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Beaucoup d’encre a coulé sur la guerre à Gaza, dont l’issue reste toujours incertaine. Cette guerre suscite des inquiétudes quant aux évolutions politiques, militaires et opérationnelles. Elle ne laisse présager aucune perspective immédiate de cessez-le-feu. Même le communiqué du président américain, Joe Biden, publié par la Maison-Blanche à l’occasion des cent jours de la guerre, s’est limité à demander la libération des détenus à Gaza, sans évoquer l’arrêt des hostilités ni les milliers de victimes tombées dans la bande de Gaza.

Nombre d’interrogations politiques émergent également concernant l’après-guerre; toutes cherchant à comprendre la nature de cette période qui reste obscure, plus de trois mois après le déclenchement du conflit. Et pour cause: Israël n’a pas réussi à atteindre les objectifs ambitieux qu’il s’était fixés, face aux opinions publiques israélienne et internationale. Ces objectifs consistent à libérer tous les détenus (dont certains ont péri lors des frappes israéliennes sur Gaza) et à éliminer le Hamas (alors que les roquettes continuent de s’abattre sur les territoires occupés).

Cependant, des questions fondamentales se posent non seulement concernant le déroulement du conflit israélo-palestinien, qui a pris un tournant inédit après le 7 octobre, mais également quant à ses perspectives qui restent ouvertes à toutes les possibilités. Sans oublier l’équilibre des forces régionales et internationales qui se dessine progressivement à la suite de ce conflit. Ces évolutions se manifestent à travers une série d’événements, de comportements et de positions politiques, que l’on peut résumer comme suit:

Les États-Unis maintiennent leur soutien total et inconditionnel à Israël, couvrant ainsi plus de trois mois de bombardements sur Gaza, malgré la non-réalisation d’objectifs qu’il s’était fixés jusqu’à présent. Cette position continue inévitablement à entraîner des répercussions sur la perception du leadership mondial des États-Unis, en particulier en raison de l’incohérence entre cette position et les valeurs démocratiques et les droits de l’homme que les États-Unis prétendent défendre. Il est important de noter que cette attitude pourrait rendre difficile la perspective d’un rôle futur pour Washington en tant que médiateur politique pour résoudre le conflit, à l’instar de ce qui s’est passé avant les accords d’Oslo (1993).

L’Union européenne, malgré quelques réticences, a vu un fort soutien à Israël de la part de certains de ses membres, notamment l’Allemagne et la France, tandis que l’Espagne et l’Irlande ont adopté une position bien plus nuancée. Cependant, hormis la guerre en cours à Gaza, l’Union dans son ensemble traverse de grandes difficultés et a besoin de redéfinir de nombreux concepts et son rôle en tant qu’Union, surtout après le Brexit et d’autres transformations majeures.

Les pays arabes affichent des positions variées à l’égard du conflit, sans réussir à mettre en œuvre les résolutions du sommet arabe d’urgence. Les nations du bassin méditerranéen, quant à elles, agissent en fonction de leurs intérêts respectifs. On peut donc affirmer que les Arabes demeurent principalement en marge de la situation.

La Russie, malgré quelques critiques envers Israël, a choisi de ne pas s’engager directement dans le conflit. Bien qu’elle ait soutenu les droits du peuple palestinien à travers l’histoire, le président russe Vladimir Poutine a préféré concentrer son attention sur le front ukrainien, profitant du détournement de l’attention internationale vers la question israélo-palestinienne pour établir un nouvel état de fait. Partant, qu’on soutienne cette guerre ou qu’on s’y oppose, la Russie conserve son poids politique et économique international malgré les sanctions qui lui sont imposées.

L’Iran, malgré son statut d’acteur régional majeur à travers ses ramifications dans plusieurs pays arabes, n’est pas enclin à ce qu’on qualifie de "confrontation majeure" et ne souhaite pas élargir le conflit, indépendamment de la rhétorique politique utilisée par "l’axe obstructionniste". Une implication de Téhéran dans la recherche d’une solution future constituerait une reconnaissance internationale de son rôle et de sa position.

La Turquie, malgré les critiques sévères exprimées par le président turc Recep Tayyip Erdoğan à l’égard d’Israël à la suite de la guerre à Gaza, n’a probablement pas l’intention de remonter complètement le temps et de rompre toute relation avec Tel Aviv. La Turquie devrait maintenir sa position régionale de pointe, profitant du recul arabe, du débattement israélien et des sanctions contre l’Iran. Elle prend également en compte son rôle dans le nord de la Syrie, en Libye et dans d’autres régions où elle a progressivement consolidé son influence au fil des ans.

Il est indéniable qu’une reconfiguration de la scène internationale se dessinera une fois la guerre à Gaza terminée, compte tenu de l’évolution des équilibres régionaux. Bien que le départ immédiat du leadership unipolaire mondial ne soit pas envisageable, cela ne signifie pas nécessairement que l’unipolarité continuera à exercer une influence prépondérante sur le leadership mondial.

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