Le numéro 2 du Hezbollah, Naïm Qassem, a essayé lundi de rassurer ses combattants sur la puissance de son parti, décapité par la machine de guerre israélienne, dans la première apparition publique d’un dirigeant de cette formation depuis l’assassinat, vendredi, de son chef, Hassan Nasrallah.

Dans un discours qui s’adressait essentiellement aux combattants et au public d’un Hezbollah décapité et en pleine déroute, le numéro 2 de cette formation, Naïm Qassem, s’est efforcé, lundi, de montrer qu’en dépit des coups de massue successifs qu’elle a récemment subies, celle-ci demeure aussi puissante qu’avant, du moins militairement. Il a ainsi affirmé que le Hezbollah est "totalement" prêt à une éventuelle incursion terrestre au Liban. Il a aussi fait savoir que les adjoints des chefs tués par Israël au cours des dix derniers jours assurent le suivi des opérations militaires, promettant "une victoire certaine pareille à celle de 2006".

L’incertitude autour du sort du numéro 2 du Hezbollah, Naïm Qassem, vient donc d’être dissipée. Ce dernier est intervenu pour la première fois, lundi, après l’assassinat du secrétaire général de cette formation, vendredi, lors d’un violent raid israélien sur la banlieue sud de Beyrouth où il présidait, dans son bunker souterrain, une réunion de son commandement.

Dans un discours télédiffusé, dont l’objectif premier est de remonter le moral des combattants et de la base du Hezb, laminé par la machine de guerre israélienne, Naïm Qassem s’est employé essentiellement à les rassurer sur l’état actuel du commandement de la formation pro-iranienne – pratiquement éliminé lors d’une série de raids israéliens ciblés – ainsi que sur la suite de la bataille avec Israël, qu’il a promis "couronnée de succès, comme en 2006", lorsque durant la guerre de juillet-août de cette même année, l’aviation israélienne avait pratiquement détruit l’infrastructure libanaise. Cette guerre ne s’était arrêtée qu’avec le vote de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, qui a repoussé le Hezbollah jusqu’au nord du Litani, avant que celui-ci ne se réorganise militairement, et prévu le déploiement de l’armée et de la Finul au Liban-Sud

Mais le plus important dans son discours reste ce qu’il n’a pas dit, que ce soit au sujet de l’Iran, pointée du doigt même par la base et des alliés du Hezb, dans l’assassinat de Hassan Nasrallah, ni au sujet de l’opportunité des fronts de soutien, ouverts depuis le 7 octobre 2023, et du fait que le Liban se retrouve aujourd’hui seul face à la violence meurtrière israélienne, déclenchée par le Hezbollah.

Car, il est bien apparu depuis le début de l’offensive aérienne israélienne contre le Liban, que cet axe guerrier qui doit "assurer la victoire des Palestiniens face à Israël" et qui est composé, selon la terminologie iranienne et hezbollahie, de trois fronts de soutien (libanais, irakien et yéménite) au Hamas, opère dans un seul sens et ne concerne pas le Liban. En témoignent le calme sur le front de Gaza, les timides ripostes des proxies irakiens et yéménites aux frappes israéliennes meurtrières au Liban ou encore les réactions tempérées des dirigeants iraniens, qui ont pourtant perdu le numéro 2 et chef des opérations du Corps des gardiens de la révolution islamique, Abbas Nilforushan, dans le raid de vendredi.

C’est la mine assombrie, articulant parfois avec difficulté, que Naïm Qassem a d’emblée démenti l’annonce faite par l’armée israélienne selon laquelle vingt autres cadres du Hezbollah se trouvaient avec Hassan Nasrallah, lorsque le raid a détruit leur bunker, après avoir identifié quatre parmi eux: Ali Karaki, commandant du front sud; Abbas Nilforushan; Ibrahim Jezzini, chef de l’unité de protection de Hassan Nasrallah; Samir Harb, conseiller de ce dernier; Ali Ayoub, chef de "l’administration de feu"; et Mohammad Sablini, un autre cadre militaire du Hezb.

Selon Naïm Qassem, "il n’y avait avec le secrétaire général du parti que Nilforushan, Jezzini et Harb". Il n’a pas donné la moindre indication sur le sort d’autres chefs du Hezbollah, dont les noms ont été évoqués comme faisant partie des personnes qui se trouvaient dans le bunker au moment de la frappe, notamment Hachem Safieddine, cousin germain de Hassan Nasrallah et un de ses successeurs potentiels, ou encore le député Ali Ammar.

Il s’est contenté d’affirmer qu’"en dépit de la perte d’un certain nombre de commandants du parti et de son secrétaire général, des attaques (israéliennes) continues contre les civils et des tentatives d’ébranler notre base, nous ne renoncerons pas à nos objectifs: nous avons d’ailleurs maintenu nos attaques contre Israël et nous poursuivrons la lutte islamique face à l’agression israélienne pour soutenir la Palestine et défendre le Liban".

"Tous les sacrifices que nous avons consentis, à commencer par l’explosion des pagers (bipeurs) puis des talkies-walkies piégés, jusqu’à l’assassinat du secrétaire général, en passant par la mort de nombreux cadres, auraient secoué des armées et des États, mais pas nous", a estimé Naïm Qassem, avant d’annoncer que "le front de soutien à Gaza et la Palestine sera maintenu".

S’il n’a pas expliqué le bienfondé du maintien de ce front dont le seul résultat a été, au final, que le Liban se retrouve totalement seul face à la machine de guerre israélienne, la destruction d’un nombre effrayant de villages, la mort de plus de 2.000 Libanais pour une cause qui n’est pas la leur, des familles entières décimées, un déplacement de populations terrible et des milliers de blessés, Naïm Qassem a joué sur la fibre sentimentale, lorsque, dans son vibrant hommage à Hassan Nasrallah, il l’a présenté comme "un amoureux de la Palestine et de la liberté".

Se voulant de nouveau rassurant, il a déclaré que la chaîne de commandement du Hezb s’est vite reconstituée, en attendant vaguement la nomination "à la première occasion et dans un très proche avenir" d’un nouveau secrétaire général.

Il a ensuite indiqué que sa formation est "bien préparée pour une éventuelle incursion terrestre israélienne". "Nos forces sont prêtes pour des combats rapprochés avec l’ennemi israélien", a poursuivi Naïm Qassem, alors qu’Israël a déployé, durant son offensive contre le Hezbollah, des moyens technologiques monstres qui ont vite neutralisé celui-ci.

"Un directoire du parti suit la gestion de la bataille (avec Israël) en fonction de la hiérarchie mise en place, puisque chaque cadre dispose d’un adjoint, au cas où il serait tué", a-t-il dit.

Il est intéressant de relever sur ce plan que c’est bien la première fois qu’un dirigeant du Hezbollah évoque la structure organisationnelle de cette formation. Une précision qui illustre encore une fois la volonté de Naïm Qassem de rassurer sur une suite qui reste quand même incertaine.

Le numéro 2 du Hezb, lui aussi une cible d’Israël, s’exprimait à partir d’une pièce qui semblait mal aérée, étant donné qu’il s’essuyait le front régulièrement, avec, derrière lui, des volets fermés.

Il a averti que la bataille "risque d’être longue" et que "toutes les options restent ouvertes", sans préciser bien entendu lesquelles, alors que le ministère iranien des Affaires étrangères, cité par l’AFP, indiquait qu’il ne déploierait pas de forces au Liban ou à Gaza pour faire face à Israël.

Il n’a pas non plus dit quand et où Hassan Nasrallah sera inhumé.