rôle crucial, au niveau de l’aide, durant la guerre qu’Israël a lancée pour éliminer le Hamas après les attaques du 7 octobre.

Le Liban, qui redoute depuis longtemps l’installation permanente des réfugiés sur son territoire, a mis en garde contre une "erreur historique" en cas d’interruption du financement de l’Unrwa. Le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, a exprimé cette préoccupation après sa réunion avec l’ambassadrice des États-Unis au Liban, Lisa Johnson. Il a souligné que cette décision constituerait une menace pour la sécurité régionale et la stabilité des pays d’accueil.
Une personne proche du Front démocratique de libération de la Palestine à Beyrouth, qui a souhaité garder l’anonymat, a vivement critiqué, dans un entretien accordé à Ici Beyrouth, la "punition collective" infligée à des millions de Palestiniens sur la base d’accusations israéliennes.

Selon cette source, le FDLP a appelé les millions de réfugiés dans les territoires occupés et ceux de la diaspora "à organiser des mouvements politiques et populaires de protestation à la hauteur de cet événement dangereux, notamment dans les capitales des pays qui se sont associés au crime qu’est l’assèchement des ressources financières de l’Unrwa".
De même source, on a regretté "l’absence d’un projet national palestinien unifié", ainsi que la "dispersion destructrice et la division du leadership palestinien", faisant référence à la fracture entre le Hamas et l’OLP.

Selon M. Abou Afach, priver les réfugiés de l’accès à l’éducation, aux soins médicaux et à l’aide économique fournis par l’Unrwa serait ressenti de manière plus marquée au Liban.

"Les Palestiniens au Liban seront les plus touchés par rapport à leurs compatriotes dans d’autres pays d’accueil, car, en vertu des lois libanaises, il leur est interdit d’exercer 73 professions. Sans les services offerts par l’Unrwa, leurs conditions de vie vont se détériorer. Cela entraînera d’énormes charges économiques et sociales pour les réfugiés et l’État libanais", a-t-il déclaré, ajoutant que l’OLP compte se concerter avec l’ONU. "Elle appelle les pays ayant annoncé la cessation de leur soutien à l’Unrwa à revenir immédiatement sur leur décision", a-t-il ajouté.

Suite aux accusations d’Israël, l’Unrwa avait déclaré avoir ouvert une enquête auprès de plusieurs employés, au nombre de 12 selon des sources palestiniennes.

De son côté, le directeur de l’Unrwa, Philippe Lazzarini, a exprimé dans un communiqué sa consternation face à la suspension des fonds à l’agence, surtout que celle-ci avait promptement réagi en abrogeant les contrats des employés qui font l’objet d’accusations et en réclamant une enquête indépendante et transparente.