Le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, Fadi Akiki, a ordonné, lundi en début d’après-midi, la mise en liberté de l’activiste politique Makram Rabah, qui reste cependant à la disposition des enquêteurs.

Makram Rabah, également professeur à la faculté d’histoire de l’Université américaine de Beyrouth et connu pour ses positions anti-Hezbollah, avait été convoqué samedi par le service des enquêtes de la Sûreté générale, sans que les motifs de cette convocation ne soient précisés dans l’immédiat.

Faisant l’objet d’une plainte pour des propos "anti-Hezbollah", tenus dans le cadre d’un entretien accordé au site d’informations en ligne, Spot Shot, l’activiste avait, semble-t-il, été entendu pour "contacts présumés avec l’ennemi". Il avait refusé de remettre son téléphone au juge Akiki, ce qui lui a valu cette "condamnation" de rester à la disposition des enquêteurs.

À notre confrère Houna Loubnan, le juge Akiki a confirmé que M. Rabah sera libéré, mais restera à la disposition des enquêteurs, en précisant que "des charges pour contacts avec l’ennemi n’ont pas été retenues" contre ce dernier. "Nous poursuivons les investigations à la lumière desquelles une décision sera prise", a indiqué le magistrat.

Dans une déclaration à la chaîne panarabe Al-Hadath, à sa sortie des locaux de la Sûreté générale, M. Rabah a défendu son "droit constitutionnel à s’exprimer librement", en ajoutant: "Si j’avais été un trafiquant de Captagon comme le Hezbollah, le juge n’aurait pas osé m’interpeller." "Le collaborateur est celui qui laisse les assassins de Lokman Slim libres", poursuit-il.

Makram Rabah était proche de Lokman Slim, un autre activiste anti-Hezbollah tué le 4 février 2021. Son corps avait été retrouvé dans sa voiture, dans la région de Nabatiyé. Il avait été abattu par balles.

Selon les informations de Houna Loubnan, les enquêteurs n’ont pas interrogé M. Rabah au sujet de contacts présumés avec Israël. Les questions qui lui ont été posées se rapportaient à des informations présumées qu’il aurait fournies au sujet du Hezbollah et de ses armes. L’activiste a répondu en se référant aux médias qui ont rapporté ces informations, tous proches du Hezbollah.

Il a été également interrogé au sujet de ses attaques verbales régulières contre la formation pro-iranienne. Selon les mêmes informations, les enquêteurs lui auraient fait remarquer qu’il "mettait en danger la sécurité nationale alors que le Liban est en guerre".

La plainte déposée contre Makram Rabah porte sur des propos qu’il a tenus lors d’un entretien télévisé. Du moins, c’est ce que ses camarades pensent.

M. Rabah avait repris des propos du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, sur la réouverture du front sud, pour estimer que "du point de vue du droit international, une riposte israélienne serait légitime". Il avait aussi commenté des propos sur une volonté de Tel-Aviv de mettre la main sur les ressources hydrauliques du Liban, en lançant: "Si seulement Israël pouvait prendre le Litani. Pour ce fleuve, ce serait mieux que de devenir un égout à ciel ouvert."

Plusieurs activistes ont organisé un sit-in devant le siège de la Sûreté générale où leur camarade était interrogé.

Cette interpellation, manifestement politique, a également suscité des réactions indignées. "Libérez immédiatement Makram Rabah", a martelé le chef du parti Kataëb, Samy Gemayel. "Comme nous l’avons fait précédemment, nous n’autoriserons pas, aujourd’hui, la résurgence de dossiers fabriqués de toutes pièces et les restrictions à la liberté d’expression, quel qu’en soit le prétexte ", a-t-il écrit sur la plateforme X.

De son côté, le député Nadim Gemayel a adressé un message au Hezbollah en affirmant sur son compte X: "La politique qui consiste à diaboliser tous ceux qui s’opposent à vous n’a plus lieu d’être." "Défendre le Liban et sa souveraineté violée par le Hezbollah n’est pas synonyme de collaboration avec l’ennemi. Il s’agit là du plus haut degré de patriotisme", a-t-il écrit en insistant sur le fait que "les tentatives d’oppression et d’intimidation ne feront pas taire les plumes libres".

Les Forces libanaises ont vivement dénoncé la convocation de M. Rabah, dans laquelle ils ont vu "une atteinte flagrante aux libertés d’opinion et d’expression", et constitue une menace pour la nature et le rôle du Liban ".

Dans un communiqué, le bureau de presse des Forces libanaises (FL) a également estimé qu’elle constitue "une menace pour la nature et le rôle du Liban" et qu’elle "ne peut pas de ce fait être tolérée". "Certains services officiels se transforment en un outil entre les mains du Hezbollah, qu’il utilise pour punir quiconque s’oppose à son hypothèque du Liban et à la guerre qu’il mène sur son territoire", ont ajouté les FL, en accusant la formation pro-iranienne à "reproduire l’expérience de l’occupation syrienne lorsque l’État assumer la mise en œuvre de l’agenda syrien".

Le parti de Samir Geagea a ensuite appelé "le Premier ministre, le ministre de la Justice, et le président du Conseil supérieur de la magistrature à prendre les mesures nécessaires et rapides pour libérer le poste de commissaire du gouvernement près le tribunal militaire du contrôle du Hezbollah".