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La société Rosneft a abandonné le contrat de développement des installations pétrolières à Tripoli, qui prévoyait le stockage de 450.000 tonnes de produits pétroliers. Ce contrat avait été signé en janvier 2019 sous l’égide du ministre de l’Énergie de l’époque, César Abi Khalil.

Fait étonnant, le retrait de la société russe a été ignoré par le ministère de l’Énergie, et aucune explication n’a été fournie quant aux responsabilités liées à ce contrat de vingt ans, qui nécessitait un investissement estimé entre 30 et 50 millions de dollars.

Le retrait de Rosneft aurait été attribué aux sanctions imposées à la Russie à la suite de la guerre en Ukraine, déclenchée le 24 février 2022. En conséquence, la société n’a entrepris aucune action concrète pour exécuter le contrat pendant trois ans.

Un appel d’offres avait été lancé pour engager des entreprises sous-traitantes en vue de commencer les réparations des réservoirs. Des sociétés libanaises et égyptiennes avaient été sélectionnées, mais le processus n’a jamais été finalisé. Lorsque des responsables du ministère de l’Énergie ont tenté de récupérer le dossier après avoir été informés du retrait de Rosneft, on leur a répondu que le dossier avait disparu.

À l’époque où Rosneft avait obtenu ce contrat, le Courant patriotique libre, allié au Hezbollah, penchait vers la Russie et la Chine. L’accord avec Rosneft s’inscrivait dans cette stratégie, malgré les objections de l’ambassade des États-Unis au Liban, qui soupçonnait une transaction douteuse derrière une telle attribution.

Aujourd’hui, le ministère de l’Énergie montre peu d’empressement à trouver un remplaçant pour la société russe. Il semble que l’on cherche plutôt une entreprise qui correspond aux préférences des responsables successifs de ce ministère.

Dans ce contexte, des responsables de la compagnie pétrolière nationale émiratie ENOC auraient manifesté leur intérêt pour le projet. Cependant, lorsque cette option a été soumise au ministre de l’Énergie, celui-ci l’aurait rejetée pour des raisons politiques.

D’autre part, des responsables du secteur de l’électricité au Liban auraient proposé à la Russie, avant le retrait de Rosneft, de vendre deux cargaisons de fioul à Électricité du Liban, avec des paiements à effectuer au Liban pour financer le projet de Tripoli. Cependant, cette proposition a été refusée par la partie russe, sans aucune explication.

L’échec de ce projet remet sur le tapis la nécessité pour le Liban de constituer une réserve stratégique de produits pétroliers dérivés, indispensable pour faire face aux crises énergétiques en temps de paix ou de guerre. Une telle réserve pourrait aussi prévenir les crises dans le secteur de l’électricité.

Par ailleurs, le conseil d’administration d’Électricité du Liban a envisagé de financer, sur ses fonds propres, la rénovation des réservoirs de Tripoli afin d’y stocker des quantités supplémentaires de fioul et de gazole, ce qui permettrait de faire face à des crises imprévues, comme celle qui a récemment conduit à l’arrêt des centrales de Deir Ammar et de Zahrani en raison d’une pénurie de mazout.