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Le 18 juillet, Le secrétaire d’État, Antony Blinken, avait signé, pour la vingtième fois, une dérogation permettant à l’Irak de payer ses factures d’électricité à l’Iran, contrevenant ainsi aux sanctions contre l’Iran. La dérogation assouplit les sanctions en autorisant à l’Irak le transfert des paiements d’électricité depuis des comptes bancaires gelés appartenant à l’Iran en Europe et à Oman. Initialement valable pour 120 jours, cette dérogation a expiré le mardi 14 novembre. Les États-Unis ont renouvelé cette autorisation, permettant à l’Iran d’accéder à des milliards de dollars détenus dans des comptes gelés en Irak.

Les États-Unis ont annoncé mardi qu’ils renouvellent pour 120 jours une dérogation aux sanctions permettant à l’Irak d’acheter de l’électricité de l’Iran.

Selon le porte-parole du département d’État, Mathew Miller, "aucune partie de cet argent n’a été versée à l’Iran". "Les fonds sont détenus sur des comptes soumis à des restrictions, limitant leur utilisation uniquement aux paiements liés à l’achat de nourriture, de médicaments et à des initiatives à caractère humanitaire", a-t-il expliqué.

Selon M. Miller, cette mesure s’inscrit dans la politique américaine visant à réduire l’influence de l’Iran en l’Irak et de sevrer l’Irak de la dépendance énergétique iranienne.

Le secrétaire d’État, Antony Blinken, a informé le Congrès de l’extension de la dérogation mardi. Cette décision devrait cependant susciter des critiques des faucons républicains qui estiment que la prolongation récompensera l’Iran, accusé de soutenir le Hamas dans sa guerre actuelle contre Israël.

Les paiements irakiens pour l’électricité iranienne s’élèvent à 10 milliards de dollars et sont actuellement déposés sur des comptes bloqués en Irak. La dérogation permettra à Bagdad de maintenir ses importations d’énergie sans craindre les sanctions américaines. L’Irak, très dépendant de l’électricité iranienne, peut, de ce fait, déposer des paiements dans des banques non irakiennes situées dans des pays tiers plutôt que sur des comptes restreints en Irak. Inversement, à l’époque de l’Administration Trump, l’autorisation était donnée uniquement à la condition que les paiements soient conservés sur un compte séquestre à Bagdad.

La dérogation maintient une disposition selon laquelle une partie des recettes provenant de vente d’électricité peut être transférée sur des comptes à Oman puis convertie en euros ou d’autres devises largement négociées. Cependant, cela crée aussi une brèche par laquelle l’Iran pourrait aussi se procurer des produits non soumis aux sanctions.

La dérogation de juillet

Les fonds déposés, liés à la dérogation de juillet, étaient supposés être soumis à des restrictions, l’Iran devant utiliser ces fonds uniquement pour des dépenses à caractère humanitaire. De plus, l’Iran devait obtenir l’autorisation des États-Unis pour accéder à ces fonds.

Téhéran a, par le passé, poussé Bagdad à demander cette permission aux États-Unis en coupant l’exportation du gaz naturel iranien en Irak et donc limitant la capacité de ce pays à produire de l’électricité, mettant beaucoup de pression sur le gouvernement irakien. La raison "officielle" pour la dérogation serait donc d’alléger la pression subie par l’Irak de la part de l’Iran.

L’accord sur les prisonniers

Dans le même ordre d’idées et dans la saga de la dérogation aux sanctions, l’administration Biden avait ouvert la voie à la libération de cinq citoyens américains détenus en Iran depuis huit ans, en accordant, le 8 septembre, une dérogation aux banques internationales pour qu’elles puissent transférer 6 milliards de dollars d’argent iranien gelé, de la Corée du Sud au Qatar.

L’argent s’était accumulé dans des banques sud-coréennes au fur et à mesure que Séoul achetait du pétrole iranien dans le cadre d’un accord avec l’administration Trump, qui avait étouffé la plupart des exportations d’énergie de l’Iran.

Les législateurs républicains avaient fait pression sur l’administration Biden pour qu’elle mette fin au versement de 6 milliards de dollars de rançon à l’Iran, arguant que même si ces fonds étaient destinés à des fins humanitaires, ils contribuaient à détourner des fonds vers le Hezbollah et le Hamas.

Cette dérogation avait permis aux banques d’Europe, du Moyen-Orient et d’Asie de ne pas enfreindre les sanctions américaines.

L’accord sur les prisonniers est intervenu alors que les représentants de M. Biden cherchaient à conclure d’autres accords avec l’Iran pour éviter un conflit, notamment un accord stipulant qu’aucune nouvelle sanction nucléaire ne serait imposée tant que Téhéran limiterait l’enrichissement de l’uranium susceptible d’être utilisé dans la fabrication d’une arme nucléaire.

Pression des Républicains

Toutefois, après l’opération menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre, et après la pression exercée par les Républicains accusant l’administration Biden d’avoir accordé à l’Iran une somme considérable lui permettant de libérer des fonds pour soutenir le Hamas, Wally Adeymo, secrétaire adjoint au Trésor, a déclaré le 12 octobre que l’Iran n’aurait plus accès à ces fonds relatifs à l’échange de prisonniers. L’argent était placé sous étroite surveillance et soumis à des conditions strictes selon lesquelles il ne devait être utilisé qu’à des fins humanitaires. Il n’est pas clair pour l’instant si l’administration démocrate va déclarer ces fonds non utilisables.

L’Iran est soumis à des sanctions économiques réimposées en 2018 par Donald Trump qui avait abandonné l’accord nucléaire que Téhéran avait conclu avec les grandes puissances, à savoir la Grande-Bretagne, la Chine, la France, l’Allemagne, la Russie et les États-Unis en 2015.

M. Trump pratiquait une politique de "pression maximale" sur l’Iran pensant le contraindre à accepter des restrictions plus strictes à son programme nucléaire, qui suscitait des inquiétudes parmi la plupart des pays occidentaux quant à sa possible utilisation pour la fabrication d’une arme nucléaire.

L’administration Biden a donc prolongé de 120 jours la dérogation permettant à l’Irak de régler à l’Iran des achats d’électricité s’élevant à plusieurs milliards de dollars.

Le renouvellement de la dérogation permettrait-elle un autre échange entre les États-Unis et l’Iran, mais cette fois-ci sur base d’un non-embrasement d’autres fronts, tels que le Liban-Sud?

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