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Les massacres du 7 octobre 2023 et leurs ramifications ne sont que le dernier épisode de la violence qui s’est emparée de l’islam contemporain de manière indistincte et des apories du conflit israélo-palestinien. La révolution islamique en Iran et les mouvances terroristes dans l’espace sunnite ne font que répercuter, alternativement, les échecs d’une modernité islamique qui n’a que le ressentiment et la rage comme registres expressifs. Les islamistes sunnites et chiites partagent les élucubrations d’un pathos victimaire doublé d’une paranoïa faite d’un mélange combustible de haine de soi comme revers de la haine de l’autre, d’où cette violence paroxystique qui se nourrit d’étayages scripturaires et d’arrogance suprémaciste.

Ce à quoi nous assistons depuis le 9 septembre 2001, n’est que la conséquence d’une psychose collective compulsive qui se déchaîne dans tous les sens, avec pour contrepartie une volonté de conquête du monde qui s’énonce de manière brutale et épidermique, laissant peu de place à la pensée discursive et à la rétrospective critique. La guerre de l’Irak et de l’Iran, les proclamations impériales de l’Iran khomeiniste, la fatwa contre Salman Rushdie, les assassinats en chaîne commandités par le régime iranien, l’instrumentalisation des conflits régionaux et la politique de répression au sein de l’Iran, reprenaient à leur compte les idéaux des Frères musulmans et leur projet de dictature islamique qui recyclaient les traits distinctifs de l’imaginaire totalitaire et impérialiste du bolchevisme.

L’effervescence des terrorismes sunnites s’est atténuée à la suite de la traque d’Al-Qaïda, la défaite de l’État islamique et la vague réformiste qui a été impulsée par Mohammed ben Salmane et les dynamiques économiques des pays du golfe. L’intermède des printemps arabes et ses promesses firent long feu au profit des guerres civiles, des verrouillages imposés par des impérialismes concurrentiels (iranien, saoudien, turc, qatari) qui se sont réappropriés les dynamiques populistes au bénéfice de leurs politiques de conquête. Sinon, le schéma de la démocratisation et la politique du domino, élaborés par les néoconservateurs américains, n’ont fait que paver la voie à la politique de subversion chiite pilotée par le régime iranien. La stratégie iranienne avait réussi à infléchir la dynamique régionale dans le sens d’une politique de déstabilisation, de mainmise et de chaos institutionnalisé.

Avec le contrôle d’une aire politique s’étendant entre le Yémen, l’Irak, la Syrie, le Liban et les territoires palestiniens, l’Iran finira par s’imposer comme acteur incontournable sur la scène politique régionale, alors que les dynamiques politiques du sunnisme d’État et des mouvances islamistes (quiétiste et terroriste) entraient en berne et se faisaient instrumentaliser par la politique d’expansion iranienne. Ces avancées spectaculaires étaient contrebalancées par la crise de légitimité du régime iranien, la récalcitrance des terrains de conquête et l’état de chaos qui leur ont succédé. Somme toute, les Iraniens misent sur la perpétuation du chaos et sa gérance de manière assez identique à l’État islamique, en se jouant des friches croissantes de l’ordre régional et des crises systémiques du système international, contrairement aux islamismes sunnites en rupture de ban.

La porte d’entrée palestinienne a toujours été un choix judicieux pour les politiques de puissance régionale et le conduit qui, en l’occurrence, a permis au régime iranien de faire sauter la dynamique de normalisation projetée par les négociations américano-saoudienne, de reprendre pied dans le monde musulman, de remettre en question l’existence d’Israël et d’étendre l’aire de la nouvelle guerre froide. Le conflit israélo-palestinien, en dépit de ses enjeux propres, est la plateforme privilégiée afin de consolider les acquis stratégiques, de remédier aux vulnérabilités du régime iranien et de solidifier les assises d’un contre-ordre régional et international, alors que les pays arabes se débattent dans des impasses politiques qui font le lit de tous les extrémismes et des impérialismes concurrentiels (Iran,Turquie, islamismes sauvages). La prolifération des oppositions iraniennes, la dernière attaque de revendiquée par Daech contre le régime des mollahs et le caractère marécageux des politiques de mainmise iranienne mettent en lumière la fragilité des embardées stratégiques et la réversibilité de leurs acquis, et nous renvoient aux réalités d’une région sans ancrages et sans repères normatifs.

La défaite du Hamas et l’affrontement, aux cadences et aux modalités multiples, avec l’Iran et ses agents de traitance sont inévitables. Le massacre du 7 octobre 2023 est une entreprise minutieusement calculée de par son caractère nihiliste, sa dynamique de pulvérisation intentionnelle des équilibres régionaux et internationaux, et la radicalisation idéologique qu’elle a induite. On ne voit pas comment cette ascension aux extrêmes va pouvoir se résorber en dehors d’une défaite militaire du Hamas, d’une politique d’endiguement ferme et à déclinaisons multiples à l’endroit du Hezbollah et du régime iranien, des remaniements géostratégiques et sécuritaires, ou d’une capitulation qui mette fin aux tragédies d’une guerre ouverte et pave la voie à une négociation qui porterait non seulement sur le statut intérimaire de Gaza, mais surtout sur la solution d’ensemble du conflit israélo-palestinien. À cela s’ajoute le blocage du processus de militarisation du nucléaire iranien, la mise en échec de la politique iranienne de sabotage des voies internationales de la mer Rouge, la remise en cause des zones d’influence au Proche et Moyen-Orient, et la mise en place d’une stratégie contreterroriste qui viendrait à bout de la politique de terreur à géométrie variable implémentée par le régime iranien. En outre, les Israéliens et les Palestiniens sont sommés, à leur tour, de mettre un terme aux extrémismes respectifs, de reprendre les négociations sur la base des résolutions internationales et des accords bilatéraux, et de mettre en œuvre un projet de paix.

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